abotinsky et la tradition juive : pour en finir avec les calomnies, Pierre Itshak Lurçat
Article mis à jour le 26-07-2012
Jabotinsky et la tradition juive : pour en finir avec les calomnies, Pierre Itshak Lurçat
 Une des nombreuses calomnies qui ont été propagées au sujet de 
Jabotinsky concerne son rapport au judaïsme et à la religion en général.
 Selon cette accusation, il aurait été un « ennemi » du judaïsme et de 
la Tradition juive, qu’il aurait voulu « extirper » de l’État hébreu en 
gestation… (J’avais répondu à un rabbin francophone qui diffusait de 
telles accusations sur son site, et qui les a depuis retirées. Donc 
acte). Or un examen attentif révèle que rien n’est plus éloigné de la 
réalité que cette description caricaturale du fondateur du Bétar et du 
parti sioniste révisionniste.
 Jabotinsky a grandi dans un foyer juif traditionnel où l’on célébrait le shabbat et les fêtes, comme il le décrit dans son autobiographie.
  Il s’est certes détaché très tôt de la pratique religieuse, mais a  
gardé un vif attachement pour la Bible hébraïque, qu’il connaissait de  
manière approfondie et qui lui a inspiré, outre son roman biblique Samson, plusieurs textes importants et des conceptions sociales originales portant notamment sur le Yovel, dont il a fait la pierre angulaire de sa pensée sociale et économique *.
Si
 le parti révisionniste était à ses  débuts un parti laïc, aspirant à la
 normalisation et à la laïcisation de  la condition juive, à l’instar 
des courants majoritaires au sein du  mouvement sioniste (à l’exception 
du Mizrahi), il a pourtant connu une  évolution significative – 
parallèle à celle de son fondateur – liée à  plusieurs facteurs 
concurrents, tant historiques que personnels.
L’événement
 marquant qui a déterminé  cette évolution fut l’affaire Arlosoroff et 
la prise de position  courageuse du rabbin Kook, qui s’éleva 
publiquement contre les  accusations mensongères portées contre Avraham 
Stavsky et ses camarades,  accusés d’assassinat du leader travailliste, 
qui furent finalement  innocentés. Jabotinsky fut très impressionné par 
l’engagement et par la  stature morale du grand-rabbin Kook, telle 
qu’elle se révéla à lui  durant cet épisode, et il en conçut une vive 
admiration pour ce dernier,  qu’il compara dans un texte fameux au 
« Grand-prêtre » de la Bible.
Dans une lettre datée du 22 juin 1934, adressée au rav Nathan Milikovsky (le grand-père de Binyamin Nétanyahou), Jabotinsky écrit ces mots :
Le
 nom du rabbin K. est devenu en  l’espace d’une nuit un symbole sublime 
dans le cœur des foules. Et  moi-même, en toute humilité, si je n’étais 
pas totalement ignorant** des  choses de la Tradition, craignant de 
m’exprimer sur les sujets  religieux, je choisirais précisément cet 
instant pour lancer  publiquement un appel dont je rêve depuis l’époque 
de ma jeunesse :  renouveler, de nos jours, le titre de « Cohen Gadol » 
(Grand-Prêtre). Je  suis persuadé que la majorité des Juifs du monde 
entier accepteraient  cela avec enthousiasme, et que même les 
gouvernements (dans les pays qui  reconnaissent le judaïsme comme 
communauté religieuse) entérineraient  cette décision. Mais je n’ose 
pas…
Un
 an plus tard, en 1935, lors du  Congrès fondateur de la Nouvelle 
Organisation sioniste, Jabotinsky  accueille avec sympathie « l’Alliance
 de Yéchouroun », courant  sioniste-religieux au sein du parti 
révisionniste, malgré la vive  opposition de plusieurs membres de la 
Vieille Garde du parti, au rang  desquels figurent Adia Gourevitz 
(fondateur du mouvement cananéen) et  son propre fils, Eri Jabotinsky. 
Dans son discours prononcé devant le  Congrès de la N.O.S., Jabotinsky 
déclare :
« Bien
 entendu, la religion est  l’affaire privée de chacun… Dans ce domaine 
doit régner la liberté  absolue, héritée de l’ancien libéralisme 
sacré... Mais ce n’est pas une  question privée de savoir si le Mont 
Sinaï, les prophètes sont des  fondements spirituels ou une momie dans 
une vitrine de musée, comme le  corps embaumé de Pharaon… 
C’est
 une question essentielle et  supérieure pour un État et pour notre 
nation, de veiller à ce que le feu  sacré perpétuel ne s’éteigne pas… 
pour que soit préservée, au milieu du  tumulte des innombrables 
influences qui entraînent la jeunesse de nos  jours, et parfois la 
trompent et l’empoisonnent, cette influence qui est  une des plus pures –
 l’esprit de D.ieu ; pour qu’un endroit subsiste  pour ses partisans et 
une tribune pour ses promoteurs » ***.
L’évolution
 de Jabotinsky tient  également à sa compréhension profonde du rôle de 
la tradition. Après  avoir, comme beaucoup de dirigeants sionistes de sa
 génération, rejeté  la Yiddishkeit et le joug des mitsvot – vestiges
  d’un passé sur les ruines duquel ils voulaient édifier une nouvelle  
Nation en créant un « Nouveau Juif » – il est parvenu dans les années  
1930 à une appréciation positive de l’importance de la tradition juive, à
  laquelle il attribue un rôle essentiel dans l’édification d’un État et
  d’une nation hébraïque.
Le « sionisme suprême »Dans son discours programmatique, lors du Congrès fondateur de la N.O.S. à Vienne, en 1935, Jabotinsky définit ainsi le but du « sionisme suprême » :
« L’État
 juif n’est que la première  phase de la réalisation du sionisme 
suprême. Après cela viendra la  deuxième phase, le retour du peuple Juif
 à Sion… Ce n’est que dans la  troisième phase qu’apparaîtra le but 
final authentique du sionisme  suprême – but pour lequel les grandes 
nations existent : la création  d’une culture nationale qui diffusera sa
 splendeur dans le monde entier,  comme il est écrit : ‘Car de Sion 
sortira la Torah’ ».
Ce
 n’est pas le moindre paradoxe de la  pensée, riche et complexe, du 
« Roch Bétar » - souvent dépeint de  manière caricaturale comme un Juif 
totalement assimilé, ennemi de la  tradition, que cette vocation du 
futur État juif, à la fondation duquel  il a donné sa vie, soit exprimée
 précisément dans les mots du prophète  Isaïe.
 
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