jeudi 17 janvier 2013


Introduction
La vie est un phénomène caractérisant l'état dynamique ou latent d'unités complexes auto-organisées et homéostatiques de la matière (organismes vivants), possédant éventuellement une capacité de duplication et d'évolution. Cette définition est parfois figurée comme l'ensemble des êtres vivants formant la biosphère. C'est aussi une notion empirique particulièrement importante pour les humains (étant eux-mêmes des êtres vivants sapiens et émotionnellement sensibles), cependant difficile à expliquer et circonscrire en une définition (cf. infra). On oppose au phénomène vivant la notion de mort mais aussi de matière inerte, voire brute. On rapproche aussi la notion de vie de la durée s'écoulant entre la naissance et la mort, au contenu évènementiel actif et passif de cette période, et à l'approche harmonieuse des relations humaines (voir « question sociale »).
La biologie est la science ayant pour objet l'étude du phénomène vivant. Elle s'appuie notamment sur la chimie organique et l'étude de l'évolution des organismes présents ou passés, et s'interroge sur les conditions d'apparition de la vie (phénomène unique ou au contraire très banal) et sur la possibilité de vie extraterrestre éventuellement évoluée (implicitement des organismes sapiens émotionnellement sensibles, capables de prouesses technologiques comparable à l'humanité).
Certains théoriciens n'excluent pas d'adopter des définitions pouvant inclure des formes mécaniques ou électromécaniques, et même des formes créées par l'homme hors de tout processus reproductif naturel (« vie artificielle » ou cellule artificielle).
La conscience d'une transition entre la vie et la mort, exprimée au travers de rites funéraires, fait partie des stades marquants de l'hominisation. La vie, parmi les concepts primordiaux de la pensée, a donné lieu à de nombreuses réflexions et analyses empiriques, philosophiques, scientifiques, etc. C'est également une source de débats souvent reliés aux notions d'esprit et d'intelligence, qu'il s'agisse de considérations éthiques (cf. avortement, euthanasie, « vie éternelle »), environnementales (cf. écologisme, qualité de vie) ou même politiques (chartes ou déclarations des droits de l'Homme, des droits de la Femme, des droits de l'Enfant, des droits de l'Animal, etc).
La reproduction est l'ensemble des processus par lesquels une espèce se perpétue, en suscitant de nouveaux individus. C'est une des activités fondamentales, partagées par tous les êtres vivants (avec la nutrition et la croissance). En effet, toute espèce doit posséder un système de reproduction efficace, sans quoi elle est menacée d'extinction.
Si la reproduction permet une perpétuation de l'espèce dans le temps, elle est souvent couplée à un système de dispersion dans l'espace. Il s'agit de systèmes permettant de coloniser de nouveaux milieux, et d'augmenter les chances de survie de l'espèce.



La reproduction avec soin aux jeunes (Femelle d'élan et son petit, Rocky Mountain National Park)
Avec des variations dépendant du contexte, des individus, populations et espèces (de faune, flore, fonge ou bactéries), il existe un coût de reproduction1, correspondant grossièrement aux ressources énergétiques notamment que l'individu ou l'espèce alloue à la reproduction. Ces coûts semblent jouer un rôle important dans les processus de sélection naturelle qu'on peut par exemple analyser selon un modèle cout-avantage. Dans certains cas les adultes meurent en quelque sorte au profit de leur progéniture après avoir produit un grand nombre d'œufs (ex saumons après la ponte), dans d'autre cas (grands mammifères), les adultes produisent peu de petits, mais consacrent beaucoup d'énergie à les élever et les protéger au moins dans les premiers temps de leur vie.
 La fécondation, pour les êtres vivants organisés, est le stade de la reproduction sexuée consistant en une fusion des gamètes mâle et femelle en une cellule unique nommée zygote. Elle a été observée et décrite pour la première fois par Gustave Adolphe Thuret en 1854 chez l'algue brune Fucus.
La fécondation permet le passage de deux cellules haploïdes, c'est-à-dire les gamètes, en une cellule diploïde qui est le zygote. Un gamète est une cellule reproductrice mature capable de fusionner avec un autre gamète, du type complémentaire, pour engendrer une nouvelle génération d'un être vivant eucaryote. Les gamètes sont des cellules spécialisées dont la fonction est d'assurer la reproduction sexuée.
Le mot « gamète » a été inventé à partir des noms « γαμέτης », gamétês et « γαμέτις », gamétis qui, en grec ancien, désignent respectivement l'époux et l'épouse.
Les gamètes sont des cellules haploïdes, c'est-à-dire qu'elles contiennent une collection complète de n chromosomes, en un seul exemplaire chacun. Il existe quelques rares exceptions particulières qui sont liées à certains types de polyploïdies.
Le processus qui conduit à la formation des gamètes est appelé la gamétogenèse. La réduction à n du nombre de chromosomes implique l'existence d'une division cellulaire particulière, la méiose, qui survient avant ou pendant la gamétogenèse.
Le processus qui réalise la fusion de deux gamètes est appelé la fécondation. Celle-ci produit une nouvelle cellule unique, appelée zygote, dont le nombre de chromosomes a ainsi doublé à 2n. Le développement du zygote donne ensuite un organisme nouveau de type diploïde.
Chez certaines espèces, par exemple plusieurs algues vertes de la classe des Ulvophyceae, les gamètes sont d'apparence et de taille identiques : la fécondation est dite isogame. Chez de nombreuses espèces, en revanche, il existe deux types de gamètes qui sont différenciables par la taille et éventuellement par l'apparence : la fécondation est alors dite anisogame. Les petits gamètes, ou microgamètes, définissent l'individu qui les produit comme étant de sexe mâle, les gros gamètes, ou macrogamètes, de sexe femelle. La différence de taille peut être ténue comme chez certaines algues vertes, elle peut être considérable avec comme exemple extrême celui de l'autruche puisque son œuf avant fécondation est pour l'essentiel un gamète femelle.
Selon les groupes phylogénétiques auxquels les espèces appartiennent, les gamètes peuvent être mobiles ou non. Lorsque, pour une espèce, seul un des deux types est mobile, c'est toujours le gamète mâle, et celui-ci prend alors le nom de spermatozoïde. C'est ainsi le cas chez tous les animaux métazoaires, où le gamète femelle est, quant à lui, un ovocyte. L'espèce humaine en fait partie. Chez les plantes à fleurs, au contraire, il n'y a plus aucun gamète mobile, et le rapprochement des gamètes est assuré par une dissémination passive du pollen puis une germination dans les tissus de la fleur.
Pour certaines espèces, il existe une paire de chromosomes particuliers, appelés hétérosomes, porteurs de la différenciation sexuelle, qui sont dissemblables ou non selon le sexe, qui vont alors se répartir de manière différente entre les gamètes. C'est notamment le cas chez l'être humain : les ovocytes sont tous porteurs de vingt-deux chromosomes somatiques et d'un hétérosome X, les spermatozoïdes sont porteurs de vingt-deux chromosomes somatiques et soit d'un hétérosome X, soit d'un héterosome Y. Dans le cas des humains, c'est donc l'apport chromosomique du gamète mâle qui détermine, après la fécondation, le sexe génétique du Un mâle désigne, en biologie chez les espèces sexuées et anisogames, le sexe qui produit les gamètes les plus petits, lesquels sont alors appelés spermatozoïdes. Il s'oppose en cela au sexe femelle, qui produit les gamètes les plus gros, appelés ovules. Ainsi, les individus portant les œufs pendant le développement embryonnaire de l'hippocampe sont dits les mâles, non pas à cause d'un appareil génital externe, mais parce que leurs gamètes se sont avérées être plus petits.
Les organes mâles des animaux ou des végétaux sont les organes aptes à féconder ou à préparer la fécondation des femelles.
Chez les animaux, le mâle est souvent, soit au moment de la reproduction, soit toute sa vie ou après le stade de maturité sexuelle de taille et de couleur et corpulence différente de la femelle, on parle alors de dimorphisme sexuel
Zygote
 Les ovules sont définis comme étant les gamètes les plus gros, par opposition aux plus petits produits pas les mâles. La reproduction sexuée nécessite que l'ovule soit mis en présence de gamètes mâles, bien qu'il puisse intervenir dans des reproductions asexuées (par exemple dans le cas de la parthénogenèse).
Chez les mammifères, la femelle peut allaiter grâce à ses mamelles.
puis de l'embryon (XX pour les femelles, XY pour les mâles).
La cellule (du latin cellula petite chambre) est l'unité de structure, fonctionnelle et reproductrice constituant toute partie d'un être vivant (dont les virus ne font pas partie). Chaque cellule est une entité vivante qui, dans le cas d'organismes multicellulaires, fonctionne de manière autonome, mais coordonnée avec les autres. Les cellules de même type sont réunies en tissus, eux-mêmes réunis en organes.
La théorie cellulaire implique l'unité de tout le vivant : tous les êtres vivants sont composés de cellules dont la structure fondamentale est commune ainsi que l'homéostasie du milieu intérieur, milieu de composition physico-chimique régulé et propice au développement des cellules de l'espèce considérée. 28 LE MOUVEMENT DE LA
Fécondation chez les végétaux
Le processus complet de la fécondation est encore mal compris.
Ce n'est que récemment qu'on a compris la manière dont le tube pollinique était chimiquement guidé vers l'ovule1 en s'enfonçant dans les tissus de reproduction féminin avant de cesser sa croissance, se casser pour libérer deux spermatozoïdes, l'un fécondant l'ovule et l'autre fusionnant avec une cellule femelle pour générer l'endosperme, le tissu de nutrition de l'embryon végétal. Ce n'est que récemment qu'on a identifié le mode de signalisation permettant aux cellules mâles et femelles de se reconnaître et produire l'embryon. Au début des années 2000, Thomas Dresselhaus et ses collègues, à l'Université de Ratisbonne (Allemagne) trouvaient quatre protéines défensines exclusivement exprimée dans le sac embryonnaire, ce type de protéines étant habituellement impliquées dans le système immunitaire des végétaux, mais aussi d'insectes et d'autres animaux2. Elles auraient pu être destinées à tuer d'éventuels microbes qui auraient pénétré l'ovaire, mais via d'autres études d'expression des gènes et la création de plantes knock-down, on a montré que l'une de ces quatre protéines (la Defensine-like, ZmES4) est rejetée par le sac embryonnaire au cours du processus de fécondation et provoque la rupture du tube pollinique qui peut alors libérer les spermatozoïdes. La fonction de cette protéine n'était pas la défense, mais la rupture de l'extrémité du tube pollinique ; il pourrait s'agir d'un détournement de fonction originellement de protection immunitaire. La protéine cible du tube pollinique est celle des canaux potassiques. Quand elle est contactée par ZmES4, un flux d'ions potassium et d'eau est brusquement apporté dans les canaux potassiques, rompant l'équilibre osmotique et provoquant une mini-explosion qui libère également les deux spermatozoïdes. La protéine n'agit ainsi que sur le tube de sa propre espèce (La fécondation a même été retardée de 30 min dans le tube pollinique d'une sous-espèce proche de maïs, Tripsacum dactyloides)2. Certains généticiens souhaitent mieux comprendre ces mécanismes pour créer des outils biotechnologiques permettant de nouvelles fertilisations croisées voire la création de chimères (ce qui demanderait aussi de résoudre des problèmes d'incompatibilités génomiques). Des outils ou tests de sélection pourraient aussi dériver de cette découverte2.
Dans le domaine des végétaux, la fécondation se réalise selon deux modalités :
l'autofécondation (autogamie), ou fécondation par son propre pollen (cas général chez le pêcher). Ce mode de fécondation favorise un taux élevé d'homozygotie. ;
l'interfécondation (allogamie), ou fécondation croisée (cas général chez le pommier et le poirier), les insectes et particulièrement les abeilles assurant fréquemment la pollinisation. Ce mode de fécondation favorise un taux élevé d'hétérozygotie.
 Double fécondation
Chez les Angiospermes et les Gnétophytes la fécondation est double:
Le grain de pollen produit deux cellules germinales.
l'une des deux cellules germinales mâle s'associe à l'oosphère. Ceci mène à la formation du zygote-plantule, ou embryon de plante, à l'origine d'une nouvelle plante. Ce zygote est diploïde.
l'autre fusionne avec les deux noyaux de la cellule centrale et constituent le zygote-albumen, servant de réserve pour la plantule lors de la germination. Ce zygote est triploïde.
Fécondation artificielle
Elle permet de réunir sur un seul individu les qualités possédées par plusieurs. Les soins préalables consistent à enlever, avant la fécondation, toutes les anthères des fleurs qu'on veut féconder puis, quand le stigmate est bien développé, à apporter sur ces fleurs castrées, du pollen d'une variété dont on veut reproduire les caractères.
L'hybride ne sera pas le fruit obtenu mais le fruit issu du semis des graines du fruit obtenu.
Ce n'est que pour les végétaux...
Fécondation chez les animaux
Fécondation naturelle
Deux types de fécondation existent chez les animaux : la fécondation interne et la fécondation externe.
 Fécondation interne
Lors d'une fécondation interne, le sperme mâles est émis dans les voies génitales femelles, où ils rencontreront les ovocytes. Ce type de fécondation implique généralement un accouplement.
La fécondation, c'est-à-dire la rencontre des gamètes, peut être facilitée par des comportements sexuels, notamment des parades nuptiales. Chez les espèces à fécondation interne, ces comportements favorisent le rapprochement des deux partenaires et, donc, l'accouplement.
La fécondation interne est trouvée généralement chez les espèces vivant en milieu terrestre. Elle est rencontrée principalement chez les mammifères (y compris aquatiques), les oiseaux, les reptiles ou les insectes. En outre, dans le milieu aquatique, la fécondation interne existe chez les poissons cartilagineux (sélaciens comme les requins) et les mollusques céphalopodes.
 Fécondation externe
Lors d'une fécondation externe, les gamètes sont émis dans le milieu extérieur, dans l'eau pour la grande majorité des cas. Il n'y a pas d'accouplement dans ce type de fécondation, et les gamètes libérés vont se rencontrer au gré du hasard dans l'eau où ils vont s'unir. Les gamètes sont émis en très grande quantité pour optimiser les probabilités de leur rencontre.
Certaines espèces à fécondation externe présentent aussi des comportements sexuels pour faciliter la rencontre des gamètes. C'est le cas, en particulier, de grenouilles ou de poissons dont la parade nuptiale permet la libération simultanée des gamètes.
La fécondation externe est trouvée généralement chez les espèces vivant en milieu aquatique. Elle est rencontrée principalement chez les batraciens, les poissons osseux ou de nombreux invertébrés aquatiques.
Fécondation artificielle
Observateur et expérimentateur de premier ordre, l'Abbé Spallanzani réalise, en 1777, la première fécondation artificielle, en étudiant le mécanisme de la reproduction chez les batraciens. Il réussit, en 1779, la première insémination artificielle d'une chienne.
En 1875, l'embryologiste Oscar Hertwig observe, lors d’une fécondation artificielle d’oursin, la pénétration d’un spermatozoïde dans l’ovule, la fusion des noyaux mâle et femelle et la division de l’œuf en deux cellules.
 Fécondation chez l'être humain
Article détaillé : Fécondation humaine.
Chez les humains, comme chez la plupart des animaux, la fécondation est une des étapes de la reproduction. Elle consiste en la rencontre du gamète mâle, le spermatozoïde avec le gamète femelle, un ovocyte II. Le gamète mâle doit préalablement avoir subi l'étape de capacitation dans les voies génitales femelles et obtenir sa capacité fécondante. La fécondation se déroule en 4 phases bien distinctes :
Reconnaissance spécifique : le spermatozoïde et l'ovocyte se reconnaissent comme compatibles, de la même espèce. Cette reconnaissance est effectuée entre les protéines composant la zone pellucide (enveloppant l'ovocyte pendant sa maturation) et des récepteurs présents sur la membrane du spermatozoïde. Le spermatozoïde ne subit pas de phénomène de rejet comme corps étranger car il produit à sa surface des cytokines polypeptidiques, des Transforming Growth Factor-bêta (TGFβ2 et TGFβ3) qui agissent comme éléments anti-rejet. Il se produit alors une réaction acrosomique, qui va "dissoudre" la zone pellucide et permettre le passage du gamète mâle, jusqu'à la membrane plasmique de l'ovocyte. Chez l'humain et autres mammifères à fécondation interne, il n'y a a priori pas de problème de reconnaissance, deux espèces différentes ne s'accouplant que rarement ensemble. Les expériences ont tout de même montré qu'une fécondation entre deux espèces différentes n'était pas possible, du fait de la différence des génomes entre les espèces. Ce mécanisme de reconnaissance spécifique est surtout utile pour les animaux à fécondation externe, comme certains poissons ou batraciens : la femelle pond ses œufs dans le milieu, et le mâle vient y déposer son sperme.
Fusion du spermatozoïde et de l'ovocyte : afin de garder une quantité 2n de matériel génétique chez le zygote, un seul spermatozoïde doit féconder l'ovocyte : c'est la monospermie. Cette monospermie est permise grâce au réveil ovocytaire qu'entraine la fusion des gamètes; ainsi les granules corticaux (lysosomes synthétisés durant la croissance de l'ovocyte) sont exocytés sous le contrôle d'une augmentation de la concentration en calcium cytosolique et leurs contenus enzymatiques modifieront les glycoprotéines de la zone pellucide qui deviendra "imperméable" à d'autres spermatozoïdes.
Reprise de la méiose pour l'ovocyte : celui-ci était bloqué en métaphase II avant la fécondation. Il finit donc sa deuxième division de méiose et expulse son deuxième globule polaire. Cette activation de l'ovocyte est sous le contrôle du calcium cytosolique dont la concentration augmente grâce à une enzyme (une PhosphoLipase C, isoforme zeta) apportée par le spermatozoïde3. Une fois cette étape terminée, on trouve dans l'ovocyte deux noyaux, appelés pronuclei : la pronucleus femelle et le pronucleus mâle (provenant du spermatozoïde). On peut alors parler d'ovule et non plus d'ovocyte.
Amphimixie et déclenchement du développement embryonnaire : il s'agit de la fusion des deux pronuclei. En réalité, les deux pronucléi ne se fusionnent pas à proprement parler, comme on pourrait l'imaginer, mais le matériel génétique se rassemble sur la plaque équatoriale au moment de la métaphase de la toute première division cellulaire du nouveau zygote.
Fécondation in vitro.
Jusqu'au XXe siècle, la fécondation, la fusion des gamètes, avait nécessairement lieu dans le corps de la femme. Mais en 1978, naît Louise Brown, le premier bébé obtenu par fécondation in vitro, donc par une fécondation hors du corps de la femme.
Le principe de base est simple : un prélèvement de sperme de l'homme et un ovocyte II de la femme sont mis en contact dans une éprouvette, et un œuf se forme. L'embryon obtenu est alors transféré dans l'utérus de la femme.
En fait, pour augmenter les chances d'avoir un embryon, il faut employer plusieurs ovules. Les ovaires de la femme sont sur-stimulés pour obtenir une dizaine d'ovules. Le sperme de l'homme est mis en contact avec tous ces ovules, ce qui permet d'obtenir 5 ou 6 embryons. Deux ou trois d'entre eux sont transférés dans le corps de la femme, alors que les autres sont congelés si la division cellulaire le permet. Ils pourront être utilisés pour une autre tentative, si les parents le désirent, ou bien être détruitsPrincipales étapes
Il n'existe pas de modèle « standard » pour décrire l'origine de la vie. Cependant le modèle le plus couramment accepté est fondé sur l'enchaînement supposé des événements suivants :
1. Formation de la « soupe primitive ». Des conditions prébiotiques plausibles entraînent la création de molécules organiques simples, qui sont les briques de base du vivant. Les réactions de synthèses organiques conduisant à la formation de catalyseurs favorables à ces mêmes synthèses bénéficient d'un avantage sélectif. Suivant les auteurs, des mécanismes différents expliquent la formation des monomères initiaux, et leur polymérisation ultérieure.
2. Cloisonnement et compartimentation des milieux réactifs. Des phospholipides forment spontanément des doubles couches qui sont la structure de base des membranes cellulaires. L'organisation spatiale permet des différences de compositions entre milieux, et la mise en place d'échanges trans-membranaires. Apparition de cycles réactifs à la base d'un métabolisme élémentaire, capable d'alimenter un processus de production et reproduction du milieu chimique en puisant sur des ressources extérieures ; avantage sélectif aux collections de cycles capables de produire leur propres catalyseurs.
3. Réplication de molécules à la fois fonctionnelles et codantes. Les mécanismes qui produisent aléatoirement des molécules d'ARN (acide ribonucléique), en mesure d'agir comme des ARN-enzymes capables, dans certaines conditions très particulières, de se dupliquer. C'est une première forme de génome, et nous sommes alors en présence de protocellules. Grâce à une transcription codée des éléments participant au métabolisme d'ensemble, les compartiments élémentaires sont capables de maintenir une composition chimique et un métabolisme stable, de dupliquer les molécules codantes qui régulent ce milieu, autorisant la séparation d'une cellule initiale en deux cellules fonctionnellement équivalentes.
4. Spécialisation de la fonction enzymatique et de la réplication.
o Les ARN-enzymes sont progressivement remplacées par des protéines-enzymes, grâce à l'apparition des ribozymes, ceux-ci étant capables de réaliser la synthèse des protéines.
o L'ADN apparaît et remplace l'ARN dans le rôle de support du génome, dans le même temps les ribozymes sont complétés par des protéines, formant les ribosomes. C'est l'apparition de l'organisation actuelle des organismes vivants.
D'abord : Gènes ou Métabolisme ?
Cette logique d'apparition correspond au modèle « métabolisme d'abord ». Les étapes 2 et 3 sont parfois inversées, l'isolement en compartiment et l'émergence du métabolisme étant alors présenté après l'apparition des ARN autoréplicants (hypothèse « gènes d'abord »).
En fait il y a actuellement deux écoles de pensée principales sur l'origine de la vie1: l’une qui considère que seuls les acides nucléiques ont pu jouer un rôle clé dans le processus de la sélection naturelle qui a formaté les organismes vivants; l’autre qui privilégie le rôle du métabolisme en considérant que les organismes vivants sont des systèmes loin de leur état d’équilibre thermodynamique qui parviennent à se maintenir tels grâce aux processus métaboliques.
 Les modèles « gènes d'abord »


Une molécule d'ADN.
Dans ce modèle, l'apparition du génome a précédé l'apparition du métabolisme. Des molécules d'ADN ou d'ARN auraient ainsi existé seules, s'autorépliquant à partir des molécules présentes dans leur environnement. Les « individus » sont donc représentés par les molécules d'acides nucléiques elles-mêmes.
L’école de pensée privilégiant les acides nucléiques se subdivise en deux classes d’hypothèses2: la première est que les premières formes de vie sur Terre ont utilisé l’ARN comme seul constituant génétique capable d’encoder l’information nécessaire aux catalyses biologiques. La deuxième est encore plus restrictive puisqu’elle considère l’ARN comme la première forme de vie sur Terre, c’est-à-dire comme le premier système chimique à l’origine de l’évolution darwinienne, l'hypothèse du monde à ARN.
 Les modèles « métabolisme d'abord »
Plusieurs modèles rejettent l'idée de l'autoréplication d'un gène « nu » et font l'hypothèse de l'apparition d'un métabolisme primitif qui aurait précédé l'émergence de la réplication de l'ARN. Une des premières versions de cette hypothèse fut présentée en 1924 par Alexander Oparin avec son idée de vésicules primitives capables de se répliquer, à une époque où on ne connaissait pas encore la structure de l'ADN.
L’école de pensée privilégiant le rôle du métabolisme3 4, comme le concept d’autopoièse5, s’inspire du concept du système dissipatif qui se maintient loin de l'équilibre thermodynamique, grâce au flux de matière et d'énergie qui le traversent6.
Le problème de cette approche est de pouvoir rendre compte de l'évolution de ces systèmes métaboliques7 car ils se répliquent sans transmettre d’information, c’est-à-dire qu’ils n'ont pas d'hérédité8.
D'autres variantes sont apparues dans les années 1980 et 1990 comme la théorie de Günter Wächtershäuser sur un monde sulfuro-ferreux, ou les modèles de Christian de Duve fondés sur la chimie des thioesters.
D'autres arguments plus abstraits ont aussi été présentés. On peut citer les modèles mathématiques de Freeman Dyson au début des années 1980 sur la probabilité de l'émergence d'un métabolisme sans présence de gènes, ou encore les travaux de Stuart Kauffman sur les ensembles globalement autocatalytiques (voir génération spontanée pour une présentation des idées de Kauffman sur l'origine de la vie).
Kauffman et les réseaux auto catalytiques
Que des formes complexes ne puissent pas avoir une origine aléatoire était un principe très généralement accepté. En 2002, Stuart Kauffman est le premier à l’avoir mis en doute à la suite d’expériences numériques, point de vue qu'il défendit dans l'introduction de son ouvrage Self Organization in Biological Systems. Il étudiait la dynamique de réseaux d’automates cellulaires engendrés d’une façon aléatoire. Il a alors observé que des formes stables animées d’un mouvement périodique apparaissaient spontanément, quelles que soient les conditions initiales. Il voyait ainsi des formes complexes et durables engendrées d’une façon purement aléatoire. Il a vite compris que son observation renouvelle d’une façon très originale nos façons d’expliquer les phénomènes et qu’il pouvait l’appliquer à la question de l’origine de la vie. Il a mis quelques années avant de le faire accepter par d’autres scientifiques.
Lorsque de nombreuses molécules différentes sont mises en présence, on peut décrire la dynamique chimique par un réseau. Chaque espèce de molécules est reliée aux autres espèces avec lesquelles elle réagit. Un tel réseau peut avoir des boucles autocatalytiques, c’est-à-dire qu’une espèce moléculaire, appelons-la A, favorise, ou catalyse, des réactions chimiques qui vont conduire à la production de molécules du type A. Une telle boucle est potentiellement explosive, parce qu’il y a un effet boule de neige, mais si les espèces à partir desquelles A est produite sont en quantité limitée, l’autoproduction de A est elle-même limitée.
Les êtres vivants sont toujours des réseaux autocatalytiques. Toutes leurs molécules (ADN, protéines et autres) réagissent avec les molécules ingérées (les aliments) pour produire des molécules semblables à elles-mêmes. Les plantes sont même capables d’utiliser la lumière du soleil dans ce but.
En étudiant des modèles, Kauffman a établi que sous des conditions assez générales un réseau de réactions chimiques contient nécessairement des réseaux autocatalytiques. Il suffit que le réseau soit suffisamment touffu, que les espèces moléculaires soient suffisamment nombreuses et réactives les unes vis-à-vis des autres.
Les réseaux autocatalytiques expliquent la reproduction des molécules mais à eux seuls ils ne suffisent pas pour expliquer la reproduction des unicellulaires.
[modifier] Chimie prébiotique
La chimie prébiotique est une branche de la biochimie qui se propose d'étudier les conditions primitives de la vie sur Terre, et surtout la manière dont elle est apparue à partir de quelques molécules inertes.
 Conditions chimiques initiales


Évolution de la composition atmosphérique.
Articles détaillés : Archéen et Histoire de la Terre.
L’atmosphère de l’Archéen ne contient apparemment pas ou très peu d’oxygène libre. Selon Alexandre Oparine et John Haldane, l'atmosphère terrestre primitive, lors de sa formation, était composée de méthane (CH4), d'ammoniac (NH3), de vapeur d'eau (H2O), de gaz carbonique (CO2) et d'hydrogène sulfuré (H2S). Par l'action du rayonnement ultraviolet provoquant la photodissociation de ces molécules, l'atmosphère a évolué progressivement, perdant son méthane pour évoluer vers une atmosphère de gaz carbonique et d'azote. Lors de l'apparition de la vie, l'atmosphère est moyennement réductrice : (CO2 ; N2). Des modèles plus anciens considéraient une atmosphère fortement réductrice comme probable : (CH4 ; NH3).
Sa température est supérieure à celle d’aujourd’hui, bien que le Soleil soit de 25 à 30 % moins lumineux que de nos jours, la différence est compensée par la présence de gaz à effet de serre, ou, alternativement, par l'absence de nuages réfléchissants et un albédo de surface plus bas. La pression est de quelques atmosphères.
La température dans la majorité des modèles est de 40 °C à 85 °C, bien qu’une atmosphère plus tempérée soit possible9. L’eau sous forme liquide est présente, les océans ont probablement fini de se former durant l’Hadéen.
[modifier] L'expérience Urey-Miller et l'origine des molécules organiques
Articles détaillés : Expérience de Miller-Urey et Soupe primordiale.
Le biochimiste Robert Shapiro a résumé les théories de Oparin et Haldane sur la « soupe primordiale » de la manière suivante10 :
1. La Terre avait primitivement une atmosphère réductrice.
2. Cette atmosphère a produit des composés organiques simples (monomères) sous l'action de diverses sources d'énergie.
3. Ces composés se sont accumulés au fil du temps dans une sorte de soupe chimique, qui a pu se trouver concentrée en divers endroits (côte et lagune, mont hydrothermal, etc.).
4. Par la suite, des polymères et composés plus complexes se sont développés dans le mélange, conduisant finalement à la Vie.
Les trois premières étapes ont fait l'objet de reconstitutions et d'études en laboratoire ; mais la quatrième « étape » de cette théorie a été qualifiée de très simpliste - rappelant le coup de baguette magique des contes de fées.
En 1953, le chimiste américain Stanley Miller réalisa une série d'expériences dans le cadre de sa thèse de doctorat.
Les expérience de Miller-Urey furent décisives dans la compréhension de la chimie prébiotique. En effet, à partir d'eau (H2O), de méthane (CH4), d'ammoniac (NH3) et d'hydrogène (H2), on a recueilli des acides aminés (dont 13 des 22 qui sont utilisés pour fabriquer des protéines dans les cellules des organismes), des sucres, des lipides, et quelques composants des acides nucléiques mais pas d'acides nucléiques entiers (ADN ou ARN). Des mélanges racémiques des énantiomères gauche lévogyre et droite dextrogyre se sont formés.
Les travaux révolutionnaires de Miller ont donné lieu à de très nombreuses publications, la composition de l'atmosphère terrestre primitive faisant débat.
En 2009, Sutherland et son équipe11 sont parvenus à établir une voie de synthèse des nucléotides à base pyrimidique, l'acide uridylique et l'acide cytidylique. Les chercheurs butaient sur cette voie de synthèse pré-biotique depuis 40 ans en raison de la difficulté à trouver la bonne façon de lier le ribose à la base azotée. La clé de cette voie est de passer par un précurseur commun au ribose et la base azotée. Ce précurseur, le 2-aminooxazol, est obtenu à partir de molécules organiques élémentaires : le glycéraldéhyde, le cyanamide, le cyanoacétaldéhyde, le cyanoacétylène et le phosphate inorganique. Le mélange réactionnel alimenté par de l'azote gazeux est soumis à un cycle de chauffage-refroidissement afin de simuler le cycle d'évaporation d'une mare par le rayonnement solaire et l'alimentation par la pluie. Après une semaine le 2-aminooxazol s'accumule dans le réacteur. Le précurseur se transforme ensuite en ribose et cytosine liés ensemble. Le phosphate est ensuite ajouté au milieu réactionnel en présence d'UV durant trois jours (l'absence d'ozone dans les conditions pré-biotiques engendrait un bombardement intense d'UV). L'acide cytidylique se synthétise sous l'effet du rayonnement UV et quelques nucléotides portant une cytosine se transforment en acide uridylique. Pour les deux autres nucléotides, l'équipe de Sutherland travaillait sur un précurseur commun aux acides nucléiques à base purique.

La formation de molécules organiques se rencontre également dans l'Atmosphère de Titan.
[modifier] Asymétrie des biomolécules


Formation d'un lien peptidique. Par rapport à l'alignement de la chaîne peptidique, les chaînes latérales (ici représentées par un simple -CH3) sont alternées quand les acides aminés sont tous de même chiralité.
Article détaillé : Asymétrie des molécules biologiques.
La chimie prébiotique conduit a priori à un mélange racémique de molécules. Or, on sait depuis le milieu du XIXe siècle (notamment avec des travaux de Pasteur en 1847) que les acides aminés et les glucides simples naturels n'existent pratiquement que sous une de leurs deux formes énantiomères : la forme L pour les premiers et la forme D pour les seconds. On parle d'homochiralité du vivant. Si l'on suppose que cette asymétrie dans les composés monomères remonte à la formation de la « soupe originelle », se pose alors la question de l'origine de cette rupture de symétrie.
Cette asymétrie des molécules biologiques a été utilisée comme argument en faveur d'un dessein intelligent de l'origine de la vie.
Si l'on admet en revanche que la rupture de symétrie n'intervient qu'avec la formation de polymères, elle peut recevoir une explication plus simple. Les polypeptides sont plus stables quand ils sont formés par des acides aminés de même forme, qu'ils soient tous L ou tous D. Une chaîne composée d'un mélange des deux sortes d'isomères ne serait pas stable, parce que quand un acide aminé L est associé à un D, les deux chaînes latérales dépassent du même côté, conduisant à une tension structurelle qui affaiblit la liaison chimique12.
Du moment que l'avantage sélectif appartient aux cycles qui produisent leurs propres catalyseurs, il suffit que le premier polypeptide impliqué dans un cycle favorable ait été composé de L pour que sa synthèse elle-même ait par la suite favorisé ce type de composé.
[modifier] Polymérisation : condensation sur surfaces minérales


Cristaux de pyrite
Le scénario de la "soupe primitive" comportant des micelles ayant des limites, les scientifiques commencèrent à repenser l'évolution de la vie prébiotique sans membrane, et imaginèrent des molécules organiques capables de croître sur une surface minérale. Les chimistes Graham Cairns-Smith et Günter Wächtershäuser (en), montrèrent que les argiles et les cristaux de pyrite permettent l'agglutination des molécules organiques facilement. Une surface est plus stable qu'un espace tridimensionnel comme l'eau, mais aussi plus réduit (deux dimensions). Dans un espace tridimensionnel, les molécules sont sujettes à des contraintes selon tous les axes. Ainsi, à la surface des cristaux le milieu devient très réactif et facilite l'agglomération des molécules organiques.
L'assemblage de petites molécules (comme les acides aminés) en macromolécules (comme les protéines) nécessite l'élimination de molécules d'eau. Or, la thermodynamique indique qu'il est défavorable de réaliser une telle condensation dans l'eau elle-même. Il est possible pour résoudre cette contradiction de faire appel à des surfaces minérales, comme les micas, les argiles ou les pyrites. L'adsorption des petites molécules sur ces surfaces les concentre et les modifie chimiquement, ce qui peut rendre la formation de macromolécules plus favorable.
L'argile, par exemple, se trouve très abondamment sur Terre et est constituée d'un empilement de couches fines. Entre les différentes couches de l'argile peuvent se glisser certaines petites molécules organiques, ce qui permet une adsorption importante. L'argile est aussi un catalyseur très efficace pour de nombreuses réactions organiques, et aurait donc pu permettre la polymérisation des acides aminés et/ou des acides nucléiques. Le chimiste anglais Graham Cairns-Smith a développé cette hypothèse dans Seven clues to the origin of life en 1985 (traduction française : L'énigme de la vie, 1990).
Le prix Nobel de chimie Thomas Cech indiqua que l'ARN pouvait être la première molécule vivante du fait de ces propriétés catalytiques et auto-catalytiques (on pensait que seules les protéines-enzymes en étaient capables).
[modifier] Pression de sélection sur les molécules complexes
La « soupe primordiale » est initialement formée par des molécules relativement simples, mais sa composition se complexifie progressivement suite aux réactions chimiques portant sur les molécules de première génération. D'une part, l'action de la source d'énergie (rayonnement ultraviolet ou autre) sur ces premières molécules formées créé des radicaux libres plus complexes, capables d'interagir avec les molécules de premières générations pour conduire par génération successives à des molécules de plus en plus lourdes. D'autre part, les molécules ainsi formées peuvent directement réagir entre elles, conduisant à de nouvelles synthèses.
Dans un premier temps, l'évolution de la composition ne dépend que de la constante d'équilibre et de la concentration molaire des paires de molécules susceptibles d'interagir. Cependant, dans un deuxième temps, certaines des molécules formées peuvent intervenir comme catalyseur sur telle ou telle réaction. À partir du moment où l'effet d'un catalyseur porte sur des réactions chimiques qui conduisent (directement ou non) à sa propre formation, une réaction en chaîne est susceptible de se mettre en place. Cette rétroaction chimique déplace l'équilibre global de la composition, augmentant progressivement la concentration du catalyseur, et tendant à assécher les réactifs consommés, qui ne peuvent alors plus alimenter d'autres types de synthèses.
Ainsi, avant même qu'un code génétique puisse se mettre en place, une pression de sélection a pu s'exercer sur la formation des molécules plus complexes, ou sur la formation de groupe fonctionnel au sein de ces molécules. Les réactions de synthèses organiques conduisant à la formation de catalyseurs favorables à ces mêmes synthèses bénéficient d'un avantage sélectif13.
À un premier niveau, cette pression de sélection chimique ne fait initialement que favoriser la formation de molécules et de groupes fonctionnels résultant de voies de synthèse relativement simples.
Cependant, des chaînes polymérisées formées de monomères de même famille ont pu être synthétisées dans ce milieu. Dans des conditions chimiques favorables, certaines de ces chaînes polymérisées peuvent servir de modèles pour leur propre réplication13, devenant ainsi leur propre catalyseur. Si l'on suppose que le milieu chimique est favorable et contient les constituants nécessaires, non seulement à la synthèse de ces polymères, mais également à leur réplication, les réactions chimiques de premier niveau, présentes dans la « soupe primordiale » initiale, conduisent alors, à un second niveau, à alimenter non seulement la formation, mais également la réplications de chaînes polymérisées.
Ces chaînes évoluent par mutation, peuvent se complexifier, et certaines des chaînes formées peuvent à leur tour intervenir comme catalyseur sur telle ou telle réaction de premier niveau. Ceci conduit à un second niveau de rétroaction, où des collections de chaînes polymérisées servent de catalyseurs aux différentes réactions nécessaires pour la synthèse et l'assemblage de leurs constituants. Cette « pré-vie » est capable de sélection et de mutation13, mais n'est pas encore capable à ce niveau de stabiliser ni un métabolisme défini, ni une réplication fidèle.
[modifier] Métabolisme et génome : un monde à ARN
Article détaillé : Hypothèse du monde à ARN.
S'il est logique de penser que des polymères non homogènes aient pu faire l'objet d'une pression de sélection, la nature exacte de ces polymères est une question ouverte quand on étudie la biochimie actuelle. On a pu penser que les polymères primitifs ont pu être les peptides (polymères d'acide aminé), privilégiant le rôle primordial des polypeptides dans le métabolisme. On a pu au contraire penser que les polymères primitifs étaient ceux de l'ADN, privilégiant sa fonction de réplication. Mais ces deux aspects sont inter-dépendants, et mutuellement exclusifs ; alors que la logique d'une approche de type abiogenèse suppose l'existence d'un polymère à la fois auto-répliquant et ayant des fonctions de catalyseur.
L'hypothèse du monde à acide ribonucléique (ARN) est que l'ARN était la principale — et sans doute la seule — forme de vie avant l'émergence de la première cellule à ADN. C'est Walter Gilbert qui a utilisé pour la première fois le terme « monde à ARN » (en anglais : RNA world) en 1986.
En 1990, Larry Gold et Jack Szostak ont mis au point une méthode visant à diriger l'évolution d'ARN, afin de sélectionner ceux montrant une activité catalytique. Ils ont depuis réussi à obtenir des ribozymes capables de lier des nucléotides entre eux, de lier des acides aminés à des ARN, d'effectuer des réactions d'oxydo-réductions, de se lier à des composants de la membrane, etc.
Il est donc en théorie possible, sur ce modèle, que l'ARN seul suffise à établir un métabolisme primitif. Toutefois, il reste encore à découvrir un ARN capable de se répliquer lui-même.
L'hypothèse d'un monde à ARN a aujourd'hui la faveur des scientifiques et est fondée sur plusieurs éléments. Notamment sur le fait que l'ARN est en théorie capable aussi bien d'assurer des tâches métaboliques que d'être le support d'une information génétique.
[modifier] Des molécules organiques aux protocellules
[modifier] Formation spontanée des vésicules
Il suffit d’agiter une eau savonneuse pour obtenir de la mousse. L’écume de la mer se forme de la même façon, d’autant plus facilement que l’eau est plus sale. On l’explique à partir du caractère amphiphile de certaines molécules. Une molécule est hydrophile si elle « préfère » être dans l’eau que dans l’huile, c’est-à-dire si spontanément, du fait des lois de la physique statistique, elles se concentrent davantage dans l’eau que dans l’huile. Elle est hydrophobe, ou lipophile, dans le cas inverse. Certaines molécules, telles que celles du savon, sont allongées avec une extrémité hydrophile et l’autre hydrophobe, c’est pourquoi elles sont dites amphiphiles. Lorsqu’elles sont mises en solution dans l’eau, elles forment alors spontanément de nombreuses structures qui peuvent être très complexes et notamment des bicouches qui se replient en vésicules. Une bicouche est une membrane, plongée dans l'eau, dont les deux faces sont composées de têtes hydrophiles, les extrémités hydrophobes étant rassemblées à l’intérieur de la bicouche. Une vésicule est un petit sac plein d’eau, qui flotte dans l’eau, et dont la membrane est une bicouche.
Les cellules des êtres vivants sont des vésicules très élaborées. Leur membrane est essentiellement une bicouche lipidique, mais elle est beaucoup plus complexe que les membranes des vésicules dans l’eau savonneuse. L’intérieur de la cellule surtout est très différent de son extérieur, ce qui n’est pas le cas des vésicules que l’on forme en agitant une eau sale.
 Importance de la frontière dans la définition du Soi


Schéma d'une cellule animale.
Articles détaillés : Autopoïèse et Auto-organisation.
Aujourd'hui, de nombreux modèles résolvent le problème de l'apparition des molécules organiques. Les scientifiques arrivent à produire de nombreuses petites molécules biologiques (acides aminés, sucres, bases nucléiques) dans des conditions prébiotiques en laboratoires. Cependant, les expériences de Miller et les modèles qui en sont dérivés ne fournissent pas d'explication sur les étapes suivantes qui incluent la transition des monomères aux biopolymères, puis aux protocellules et finalement aux cellules vivantes ayant un métabolisme de base. Aussi les scientifiques ont exploré d'autres voies de recherche.
Dans l'enquête sur l'origine de la Vie, on cherche ce qui a pu donner à « une entité » la capacité de « se » reproduire. Une telle capacité suppose logiquement, en amont, d'avoir réalisé une limite entre ce qui est « soi » et le reste du monde. Cette limite intervient dans l'espace, sous la forme d'une frontière ; elle intervient également dans la nature de ce qui est reproduit, associé à un certain type de fonctionnement - essentiellement, un métabolisme. La racine essentielle d'un être est sa capacité à maintenir en permanence la cohérence de ses caractéristiques (ce qui constitue sa définition) dans le temps et dans l'espace. Cette permanence étant réalisée par l'entité elle-même, on parle d’autopoïèse pour caractériser une telle situation (du grec auto soi-même, et poièsis production, création).
L’exemple canonique d’un système autopoïétique fourni par Francisco Varela et Humberto Maturana est celui de la cellule biologique. Le modèle minimal d'un système autopoïétique est une cellule dont la membrane est composé d'un constituant C se dégradant en D et baignant dans un milieu riche en molécules A. Ces molécules A peuvent franchir la membrane et être transformées par le métabolisme régnant au sein de la cellule en molécules B, pour lesquelles la membrane est imperméable. B peut s'intégrer à la membrane pour se transformer en C. Si le débit d'entrée de A et sa conversion en B sont suffisamment grands devant le coefficient de dégradation de C en D, alors la cellule se maintient au cours du temps.
Ce modèle montre l'importance de la frontière du système (ici la membrane) : si celle-ci disparaît, le métabolisme et le système entier s'effondre. Il s'agit d'un cercle vicieux : si B s'échappe, sa concentration diminue de telle sorte que la membrane se dégrade de plus en plus vite et que la perte en B augmente. Le métabolisme et la membrane dépendent l'un de l'autre, la structure ne peut se maintenir sans le flux14.
 Structures cellulaires en émulsion


Coacervats
Article détaillé : Coacervat.
Les expériences sur la formation spontanée de membranes cellulaires sont bien antérieures aux synthèses de Urey-Miller de 1953.
Après de multiples réflexions et hypothèses, le biochimiste soviétique Alexandre Oparine est parvenu à créer de petites structures sphériques appelées coacervats à partir d'une émulsion contenant des protéines histones et de la gomme arabique, en 1922. Il s'agissait de sphérules colloïdales, de quelques microns de diamètre en suspension et liées entre elles. Les savons et les émulsions sont des substances de type colloïde.
Les coacervats d'Oparine ont la propriété d'être séparés du monde par une surface hydrophobe polyhémiacétalique (Ils ont un intérieur et un extérieur) tout comme les cellules biologiques (mais dans le cas étudié, il ne s'agit pas de lipides). La similarité ne s'arrête pas là : en présence de catalyseurs, ces coacervats échangeaient des substances avec le monde extérieur, grossissaient et finissaient par se multiplier par scission.
C'est à partir de cette expérience que l'on imagina la synthèse possible d'un système vivant à partir de molécules organiques, d'eau et d'énergie provenant d'un rayonnement électromagnétique (Soleil, éclairs) : la "soupe prébiotique".
Reprenant ces travaux, l'anglais John Haldane proposa, en 1929, que ces systèmes "biologiques" ne pouvaient évoluer dans une atmosphère oxydante, en présence d'oxygène. En effet, la survie des molécules organiques (glucides, lipides, protéines …) n'est possible qu'en l'absence de leur oxydation par l'oxygène.
Vésicules lipidiques


(en) Organisation des phospholipides en milieu aqueux.
L'apparition de vésicules dont la membrane serait formée de phospholipides pose de sérieux problèmes car ces lipides n'étaient pas présents sur la Terre primitive. Cependant des molécules amphiphiles plus simples ont pu être synthétisées de manière abiotique dans des conditions particulières. Par exemple il est reconnu que les sources hydrothermales ('mont hydrothermal') sont des environnements favorables pour des synthèses abiotiques soutenues15. À des températures entre 100° et 400° Celsius des composés amphiphile peuvent être produits par des réactions chimiques semblables au procédé Fischer-Tropsch16. De fait, la production abiotique de chaines courtes d'hydrocarbures a été récemment découverte au niveau du site hydrothermal Lost City situé au milieu de l'Atlantique17. Les concentrations millimolaires de méthane pourraient être à l'origine des réactions chimiques réductrices du carbone au niveau de ce type de site hydrothermal18.
De nombreuses expériences ont montré que les vésicules dont la membrane est formée de lipides amphiphile sont capables de croître et de se diviser à partir de l'insertion additionnelle de nouveaux lipides. L'idée principale de cette théorie est que la composition moléculaire des membranes vésiculaires serait un moyen primitif de stockage d'information, et d'évolution possible vers l'apparition de biopolymères19 20.
Les études réalisées sur des vésicules lipidiques se sont limitées jusqu'à maintenant à des membranes formées de un à deux types de composés amphiphile. Ces conditions expérimentales ne reflètent pas les résultats de simulations de réactions de chimie prébiotique qui, typiquement, produisent un mélange très hétérogène de composés21. Dans le cadre de cette hypothèse d'une membrane formée d'une bicouche lipidique composée d'un mélange hétérogène de molécules amphiphile il existe un nombre considérable de combinaisons possibles pour le positionnement respectif des différents types de molécules au sein de la membrane.
Parmi toutes ces combinaisons potentielles il se peut qu'une combinaison, correspondant à un positionnement local spécifique de la partie interne de la membrane, favorise l'émergence d'un hypercycle selon la terminologie de Manfred Eigen22. Il s'agit en fait d'une réaction autocatalytique mutuelle entre une molécule, dont la synthèse est catalysée par le positionnement local spécifique, et le site réactif membranaire qui apparaît suite à la stabilisation de la conformation spatiale du positionnement local par la molécule.
À partir d'expériences réalisées sur des vésicules à membrane hétérogène23 on peut en déduire que les paires site réactif/molécule seraient transmissibles aux vésicules filles. Une telle hérédité pourrait être à l'origine de lignées distinctes de vésicules permettant à la sélection naturelle d'opérer24.
[modifier] Protocellules


Schéma général d'un chromosome eucaryote.

Schéma d'une membrane semi-perméable.
De très nombreuses vésicules ont pu se former dans l’océan primitif, aussi facilement qu’aujourd’hui l’écume de la mer. Qu’une telle vésicule soit le lieu de réactions autocatalytiques est tout à fait plausible. Si ses membranes sont telles qu’elles laissent pénétrer les petites molécules nécessaires à la reproduction des grosses, alors on obtient, par le simple jeu des lois physiques et chimiques, un organisme capable de s’alimenter et de grandir. Bien sûr les vésicules ne sont pas toujours dotées d’une telle capacité, mais si elles sont assez nombreuses et assez diversifiées un tel événement n’est peut-être pas complètement improbable.
Un compartiment isolé par une membrane ne forme cependant pas une protocellule. Pour qu’une cellule soit vivante, il ne suffit pas qu’elle soit capable de grandir, il faut encore qu’elle puisse se reproduire. La destinée la plus probable d’une vésicule en croissance est d’exploser et donc de disperser tout son contenu, ce qui revient à mourir. Mais on peut supposer que certaines vésicules aient incorporé à leur paroi des molécules qui la rendent susceptible de former de nouvelles vésicules, par l'intermédiaire de protubérances qui se détachent par exemple. Cette partie du scénario ici proposé de l’origine de la vie n’est peut-être pas très plausible mais elle n’est pas non plus complètement exclue, surtout si l’on songe à la diversité des structures bidimensionnelles qui peuvent se former spontanément sur des bicouches.
Si une vésicule est capable de croître en s’alimentant et de se reproduire, en formant des protubérances, alors elle est un être vivant primitif. Elle a la propriété essentielle des êtres vivants, la capacité de se reproduire quand elle est placée dans un environnement approprié. On peut alors supposer qu’une telle vésicule est l’ancêtre de tous les êtres vivants qui existent aujourd’hui.
Selon Maynard Smith, deux conditions sont nécessaires pour former une véritable protocellule :
1. Les molécules capables de répliquer la forme de base (les réplicateurs) doivent se lier entre elles en un « chromosome », formant ainsi une unité structurelle, garantissant aux réplicateurs de former un tout cohérent après la réplication ;
2. la membrane doit posséder des mécanismes d'échange avec le milieu extérieur, autres que les systèmes à protéines actuels.
Selon Wilhelm Reich, des vésicules appelées bions sont apparues lors de ses expériences, à partir de matières minérales et organiques portées à ébullition. Ces vésicules se seraient organisées et auraient donné naissance à des cellules présentant toutes les caractéristiques de la vie25. La validité de ces expériences est rejetée par l'ensemble de la communauté scientifique ; les disciples de Reich estiment que ce rejet est le signe d'un complot universel contre leur maître à penser.
[modifier] Origine de l’ADN et du code génétique
Les premiers réseaux autocatalytiques n’étaient pas aussi élaborés que ceux d’aujourd’hui, fondés sur la machinerie très complexe de l’ADN, des ribosomes, du code génétique et des protéines. Mais les êtres vivants primitifs étaient capables d’évoluer. Leurs réseaux autocatalytiques pouvaient être modifiés par l’incorporation de nouvelles molécules, absorbées de façon exceptionnelle.
De telles modifications sont héritables, parce qu’une fois qu’une molécule est incorporée à un réseau autocatalytique, elle devient capable de se reproduire. Les conditions de l’évolution par la sélection naturelle, telles qu’elles ont été énoncées par Darwin (L'Origine des espèces), sont donc réunies : variations aléatoires héritables et compétition au sein d’une population pour l’accès aux ressources. Les cellules primitives les plus performantes sont celles qui se reproduisaient le mieux et elles tendaient à dominer la population. On peut alors supposer que les êtres vivants primitifs ont évolué. Leurs techniques autocatalytiques rudimentaires se sont perfectionnées jusqu’à atteindre un point de quasi-perfection, à savoir les techniques de réplication de l’ADN et de fabrication des protéines qui sont possédées depuis des milliards d’années par tous les êtres vivants.
[modifier] De l'ARN à l'ADN


Comparaison entre une molécule d'ARN (à gauche) et une molécule d'ADN (à droite).
Dans l'hypothèse du monde à ARN, apparaissent tout d'abord des viroïdes ressemblant à des ARN auto-catalytiques, présents dans des compartiments isolés (qu'ils soient membranaires ou cristallins). Puis des protocellules, capables de métabolisme archaïque, sont soumises à une évolution darwinienne, évoluant ainsi vers des cellules à ARN, capables de présenter une activité variée et complexe.
[modifier] Ribozymes ou protéines ?
Bien que l'ARN soit donc à l'origine de l'ADN dans le métabolisme cellulaire, cette réaction est très difficile à réaliser. De fait, dans les trois lignées, elle est catalysée par des protéines spécialisées : les ribonucléotides-réductases. De plus, cette réaction est très coûteuse en énergie, du fait de la réduction du ribose, et elle produit des radicaux libres, très réactifs, sur la protéine. L'ARN étant une molécule fragile, il paraît improbable qu'elle puisse supporter des radicaux libres sans l'intervention de protéines.
Ainsi, l'origine de l'ADN trouve vraisemblablement sa source après l'apparition des protéines, indispensables à chaque étape de sa synthèse à partir de précurseurs de type ARN, au sein de la cellule
Intérêt de l'ADN


Structure chimique de l'ADN.
L'ADN présente un certain nombre d'avantages sur l'ARN, en termes de conservation de l'intégrité de l'information génétique.
Tout d'abord il se casse moins facilement, car le désoxyribose de l'ADN contient un atome d'oxygène de moins que le ribose de l'ARN. Or l'oxygène peut facilement interagir sur les liaisons entre nucléotides, posant alors un problème de stabilité.
Certains auteurs avancent l'hypothèse que la désamination spontanée de la cytosine en uracile, aisément détectable dans l'ADN (où U n'est pas normalement présent) par la machinerie cellulaire de réparation des mutations, expliquerait l'utilisation de la base T dans l'ADN. L'ARN (notamment l'ARNm), molécule régulièrement renouvelée dans la cellule, ne voit pas sa séquence contrôlée par des systèmes de réparation, d'où une conservation de la base U dans cette molécule. Dans cette hypothèse, la base U est donc ancestrale, la base T dérivée.
 Avantage sélectif de l'ADN : l'hypothèse du virus


Structure de base d'un virus.
Les avantages en termes de stabilité de l'ADN pourraient ne pas suffire à expliquer son adoption. Ainsi, Patrick Forterre avance l'hypothèse qu'un avantage sélectif supplémentaire peut être dû aux conflits entre virus et cellules vivantes.
Dans ce modèle, le premier organisme à ADN serait un virus. L'ADN conférerait au virus le pouvoir de résister à des enzymes dégradant les génomes à ARN, arme de défense probable des cellules. On retrouve le même principe chez des virus actuels, qui altèrent leur ADN pour résister à des enzymes produites par des bactéries infectées.
Actuellement, on peut observer que les enzymes nécessaires à la traduction de l'ARN vers l'ADN sont très présentes chez les rétrovirus, dont le génome est porté par de l'ARN. De la même façon, de nombreux virus codent leurs propres enzymes de synthèse de l'ADN.
Cette hypothèse est également corroborée par la découverte de virus à ADN, dont celui-ci contient, non pas des groupements thymines, mais des groupements uraciles. Du point de vue évolutif, il y aurait donc eu d'abord apparition des désoxyribonucléotides, puis de l'ADN à uracile (ADN-U), puis d'ADN à thymine (ADN-T), qui se serait progressivement imposé. D'après Patrick Forterre, il est même probable que l'ADN-T ait été « inventé deux fois », chez des virus différents.
Les virus à ARN seraient ici des reliques du monde à ARN, les virus à ADN-U seraient alors des reliques du monde ayant précédé celui à ADN-T.
[modifier] Les virus, premiers organismes à ADN
  Jk

Schéma de la réplication de l'ADN chez les eucaryotes.
Les virus à ADN pourraient être plus anciens que la première cellule à ADN : la première cellule à ADN l'aurait donc emprunté à un ou plusieurs virus, sous la pression d'une course aux armements (théorie de la reine rouge).
Didier Raoult et Jean-Michel Claverie ont ainsi découvert le mimivirus : un virus géant à ADN (son génome étant deux fois plus long que le plus petit génome bactérien connu). La particularité de ce virus est qu'il peut produire des protéines impliquées dans la traduction de l'ARN en protéines (comme des enzymes chargeant des acides aminés sur des ARNt), il pourrait donc avoir pour ancêtres des virus plus anciens que la première cellule à ADN.
Eugène Koonin et ses collègues ont mis en avant, en comparant des génomes séquencés, que la plupart des enzymes impliqués dans la réplication de l'ADN sont différents entre les eubactéries et les eucaryotes (accompagnés des archées). Ils en concluent que l'ADN aurait été inventé indépendamment dans la lignée des eubactéries et celle conduisant aux eucaryotes et aux archées.[réf. nécessaire]
De même, les enzymes de réplications des virus à ADN sont très différentes d'un virus à l'autre, ainsi que par rapport aux enzymes cellulaires jouant le même rôle.
Ces indices laissent penser que les enzymes liées à l'ADN sont apparues au cours d'un « premier âge » du monde à ADN, où existaient cellules à ARN et virus à ARN et à ADN.
[modifier] Passage de l'ADN dans les cellules
La nature du génome du plus ancien ancêtre commun à tous les êtres vivants (que les scientifiques prénomment LUCA) reste inconnue : faisait-il encore partie du monde à ARN, ou avait-il déjà un génome à ADN ? Quoi qu'il en soit, LUCA est le fruit d'une longue évolution. Le génome des premières cellules, qui ont précédé LUCA, était sans doute constitué par des molécules d'ARN et non pas d'ADN. Contrairement à l'ADN, l'ARN peut en effet jouer à la fois le rôle d'enzyme et de matériel génétique. Stanley Miller et Christian de Duve pensent que l'apparition de l'ARN a été elle-même un évènement tardif, en effet, cette molécule ne semble pas pouvoir être synthétisée par les méthodes simples de la chimie prébiotique. L'ARN aurait donc été précédé par des molécules dont nous ne connaîtrons sans doute jamais la nature exacte.
Ce qui amène les scientifiques à penser que l'ARN a précédé l'ADN résulte de ce constat : les trois grandes lignées du vivant ne partagent que le système de synthèse des protéines, alors qu'elles diffèrent sur le système de réplication de l'ADN.
Il existe alors plusieurs hypothèses pour le passage de l'ADN (d'origine viral) dans les cellules vivantes : soit ce passage s'est produit une seule fois, soit il a pu avoir lieu plusieurs fois, indépendamment dans les différentes lignées. Dans le premier cas, les premiers gènes des enzymes de réplications auraient donc été remplacés par la suite par ceux d'un autre virus, formant ainsi les trois lignées.
L'hypothèse de Patrick Forterre est que les trois lignées du vivant trouvent leurs sources dans le remplacement du génome à ARN par le génome à ADN de trois virus différents. On retrouve notamment ici l'hypothèse d'une origine virale du noyau des eucaryotes.
Les travaux de Carl Woese semblent appuyer cette hypothèse, en démontrant que la vitesse d'évolution des protéines semble avoir chuté au moment de l'apparition des trois lignées. Cette diminution serait due au passage de l'ARN à l'ADN, les génomes à ADN étant plus stables, et donc moins sensibles aux mutations.
Dans ce scénario, l'apparition de trois lignées uniquement s'explique par le fait que les cellules à ADN ont peu à peu supplanté les cellules à ARN, empêchant ainsi l'apparition de nouvelles lignées par passage ARN→ADN.
[modifier] Autres modèles
[modifier] Controverse sur la véracité de la théorie
On ne peut pas remonter le temps pour aller voir comment était l’océan primitif et comment il a évolué. Mais on peut trouver des témoignages indirects. Le passé laisse des traces dans le présent. Si on a les bons outils, théoriques et observationnels, on peut déduire le passé à partir du présent. Par exemple, les techniques autocatalytiques d’aujourd’hui se sont en quelque sorte fossilisées depuis des milliards d’années, puisqu’elles n’ont pas ou peu évolué. Elles nous renseignent donc sur un passé très lointain. En combinant ces informations avec d’autres, on peut espérer remonter encore plus loin dans le temps. Des expériences en laboratoire de chimie prébiotique peuvent apporter des renseignements précieux.
La théorie reste cependant très critiquée pour son côté invraisemblable. Selon Fred Hoyle, par exemple, l'hypothèse énonçant que la vie ait pu apparaître spontanément sur la Terre est encore plus improbable que celle affirmant qu'une tornade balayant au hasard les éléments d'une décharge puisse les assembler pour créer un boeing 747 en parfait état de marche. Même en évoquant la présence d'énormes quantités d'eau et de minéraux brassées pendant plusieurs milliards d'années, la probabilité que les réactions chimiques aléatoires fassent émerger les multiples enzymes nécessaires à la formation d'organismes vivants est supposée infinitésimale : Fred Hoyle l'évaluait à une contre 104000026.
La théorie de la génération spontanée peut être combinée avec celle de la panspermie afin d'élargir le volume de matières mis en jeu à d'autres planètes viables. Néanmoins, elle rajoute la question de la probabilité que des organismes vivants puissent être véhiculés par des astéroïdes d'une planète viable à une autre au hasard des collisions intersidérales. Remarque, si l'on suppose que l'Univers contient des millions de planètes propices à la vie comme semblent l'indiquer les progrès de l'exploration spatiale, cette théorie mérite d'être étudiée.
[modifier] Milieu de collision Planète/Noyaux de comètes
Selon des travaux de modélisation travaux présentés en 201027, la compression brutale des matériaux constituant le noyau de glace d'une comète, au moment du choc avec une planète pourrait donner lieu à la production d'acides aminés. Cette modélisation a pris comme base 210 molécules diluées dans un mélange d'eau, de méthanol, d'ammoniac, de dioxyde de carbone et de monoxyde de carbone estimés couramment présentes dans le noyau des comètes. Avec une vitesse d'impact de 29 km/s, la pression atteint 10 gigapascals et une température de 700 Kelvin. Selon les auteurs, d'autres simulations, à pressions et températures plus élevées conduisent à des réactions chimiques encore plus complexes. Selon le modèle, une simulation de 47 gigapascals et une température de 3141 Kelvin pour les 20 premières picosecondes[réf. souhaitée] de l'impact fait naître des molécules complexes, dont de grosses molécules à liaisons carbone-azote qui pourraient être les premières briques de la vie. Le calcul a nécessité environ (?) million d'heures d'ordinateur sur le superordinateur du cluster Atlas du Lawrence Livermore.
[modifier] Sources hydrothermales : le monde du soufre
Les sources hydrothermales ont été découvertes en 1977 à 2 600 mètres de profondeur, là où deux plaques tectoniques se séparent.
Les monts hydrothermaux sont situés sur la couche sédimentaire. Leur diamètre à la base varie de 25 à 100 mètres et leur hauteur varie de 70 à 100 mètres. Les cheminées de ces fumeurs sont parfois recouvertes d'une croûte d'oxyde de manganèse. Les fumeurs situés sur ces monts sont composés d'un solide friable dont la couleur varie du gris noir à l'ocre, ce sont des sulfures de fer, de cuivre et de zinc.
Ces sources sont particulièrement intéressantes car on y a trouvé la vie où on la croyait impossible : milieu privé d'oxygène, à haute température, chargé de métaux et de soufre, dans l'obscurité la plus totale. Cependant les gradients de température importants autour de ces zones et le fait que les ultraviolets destructeurs ne parviennent pas si profondément (alors qu'ils détruisent toute molécule formée à la surface) sont de bonnes conditions pour l'apparition de la vie.
Ces organismes ont les mêmes formes que ceux que l'on connait plus près de la surface (ADN, protéines, sucres…) mais puisent leur énergie de l'oxydation du sulfure d'hydrogène (H2S) pour transformer le carbone minéral en matière organique.
D'autre part, des expériences ont été menées, au laboratoire de géophysique de Washington, et ont montré que dans les conditions qui existent autour des évents, il y a formation d'ammoniac (NH3), forme réduite de l'azote qui est tant nécessaire à la formation des molécules organiques de la première partie et qui n'existait pas dans l'atmosphère oxydante. Les sources hydrothermales sont donc de bonnes sources de NH3.
[modifier] Une origine extraterrestre primitive (exogenèse)
Une hypothèse alternative est que la vie se soit d'abord formée hors de la Terre.
Les composés organiques sont relativement fréquents dans l'espace, notamment dans les zones lointaines du système solaire où l'évaporation des composés volatils est très réduite. Certaines comètes présentent des couches externes de matière sombre, qu'on pense être une sorte de bitume formé par une combinaison de composés carbonés simples exposés aux rayons ultraviolets. La pluie de matériaux cométaires sur la Terre primitive pourrait avoir apporté des quantités de molécules organiques complexes, ce qui aurait favorisé l'apparition de la vie sur Terre.
Ce serait plutôt là un apport de matériaux organiques, plus ou moins complexes (qui a dû se faire !), que l'apport de la vie elle-même.
[modifier] La panspermie
Une hypothèse plus large est la panspermie : la vie même serait apparue « dans l'espace » puis disséminée sur Terre. Selon une variante, la vie serait apparue sur Mars d'abord et des impacts de comètes et d'astéroïdes sur Mars auraient projeté du matériel de la surface martienne sur Terre. La vie sur Terre serait d'origine martienne ! Bien que surprenante au premier abord, elle a quelques arguments en sa faveur :
L'environnement primitif de Mars était plus ou moins similaire à celle de la Terre primitive, et surtout a eu des conditions clémentes plus tôt que la Terre, car s'étant refroidi plus vite.
Les impacts majeurs sur Mars étaient moins susceptibles d'affecter gravement la totalité de la planète, bien qu'étant plus petite, car n'ayant pas eu d'océan global.
Quelques éjectas (plus nombreux à ces époques reculées), ont pu faire le trajet Mars-Terre « assez rapidement », quelques années à quelques siècles, pour que d'hypothétiques spores puissent survivre à l'irradiation spatiale.
Il est encore plus difficile de trouver des indices pour justifier ces hypothèses que les théories plus classiques.
Ces théories d'une origine extraterrestre n'expliquent pas directement comment la vie est apparue, car elles ne font a priori que reporter le problème. Cependant, elles élargissent les conditions dans lesquelles la vie a pu apparaitre dans l'Univers. Les futurs échantillons de sols ramenés de Mars et de comètes permettront peut-être d'obtenir de nouveaux éléments de réponse.
[modifier] Origine de l’évolution darwinienne plutôt qu’origine de la vie
Des scientifiques préfèrent étudier la question de l'origine de la vie à partir d’un paradigme ou d’un point de vue différent. Il s’agit de traiter la question de comment et quand l’évolution a commencé au lieu d’essayer de définir la vie et de délimiter une frontière quant à son origine. Aujourd’hui il semble y avoir un consensus parmi les chercheurs sur l’origine de la vie (chimistes, géochimistes, biochimistes, exo/astrobiologistes, informaticiens, philosophes et historiens des sciences) qu’il est absolument nécessaire de trouver une définition universelle de la vie28. Cependant le nombre de définitions, déjà fascinant, ne cesse d’augmenter29. De fait, la frontière entre systèmes vivants et systèmes non vivants de même que le moment à partir duquel le non vivant serait devenu vivant sont arbitraires. On constate depuis quelques années un changement profond car le problème de la vie n’est plus de rechercher les principes qui la sous-tendent mais est devenu un problème de nature historique. La question n’est plus ‘Qu’est-ce qui caractérise les organismes par rapport aux objets inanimés ?’ mais plutôt ‘Comment ces caractéristiques se sont progressivement installées dans les systèmes que nous appelons des organismes ?’30. Finalement la question deviendrait ‘Comment l’évolution darwinienne a-t-elle émergé sur la Terre, il y a 4 milliards d’années environ, dans un monde qui ne la contenait pas encore ?’31.

Le rapport sexuel en tant que relation humaine implique de facto plus d'un individu dans un comportement dit sexuel aboutissant ou non sur une pénétration (les partenaires pouvant être de sexes identiques ou opposés). Exclue par cette définition, la masturbation demeure un acte sexuel comparable pouvant provoquer les mêmes réponses physiologiques – si elle n'est pas pratiquée seule, la masturbation peut donc également être considérée comme un rapport sexuel – élément important de la définition notamment vis-à-vis des femmes lesbiennes.
Il est possible de distinguer trois sous-unités dans un rapport sexuel : les préliminaires associés à l'excitation, l'acte sexuel proprement dit (voir coït) et l'orgasme. Le terme coït, bien que définissant stricto sensu l'acte de reproduction sexuée chez les animaux (incluant la reproduction humaine) tend à devenir un synonyme du rapport sexuel, tout en désignant plus strictement les moments où il y a pénétration (soit en excluant toutes formes de préliminaires) : on distingue alors le coït vaginal et le coït anal. Les termes « copulation » et « fornication » ont également des sens proches mais connotés, voire péjoratifs.


La position du missionnaire d'un rapport sexuel décrit par Édouard-Henri Avril.


Lithographie d'Otto Mueller, 1919, format 22 x 17 cm
Sommaire
1 Actes liés
o 1.1 Préliminaires
o 1.2 Coït vaginal
o 1.3 Autres types
1.3.1 Rapports manuels
1.3.2 Rapports buccaux
1.3.3 Rapports anaux
1.3.4 Rapports avec jouets
o 1.4 Notion d'orgasme
2 Facteurs d'origine
3 Réponses physiologiques
o 3.1 Phases
o 3.2 Variations physiologiques observées
3.2.1 Phase de désir
3.2.2 Phase d'excitation
3.2.3 Phase du plateau
3.2.4 Orgasme
3.2.5 Phase de résolution
4 Normes et limites des rapports
o 4.1 Flou de la définition
o 4.2 Paraphilie
o 4.3 Limites juridiques et culturelles
5 Chez les animaux
6 Notes et références
7 Annexes
o 7.1 Bibliographie
o 7.2 Articles connexes

[modifier] Actes liés
[modifier] Préliminaires
Article détaillé : Préliminaires.
Afin de provoquer l'excitation sexuelle chez l'un et/ou l'autre des partenaires, le coït est généralement précédé de préliminaires, avec baisers, caresses sur les organes sexuels, le thorax, le ventre, les cuisses, les fesses et autres parties du corps. La stimulation peut être directement exercée sur le sexe du ou de la partenaire mais ceci constitue la frontière même distinguant les préliminaires du rapport sexuel proprement dit. Enfin, certains gestes (en dehors des caresses et attouchements), paroles ou regards construisent également cette première phase et provoquent un effet d'excitation non négligeable relativement aux stimuli physiques. De nombreux autres facteurs environnementaux peuvent renforcer cette première phase.
Le constat d'excitation du partenaire est également un facteur très fort dans l'excitation de l'autre partenaire. Elle se remarque chez l'homme par l'érection du pénis avec parfois écoulement de liquide pré-éjaculatoire et chez la femme par le gonflement du clitoris et des petites lèvres, ainsi qu'à la détente et à la lubrification du vagin avec la production de cyprine.
Il est assez courant de considérer que la femme apprécie les longs préliminaires, par opposition à l'homme qui serait moins sensible à ces premières approches.
[modifier] Coït vaginal


Vue en coupe schématique d'un coït vaginal (Léonard de Vinci)
.
Au sens strict, le coït vaginal consiste en la pénétration du pénis de l'homme (en érection) dans le vagin de la femme. Le coït en lui-même se caractérise par des mouvements du pénis dans le vagin qui stimulent réciproquement le pénis de l'homme et le vagin, les petites lèvres et le clitoris de la femme. Outre cette stimulation physique, le prolongement des actes de types préliminaires (cf. infra) ouvre sur un plaisir qui dépendra également de nombreux autres facteurs environnementaux. Si l'on peut souligner parfois l'idée d'habileté des partenaires, ce facteur n'est pas plus déterminant que certaines conditions psychologiques.
La pénétration peut être pénible et douloureuse pour les deux partenaires si le vagin est trop étroit ou insuffisamment lubrifié. Le vagin et la vulve se lubrifient naturellement chez la femme pubère et non ménopausée lorsqu'elle est excitée, mais cette lubrification peut être insuffisante. Chez la femme vierge, la pénétration est souvent inconfortable, voire douloureuse, en raison de l'appréhension de l'acte et du déchirement de l'hymen. Chez la femme ménopausée, le vagin peut être atrophié et sec (ce phénomène est combattu par le traitement hormonal). En cas de lubrification insuffisante ou d'étroitesse excessive, on peut utiliser des lubrifiants intimes artificiels, notamment des gels à base d'eau.
Le coït peut se pratiquer dans diverses positions ; le choix de la position dépend des anatomies, des goûts, des circonstances et des fantaisies des partenaires. La plus admise est la position du missionnaire : la femme est allongée sur le dos et l'homme s'allonge entre ses cuisses écartées.
[modifier] Autres types
Il existe de très nombreuses possibilités de rapports sexuels, la frontière peut être sujette à d'innombrables débats. Au sens strict, le rapport sexuel doit tout de même faire intervenir les organes sexuels d'au moins un des partenaires. Le nombre de partenaires n'étant a priori pas limité, on peut également signaler l'existence du coït multiple et simultané (voir sexualité de groupe). Plus simplement à deux, les types de rapport peuvent être cumulés ou combinés : l'agencement le plus connu est la position 69, combinant une fellation et un cunnilingus (homme/femme), deux fellations (homme/homme) ou deux cunnilingus (femme/femme).
[modifier] Rapports manuels
Article détaillé : Masturbation.
Si la masturbation est souvent réduite à une pratique solitaire masculine, elle est également pratiquée par des femmes et intervient souvent dans les rapports sexuels. On peut dans ce cadre définir la masturbation comme le fait de caresser les organes génitaux de son ou sa partenaire (avec la main).
[modifier] Rapports buccaux
Le baiser, la succion et le léchage (soit avec la bouche et/ou la langue) portent des noms différents en fonctions des parties du corps concernées : le cunnilingus pour la vulve, l'anulingus pour l’anus et la fellation pour le pénis.
[modifier] Rapports anaux
Article détaillé : Sodomie.
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La sodomie est, dans le cadre des rapports sexuels, une pénétration par l'anus.
[modifier] Rapports avec jouets
Article détaillé : Jouet sexuel.
Outils destinés à stimuler des parties sensibles du corps (vagin, anus…) plus ou moins accessibles (point G), les jouets sexuels sont désormais d'un usage courant[réf. nécessaire]. Les plus célèbres sont les boules de geisha et le godemichet ; le gode-ceinture ou harnais godemichet permet ainsi à une femme d'avoir des rapports évoquant très directement la pénétration masculine.
[modifier] Notion d'orgasme
Article détaillé : Orgasme.
L'orgasme est généralement considéré comme le sommet du plaisir marquant la fin du rapport sexuel ; ce fait est sujet à caution car s'il est physiologiquement déterminant chez l'homme avec l'éjaculation, il est moins lisible chez la femme et n'est identifiable qu'en tant que sommet dans une montée en puissance qui aura un temps de résolution assez lent.
L'idée d'un orgasme féminin identique à celui de l'homme est très ancrée dans les comportements sexuels et s'identifie alors comme des spasmes du vagin, généralement accompagnés par une intense lubrification ; il est particulièrement remarquable dans le cas relativement rare des femmes dites fontaines pour lesquels on parle d'éjaculation féminine (expulsion en jet surtout d'urine, parfois accompagnée d'une faible sécrétion des glandes de Skene1.
Dans certaines formes de sexualités, comme le tantra, l'orgasme peut ne pas être recherché comme ultime but pour prolonger et approfondir culturellement la sensualité et le plaisir. L'Église catholique encourage la chasteté entre époux en tant qu'acte d'adoration mutuelle et une théologie du corps enseigne également que l'amour sexuel est un transfert d'Éros en Agapè et qu'il y existe une « théologie de l'orgasme » qui exalte ce plaisir comme étant voulu par Dieu, si bien que les transgressions de la position sexuelle recommandée par l'Église et les médecins médiévaux, à savoir la femme couchée et l"homme dessus, sont tolérées2. Au Moyen Âge, l'Église catholique interdit le rapport sexuel la plupart des lundi et mercredi (jours de jeûne), le vendredi (jour des morts), le samedi (veille du jour du Seigneur), pendant l'Avent ou le Carême, ainsi plus de la moitié de l'année est interdite3.
[modifier] Facteurs d'origine
Les raisons pour lesquelles les personnes ont des rapports sexuels. Selon une enquête de Serge Wunsch4 : Les principaux facteurs donnés par les femmes comme étant à l'origine de leurs rapports sexuels sont, dans l'ordre : le plaisir, l'amour, le contact physique, le désir d'être pénétrée par le partenaire, la complicité, la tendresse, une pulsion, les caresses sensuelles et le désir d'être reconnue par le partenaire et d'avoir un enfant. Les hommes indiquent, dans l'ordre : le plaisir, l'amour, le contact physique, la complicité, la tendresse, le désir de pénétrer la (ou le) partenaire, une pulsion, le désir d'être reconnu par le partenaire et les caresses sensuelles.
En conclusion, on remarque que les facteurs à l'origine des rapports sexuels sont similaires entre les femmes et les hommes. Le plaisir érotique est un facteur important, mais il n'est pas le seul. Les émotions positives, la qualité de la relation avec le partenaire et le besoin d'être aimé sont également très importants4.
[modifier] Réponses physiologiques
Cette description physiologique a l'avantage de tenter de décrire objectivement les mécanismes de la sexualité - on pourra toutefois lui reprocher de fonder un parallèle entre un vocabulaire scientifique tendant vers la fonction biologique de reproduction et des points de vue culturels comme la notion difficilement différenciable de désir ou l'idée d'aboutissement sur l'orgasme (rattachée au genre masculin) ; en effet, ces phases ne se suivent pas inévitablement et, par exemple, la résolution peut avoir lieu sans orgasme. Si la reproduction joue un rôle, la construction culturelle parait chez l'humain dominer les contraintes biologiques au point d'échapper aux logiques deévolution4


2 les contextes, qu’il soit contexte économique, politique, et sociale
La science (latin scientia, « connaissance ») est, « Ce que l'on sait pour l'avoir appris, ce que l'on tient pour vrai au sens large. L'ensemble de connaissances, d'études d'une valeur universelle, caractérisées par un objet (domaine) et une méthode déterminés, et fondées sur des relations objectives vérifiables [sens restreint] »1.
La volonté de la communauté scientifique, garante des sciences, est de produire des « connaissances scientifiques » à partir de méthodes d'investigation rigoureuses, vérifiables et reproductibles. Quant aux « méthodes scientifiques » et aux « valeurs scientifiques », elles sont à la fois le produit et l'outil de production de ces connaissances et se caractérisent par leur but, qui consiste à permettre de comprendre et d'expliquer le monde et ses phénomènes de la manière la plus élémentaire possible — c'est-à-dire de produire des connaissances se rapprochant le plus possible des faits observables. À la différence des dogmes, qui prétendent également dire le vrai, la science est ouverte à la critique et les connaissances scientifiques, ainsi que les méthodes, sont toujours ouvertes à la révision[réf. nécessaire]. De plus, les sciences ont pour but de comprendre les phénomènes, et d'en tirer des prévisions justes et des applications fonctionnelles ; leurs résultats sont sans cesse confrontés à la réalité. Ces connaissances sont à la base de nombreux développements techniques ayant de forts impacts sur la société.
La science est historiquement liée à la philosophie. Dominique Lecourt écrit ainsi qu'il existe « un lien constitutif [unissant] aux sciences ce mode particulier de penser qu'est la philosophie. C'est bien en effet parce que quelques penseurs en Ionie dès le VIIe siècle av. J.-C. eurent l'idée que l'on pouvait expliquer les phénomènes naturels par des causes naturelles qu'ont été produites les premières connaissances scientifiques »2. Dominique Lecourt explique ainsi que les premiers philosophes ont été amenés à faire de la science (sans que les deux ne soient confondues).
La science se compose d'un ensemble de disciplines particulières dont chacune porte sur un domaine particulier du savoir scientifique. Il s'agit par exemple des mathématiques3, de la chimie, de la physique, de la biologie, de la mécanique, de l'optique, de la pharmacie, de l'astronomie, de l'archéologie, de l'économie, de la sociologie, etc. Cette catégorisation n'est ni fixe, ni unique, et les disciplines scientifiques peuvent elles-mêmes être découpées en sous-disciplines, également de manière plus ou moins conventionnelle. Chacune de ces disciplines constitue une science particulière.
Sommaire
1 Étymologie : de la « connaissance » à la « recherche »
2 Un terme générique
o 2.1 Définition large
o 2.2 Définition stricte
o 2.3 Principe de l'acquisition de connaissances scientifiques
3 Pluralisme des définitions
4 Histoire de la science
o 4.1 Premières traces : Préhistoire et Antiquité
4.1.1 Préhistoire
4.1.2 Mésopotamie
4.1.3 Égypte pharaonique
4.1.4 Chine de l'Antiquité
4.1.5 Science en Inde
o 4.2 « Logos » grec : les prémisses philosophiques de la science
4.2.1 Présocratiques
4.2.2 Platon et la dialectique
4.2.3 Aristote et la physique
o 4.3 Période alexandrine et Alexandrie à l'époque romaine
o 4.4 Ingénierie et technologie romaines
o 4.5 Science au Moyen Âge
4.5.1 En Europe
4.5.2 Dans le monde arabo-musulman
o 4.6 Sciences en Chine médiévale
o 4.7 Inde des mathématiques médiévales
o 4.8 Fondements de la science moderne en Europe
4.8.1 Science institutionnalisée
o 4.9 Renaissance et la « science classique »
4.9.1 Naissance de la méthode scientifique : Francis Bacon
4.9.2 De l'« imago mundi » à l'astronomie
4.9.3 De l'alchimie à la chimie
4.9.4 Émergence de la physiologie moderne
4.9.5 Diffusion du savoir
o 4.10 Les « Lumières » et les grands systèmes scientifiques
4.10.1 L'Encyclopédie
4.10.2 Rationalisme et science moderne
4.10.3 Naissance des grandes disciplines scientifiques
o 4.11 XIXe siècle
4.11.1 Claude Bernard et la méthode expérimentale
4.11.2 Révolution Industrielle
o 4.12 Une science « post-industrielle »
4.12.1 Complexification des sciences
4.12.2 Développement des sciences humaines
o 4.13 Éthique et science : l'avenir de la science au XXIe siècle
5 Classification des sciences
o 5.1 Sciences fondamentales et appliquées
o 5.2 Sciences nomothétiques et idiographiques
o 5.3 Sciences empiriques et logico-formelles
o 5.4 Sciences de la nature et sciences humaines et sociales
6 Disciplines scientifiques
7 Raisonnement scientifique
o 7.1 Type formel pur
o 7.2 Type empirico-formel
o 7.3 Type herméneutique
o 7.4 Scientificité
8 Scientifique et méthode scientifique
o 8.1 Expérimentation
o 8.2 Observation
o 8.3 Théorie et modèle
o 8.4 Simulation
o 8.5 Publication et littérature scientifique
9 Épistémologie : le discours sur la science
o 9.1 Épistémologie ou philosophie des sciences ?
o 9.2 Science au service de l'humanité : le progrès
o 9.3 Interrogations de l'épistémologie
o 9.4 Grands modèles épistémologiques
9.4.1 Cartésianisme et rationalisme
9.4.2 Empirisme
9.4.3 Positivisme d'Auguste Comte
9.4.4 Critique de l'induction de Mach
9.4.5 Réfutabilité de Karl Popper et les « programmes de recherche scientifique » de Irme Lakatos
9.4.6 « Science normale » de Thomas Kuhn
9.4.7 Constructivisme
10 Science et société
o 10.1 Science et pseudo-sciences
o 10.2 Science et protoscience
o 10.3 Science ou technique ?
o 10.4 Arts et science
o 10.5 Vulgarisation scientifique
o 10.6 Science et idéologie
10.6.1 Scientisme ou « religion » de la science
10.6.2 Science au service de la guerre
o 10.7 Science et religion
10.7.1 Le non-recouvrement
o 10.8 Histoire
11 Communauté scientifique internationale
o 11.1 Du savant au chercheur
o 11.2 Des communautés scientifiques
o 11.3 Recherche
o 11.4 Sociologie du champ scientifique
o 11.5 Applications, inventions, innovations et économie de la science
12 Notes et références
o 12.1 Références
o 12.2 Notes
o 12.3 Ouvrages utilisés
13 Voir aussi
o 13.1 Articles connexes
o 13.2 Wikisource
o 13.3 Lien externe
o 13.4 Bibliographie

[modifier] Étymologie : de la « connaissance » à la « recherche »
L'étymologie de « science » vient du latin, « scientia » (« connaissance »), lui-même du verbe « scire » (« savoir ») qui désigne à l'origine la faculté mentale propre à la connaissance4. Cette acception se retrouve par exemple dans l'expression de François Rabelais : « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme ». Il s'agissait ainsi d'une notion philosophique (la connaissance pure, au sens de « savoir »), qui devint ensuite une notion religieuse, sous l'influence du christianisme. La « docte science » concernait alors la connaissance des canons religieux, de l'exégèse et des écritures, paraphrase pour la théologie, première science instituée.
La racine « science » se retrouve dans d'autres termes tels la « conscience » (étymologiquement, « avec la connaissance »), la « prescience » (« la connaissance du futur »), l'« omniscience » (« la connaissance de tout »), par exemple.
[modifier] Un terme générique
[modifier] Définition large


La science, par ses découvertes, a su marquer la civilisation. Ici, les images rapportées par l'astronomie nourrissent la pensée humaine quant à sa place dans l'Univers.
Le mot science est un polysème, recouvrant principalement trois acceptions5 :
1. Savoir, connaissance de certaines choses qui servent à la conduite de la vie ou à celle des affaires.
2. Ensemble des connaissances acquises par l’étude ou la pratique.
3. Hiérarchisation, organisation et synthèse des connaissances au travers de principes généraux (théories, lois, etc.)
[modifier] Définition stricte
D'après Michel Blay6, la science est « la connaissance claire et certaine de quelque chose, fondée soit sur des principes évidents et des démonstrations, soit sur des raisonnements expérimentaux, ou encore sur l'analyse des sociétés et des faits humains. »
Cette définition permet de distinguer les trois types de science :
1. les sciences exactes, comprenant les mathématiques et les « sciences mathématisées » comme la physique théorique ;
2. les sciences physico-chimiques et expérimentales (sciences de la nature et de la matière, biologie, médecine) ;
3. les sciences humaines, qui concernent l'Homme, son histoire, son comportement, la langue, le social, le psychologique, le politique.
Néanmoins, leurs limites sont floues ; en d'autres termes il n'existe pas de catégorisation systématique des types de science, ce qui constitue par ailleurs l'un des questionnements de l'épistémologie. Dominique Pestre explique ainsi que « ce que nous mettons sous le vocable « science » n’est en rien un objet circonscrit et stable dans le temps qu’il s’agirait de simplement décrire »7.
[modifier] Principe de l'acquisition de connaissances scientifiques
Article détaillé : Évaluation de la recherche scientifique.
L'acquisition de connaissances reconnues comme scientifiques passent par une suite d'étapes. Selon Francis Bacon, la séquence de ces étapes peut être résumée comme suit :
1. observation, expérimentation et vérification
2. théorisation
3. prévision
Pour Charles Sanders Peirce (1839–1914), qui a repris d'Aristote l'opération logique d'abduction, la découverte scientifique procède dans un ordre différent :
1. abduction : création de conjectures et d'hypothèses ;
2. déduction : recherche de ce que seraient les conséquences si les résultats de l'abduction étaient vérifiés ;
3. induction : mise à l'épreuve des faits ; expérimentation8.
Les méthodes scientifiques permettent de procéder à des expérimentations rigoureuses, reconnues comme telles par la communauté de scientifiques. Les données recueillies permettent une théorisation, la théorisation permet de faire des prévisions qui doivent ensuite être vérifiées par l'expérimentation et l'observation. Une théorie est rejetée lorsque ces prévisions ne cadrent pas à l'expérimentation. Le chercheur ayant fait ces vérifications doit, pour que la connaissance scientifique progresse, faire connaitre ces travaux aux autres scientifiques qui valideront ou non son travail au cours d'une procédure d'évaluation.
[modifier] Pluralisme des définitions
Le mot « science », dans son sens strict, s'oppose à l'opinion (« doxa » en grec), assertion par nature arbitraire9. Néanmoins le rapport entre l'opinion d'une part et la science d'autre part n'est pas aussi systématique ; l'historien des sciences Pierre Duhem pense en effet que la science s'ancre dans le sens commun, qu'elle doit « sauver les apparences ».
Le discours scientifique s'oppose à la superstition et à l'obscurantisme. Dans le cas de la superstition, il s'agit d'une opposition, la science niant les phénomènes surnaturels. Cependant, l'opinion peut se transformer en un objet de science, voire en une discipline scientifique à part. La sociologie des sciences analyse notamment cette articulation entre science et opinion. Dans le langage commun, la science s'oppose à la croyance, par extension les sciences sont souvent considérées comme contraires aux religions. Cette considération est toutefois souvent plus nuancée tant par des scientifiques que des religieuxnote 1,note 2.
L’idée même d’une production de connaissance est problématique : nombre de domaines reconnus comme scientifiques n’ont pas pour objet la production de connaissances, mais celle d’instruments, de machines, de dispositifs techniques. Terry Shinn a ainsi proposé la notion de « recherche technico-instrumentale »10. Ses travaux avec Bernward Joerges à propos de l’« instrumentation »11 ont ainsi permis de mettre en évidence que le critère de « scientificité » n'est pas dévolu à des sciences de la connaissance seules.
Le mot « science » définit aux XXe et XXIe siècles l'institution de la science, c'est-à-dire l'ensemble des communautés scientifiques travaillant à l'amélioration du savoir humain et de la technologie, dans sa dimension internationale, méthodologique, éthique et politique. On parle alors de « la science ».
La notion ne possède néanmoins pas de définition consensuelle. L'épistémologue André Pichot écrit ainsi qu'il est « utopique de vouloir donner une définition a priori de la science »12. L'historien des sciences Robert Nadeau explique pour sa part qu'il est « impossible de passer ici en revue l'ensemble des critères de démarcation proposés depuis cent ans par les épistémologues, [et qu'on] ne peut apparemment formuler un critère qui exclut tout ce qu'on veut exclure, et conserve tout ce qu'on veut conserver »13. La physicienne et philosophe des sciences Léna Soler, dans son manuel d'épistémologie, commence également par souligner « les limites de l'opération de définition »14. Les dictionnaires en proposent certes quelques-unes. Mais, comme le rappelle Léna Soler, ces définitions ne sont pas satisfaisantes. Les notions d'« universalité », d'« objectivité » ou de « méthode scientifique » (surtout lorsque cette dernière est conçue comme étant l'unique notion en vigueur) sont l'objet de trop nombreuses controverses pour qu'elles puissent constituer le socle d'une définition acceptable. Il faut donc tenir compte de ces difficultés pour décrire la science. Et cette description reste possible en tolérant un certain « flou » épistémologique.
[modifier] Histoire de la science
Article détaillé : Histoire des sciences.
L'histoire des sciences est intimement liée à l'histoire des sociétés et des civilisations15. D'abord confondue avec l'investigation philosophique, dans l'Antiquité, puis religieuse, du Moyen Âge jusqu'au Siècle des Lumières, la science possède une histoire complexe. L'histoire de la science et des sciences peut se dérouler selon deux axes comportant de nombreux embranchementsnote 3:
l'histoire des découvertes scientifiques d'une part,
l'histoire de la pensée scientifique d'autre part, formant pour partie l'objet d'étude de l'épistémologie.


Allégorie de la Sciencenote 4.
Bien que très liées, ces deux histoires ne doivent pas être confondues. Bien plutôt, il s'agit d'une interrogation sur la production et la recherche de savoir. Michel Blay fait même de la notion de « savoir » la véritable clé de voûte d'une histoire des sciences et de la science cohérente :
« Repenser la science classique exige de saisir l'émergence des territoires et des champs du savoir au moment même de leur constitution, pour en retrouver les questionnements fondamentaux16. »
De manière générale, l'histoire des sciences n'est ni linéaire, ni réductible aux schémas causaux simplistes. L'épistémologue Thomas Samuel Kuhn parle ainsi, bien plutôt, des « paradigmes de la science » comme des renversements de représentations, tout au long de l'histoire des sciences. Kuhn énumère ainsi un nombre de « révolutions scientifiques »17. André Pichot distingue ainsi entre l’histoire des connaissances scientifiques et celle de la pensée scientifique18. Une histoire de la science et des sciences distingueraient de même, et également, entre les institutions scientifiques, les conceptions de la science, ou celle des disciplines.
[modifier] Premières traces : Préhistoire et Antiquité
Article détaillé : Histoire des sciences#Antiquité.
[modifier] Préhistoire
Article détaillé : Préhistoire.


L'usage d'outils en pierre précède l'apparition d'Homo sapiens de plus de 2 millions d'années.
La technique précède la science dans les premiers temps de l'humanité. En s'appuyant sur une démarche empirique, l'homme développe ses outils (travail de la pierre puis de l'os, propulseur) et découvre l'usage du feu dès le Paléolithique inférieur. La plupart des préhistoriens s'accordent pour penser que le feu est utilisé depuis 250 000 ans ou 300 000 ans. Les techniques de production de feu relèvent soit de la percussion (silex contre marcassite), soit de la friction de deux morceaux de bois (par sciage, par rainurage, par giration).
Pour de nombreux préhistoriens comme Jean Clottes, l'art pariétal montre que l'homme anatomiquement moderne du Paléolithique supérieur possédait les mêmes facultés cognitives que l'homme actuelnote 5.
Ainsi, l'homme préhistorique savait, intuitivement, calculer ou déduire des comportements de l'observation de son environnement, base du raisonnement scientifique. Certaines « proto-sciences » comme le calcul ou la géométrie en particulier apparaissent sans doute très tôt. L'os d'Ishango, datant de plus de 20 000 ans, a été interprété par certains auteurs comme l'un des premiers bâtons de comptage. L'astronomie permet de constituer une cosmogonie. Les travaux du français André Leroi-Gourhan, spécialiste de la technique, explorent les évolutions à la fois biopsychiques et techniques de l'homme préhistorique. Selon lui, « les techniques s'enlèvent dans un mouvement ascensionnel foudroyant »19, dès l'acquisition de la station verticale, en somme très tôt dans l'histoire de l'homme.
[modifier] Mésopotamie
Article détaillé : Sciences mésopotamienne et babylonienne.
Les premières traces d'activités scientifiques datent des civilisations humaines du néolithique où se développent commerce et urbanisation20. Ainsi, pour André Pichot, dans La Naissance de la science21, la science naît en Mésopotamie, vers - 3500, principalement dans les villes de Sumer et d'Élam. Les premières interrogations sur la matière, avec les expériences d'alchimie, sont liées aux découvertes des techniques métallurgiques qui caractérisent cette période. La fabrication d'émaux date ainsi de - 2000. Mais l'innovation la plus importante provient de l'invention de l'écriture cunéiforme (en forme de clous), qui, par les pictogrammes, permet la reproduction de textes, la manipulation abstraite de concepts égalementnote 6. La numération est ainsi la première méthode scientifique à voir le jour, sur une base 60 (« gesh » en mésopotamien), permettant de réaliser des calculs de plus en plus complexes, et ce même si elle reposait sur des moyens matériels rudimentaires22. L'écriture se perfectionnant (période dite « akadienne »), les sumériens découvrent les fractions ainsi que la numération dite « de position », permettant le calcul de grands nombres. Le système décimal apparaît également, via le pictogramme du zéro initial, ayant la valeur d'une virgule, pour noter les fractions23. La civilisation mésopotamienne aboutit ainsi à la constitution des premières sciences telles : la métrologie, très adaptée à la pratique24, l'algèbre (découvertes de planches à calculs permettant les opérations de multiplication et de division, ou « tables d'inverses » pour cette dernière25 ; mais aussi des puissances, racines carrées, cubiques ainsi que les équations du premier degré, à une et deux inconnues), la géométrie (calculs de surfaces, théorèmes26), l'astronomie enfin (calculs de mécanique céleste, prévisions des équinoxes, constellations, dénomination des astres). La médecine a un statut particulier ; elle est la première science « pratique », héritée d'un savoir-faire tâtonnant27.


Une tablette d'argile en écriture cunéiformenote 7.
Les sciences étaient alors le fait des scribes, qui, note André Pichot, se livraient à de nombreux « jeux numériques »28 qui permettaient de lister les problèmes. Cependant, les sumériens ne pratiquaient pas la démonstration. Dès le début, les sciences mésopotamiennes sont assimilées à des croyances, comme l'astrologie ou la mystique des nombres, qui deviendront des pseudo-sciences ultérieurement. L'histoire de la science étant très liée à celle des techniques, les premières inventions témoignent de l'apparition d'une pensée scientifique abstraite. La Mésopotamie crée ainsi les premiers instruments de mesure, du temps et de l'espace (comme les gnomon, clepsydre, et polos). Si cette civilisation a joué un rôle majeur, elle n'a pas cependant connu la rationalité puisque celle-ci « n'a pas encore été élevée au rang de principal critère de vérité, ni dans l'organisation de la pensée et de l'action, ni a fortiori, dans l'organisation du monde »29.
[modifier] Égypte pharaonique
Article détaillé : Sciences dans l'Égypte antique.
L'Égypte antique va développer l'héritage pré-scientifique mésopotamien. Cependant, en raison de son unité culturelle spécifique, la civilisation égyptienne conserve « une certaine continuité dans la tradition [scientifique] »30 au sein de laquelle les éléments anciens restent très présents. L'écriture des hiéroglyphes permet la représentation plus précise de concepts ; on parle alors d'une écriture idéographique. La numération est décimale mais les Égyptiens ne connaissent pas le zéro. Contrairement à la numération sumérienne, la numération égyptienne évolue vers un système d'écriture des grands nombres (entre 2000 et 1600 av. J.-C.) par « numération de juxtaposition »note 8. La géométrie fit principalement un bond en avant. Les Égyptiens bâtissaient des monuments grandioses en ne recourant qu'au système des fractions symbolisé par l'œil d'Horus, dont chaque élément représentait une fraction.


L'œil Oudjat, ou œil d'Horus.
Dès 2600 av. J.-C., les Égyptiens calculaient correctement la surface d'un rectangle et d'un triangle. Il ne reste que peu de documents attestant l'ampleur des mathématiques égyptiennes ; seuls les papyri de Rhind, (datant de 1800 av. J.-C.), de Kahun, de Moscou et du Rouleau de cuir31 éclairent les innovations de cette civilisation qui sont avant tout celles des problèmes algébriques (de division, de progression arithmétique, géométrique). Les Égyptiens approchent également la valeur du nombre Pi, en élevant au carré les 8/9es du diamètre, découvrant un nombre équivalant à ≈ 3,1605 (au lieu de ≈ 3,1416). Les problèmes de volume (de pyramide, de cylindre à grains) sont résolus aisément. L'astronomie progresse également : le calendrier égyptien compte 365 jours, le temps est mesuré à partir d'une « horloge stellaire » et les étoiles visibles sont dénombrées. En médecine, la chirurgie fait son apparition. Une théorie médicale se met en place, avec l'analyse des symptômes et des traitements et ce dès 2300 avant J.-C. (le Papyrus Ebers est ainsi un véritable traité médical).
Pour André Pichot, la science égyptienne, comme celle de Mésopotamie avant elle, « est encore engagée dans ce qu'on a appelé « la voie des objets », c'est-à-dire que les différentes disciplines sont déjà ébauchées, mais qu'aucune d'entre elles ne possède un esprit réellement scientifique, c'est-à-dire d'organisation rationnelle reconnue en tant que telle32. »
[modifier] Chine de l'Antiquité
Article détaillé : Histoire des sciences et techniques en Chine.
Les Chinois découvrent également le théorème de Pythagore (que les Babyloniens connaissaient quinze siècles avant l'ère chrétienne). En astronomie, ils identifient la comète de Halley et comprennent la périodicité des éclipses. Ils inventent par ailleurs la fonte du fer. Durant la période des Royaumes combattants, apparaît l'arbalète. En -104, est promulgué le calendrier « Taichu », premier véritable calendrier chinois. En mathématiques, les chinois inventent, vers le IIe siècle av. J.-C., la numération à bâtons. Il s'agit d'une notation positionnelle à base 10 comportant dix-huit symboles, avec un vide pour représenter le zéro, c'est-à-dire la dizaine, centaine, etc. dans ce système de numérotation.


La « numération en bâtons » chinoise.
En 132, Zhang Heng invente le premier sismographe pour la mesure des tremblements de terre et est la première personne en Chine à construire un globe céleste rotatif. Il invente aussi l'odomètre. La médecine progresse sous les Han orientaux avec Zhang Zhongjing et Hua Tuo, à qui l'on doit en particulier la première anesthésie générale.
En mathématiques, Sun Zi et Qin Jiushao étudient les systèmes linéaires et les congruences (leurs apports sont généralement considérés comme majeurs). De manière générale, l'influence des sciences chinoises fut considérable, sur l'Inde et sur les pays arabes.
[modifier] Science en Inde
Article détaillé : Mathématiques indiennes.
La civilisation dite de la vallée de l'Indus (-3300 à -1500) est surtout connue en histoire des sciences en raison de l'émergence des mathématiques complexes (ou « ganita »). La numération décimale de position et les symboles numéraux indiens, qui deviendront les chiffres arabes, vont influencer considérablement l'Occident via les arabes et les chinois. Les grands livres indiens sont ainsi traduits au IXe siècle dans les « maisons du savoir » par élèves d'Al-Khawarizmi, père arabe de l'algorithme. Les Indiens ont également maîtrisé le zéro, les nombres négatifs, les fonctions trigonométriques ainsi que le calcul différentiel et intégral, les limites et séries. Les « Siddhânta » sont le nom générique donné aux ouvrages scientifiques sanskrits.
On distingue habituellement deux périodes de découvertes abstraites et d'innovations technologiques dans l'Inde de l'Antiquité : les mathématiques de l'époque védique (-1500 à -400) et les mathématiques de l'époque jaïniste (- 400 à 200)note 9.
[modifier] « Logos » grec : les prémisses philosophiques de la science
Article détaillé : sciences grecques.
[modifier] Présocratiques
Pour l'épistémologue Geoffrey Ernest Richard Lloyd (en)33, la méthode scientifique fait son apparition dans la Grèce du VIIe siècle av. J.-C. ; ainsi Aristote est l'un des premiers savants à manipuler des démonstrations scientifiques. Cependant, les philosophes dits « pré-socratiques » sont les premiers à s'être interrogés sur les phénomènes naturels. Appelés les « physiologoï » par Aristote parce qu'ils tiennent un discours rationnel sur la nature, ils enquêtent sur les causes naturelles des phénomènes qui deviennent les premiers objets de méthode. Thalès de Milet (v. 625-547 av. J.-C.) et Pythagore (v. 570-480 av. J.-C.) contribuent principalement à la naissance des premières sciences comme les mathématiques, la géométrie (théorème de Pythagore), l'astronomie ou encore la musique. Ces premières recherches sont marquées par la volonté d'imputer la constitution du monde (ou « cosmos ») à un principe naturel unique (le feu pour Héraclite par exemple) ou divin (l'« Un » pour Anaximandre). Les pré-socratiques mettent en avant des principes constitutifs des phénomènes, les « archè ».
Les présocratiques initient également une réflexion sur la théorie de la connaissance. Constatant que la raison d'une part et les sens d'autre part conduisent à des conclusions contradictoires, Parménide opte pour la raison et estime qu'elle seule peut mener à la connaissance, alors que nos sens nous trompent. Ceux-ci, par exemple, nous enseignent que le mouvement existe, alors que la raison nous enseigne qu'il n'existe pas. Cet exemple est illustré par les célèbres paradoxes de son disciple Zénon. Si Héraclite est d'un avis opposé concernant le mouvement, il partage l'idée que les sens sont trompeurs. De telles conceptions favorisent la réflexion mathématique. Par contre, elles sont un obstacle au développement des autres sciences et singulièrement des sciences expérimentales. Sur cette question, ce courant de pensée se prolonge, quoique de manière plus nuancée, jusque Platon, pour qui les sens ne révèlent qu'une image imparfaite et déformée des Idées, qui sont la vraie réalité (allégorie de la caverne).


Héraclite.
À ces philosophes, s'oppose le courant épicurien. Initié par Démocrite, contemporain de Socrate, il sera développé, bien évidemment, par Épicure et magnifiquement exposé par le Romain Lucrèce dans De rerum natura. Pour eux, les sens nous donnent à connaître la réalité. Leur théorie atomiste affirme que la matière est formée d'entités dénombrables et insécables, les atomes. Ceux-ci s'assemblent pour former la matière comme les lettres s'assemblent pour former les mots. Tout est constitué d'atomes, y compris les dieux. Ceux-ci ne s'intéressent nullement aux hommes, et il n'y a donc pas lieu de les craindre. On trouve donc dans l'épicurisme la première formulation claire de la séparation entre le savoir et la religion, même si, de manière moins explicite, l'ensemble des présocratiques se caractérise par le refus de laisser les mythes expliquer les phénomènes naturels, comme les éclipses.
Il faudra attendre Aristote pour aplanir l'opposition entre les deux courants de pensée mentionnés plus haut.
La méthode pré-socratique est également fondée dans son discours, s'appuyant sur les éléments de la rhétorique : les démonstrations procèdent par une argumentation logique et par la manipulation de concepts abstraits, bien que génériques.
Par ailleurs, les Grecs établissent que la terre est sphérique, et en calculent la circonférence.
[modifier] Platon et la dialectique
Article détaillé : dialectique.


Mosaïque représentant l'Académie de Platon (Ier siècle)note 10.
Avec Socrate et Platon, qui en rapporte les paroles et les dialogues, la raison : logos, et la connaissance deviennent intimement liés. Le raisonnement abstrait et construit apparaît. Pour Platon, les « Formes » sont le modèle de tout ce qui est sensible, ce sensible étant un ensemble de combinaisons géométriques d'éléments. Platon ouvre ainsi la voie à la « mathématisation » des phénomènes. Les sciences mettent sur la voie de la philosophie, au sens de « discours sur la sagesse » ; inversement, la philosophie procure aux sciences un fondement assuré. L'utilisation de la dialectique, qui est l'essence même de la science complète alors la philosophie, qui a, elle, la primauté de la connaissance discursive (par le discours), ou « dianoia » en grec. Pour Michel Blay : « La méthode dialectique est la seule qui, rejetant successivement les hypothèses, s'élève jusqu'au principe même pour assurer solidement ses conclusions ». Socrate en expose les principes dans le Théétète34. Pour Platon, la recherche de la vérité et de la sagesse (la philosophie) est indissociable de la dialectique scientifique, c'est en effet le sens de l'inscription figurant sur le fronton de l'Académie, à Athènes : « Que nul n'entre ici s'il n'est géomètre »note 11.
[modifier] Aristote et la physique
Articles détaillés : Aristote et Physique.
C'est surtout avec Aristote, qui fonde la physique et la zoologie, que la science acquiert une méthode, basée sur la déduction. On lui doit la première formulation du syllogisme et de l'induction35. Les notions de « matière », de « forme », de « puissance » et d'« acte » deviennent les premiers concepts de manipulation abstraitenote 12. Pour Aristote, la science est subordonnée à la philosophie (c'est une « philosophie seconde » dit-il) et elle a pour objet la recherche des premiers principes et des premières causes, ce que le discours scientifique appellera le causalisme et que la philosophie nomme l'« aristotélisme ». Néanmoins, dans le domaine particulier de l'astronomie, Aristote est à l'origine d'un recul de la pensée par rapport à certains pré-socratiques[réf. nécessaire] quant à la place de la terre dans l'espace. À la suite d'Eudoxe de Cnide, il imagine un système géocentrique et considère que le cosmos est fini. Il sera suivi en cela par ses successeurs en matière d'astronomie, jusqu'à Copernic, à l'exception d'Aristarque, qui proposera un système héliocentrique. Il détermine par ailleurs que le vivant est ordonné selon une chaîne hiérarchisée mais sa théorie est avant tout fixiste. Il pose l'existence des premiers principes indémontrables, ancêtres des conjectures mathématiques et logiques. Il décompose les propositions en nom et verbe, base de la science linguistique35.
[modifier] Période alexandrine et Alexandrie à l'époque romaine
Article détaillé : sciences grecques.


Un fragment des Éléments d'Euclide trouvé à Oxyrhynque.


Le fragment principal de la machine d'Anticythère, un mécanisme à engrenages capable de calculer la date et l'heure des éclipses solaires et lunaires
La période dite « alexandrine » (de -323 à -30) et son prolongement à l'époque romaine sont marqués par des progrès significatifs en astronomie et en mathématiques ainsi que par quelques avancées en physique. La ville égyptienne d'Alexandrie en est le centre intellectuel et les savants d'alors y sont grecs.
Euclide (-325 à -265) est l'auteur des Éléments, qui sont considérés comme l'un des textes fondateurs des mathématiques modernes. Ces postulats, comme celui nommé le « postulat d'Euclide », que l'on exprime de nos jours en affirmant que « par un point pris hors d'une droite il passe une et une seule parallèle à cette droite » sont à la base de la géométrie systématisée.
Les travaux d'Archimède (-292 à -212) sur sa poussée correspond à la première loi physique connue alors que ceux d'Ératosthène (-276 à -194) sur la circonférence de la terre ou ceux d'Aristarque de Samos (-310 à -240) sur les distances terre-lune et terre-soleil témoignent d'une grande ingéniosité. Apollonius de Perga modélise les mouvements des planètes à l'aide d'orbites excentriques.
Hipparque de Nicée (-194 à -120) perfectionne les instruments d’observation comme le dioptre, le gnomon et l'astrolabe. En algèbre et géométrie, il divise le cercle en 360 °, et crée même le premier globe céleste (ou orbe). Hipparque rédige également un traité en 12 livres sur le calcul des cordes (nommé aujourd'hui la trigonométrie). En astronomie, il propose une « théorie des épicycles » qui permettra à son tour l'établissement de tables astronomiques très précises. L'ensemble se révèlera largement fonctionnel, permettant par exemple de calculer pour la première fois des éclipses lunaires et solaires. La machine d'Anticythère, un calculateur à engrenages, capable de calculer la date et l'heure des éclipses, est un des rares témoignages de la sophistication des connaissances grecques tant en astronomie et mathématiques qu'en mécanique et travail des métaux.
Ptolémée d’Alexandrie (85 après J-C. à 165) prolonge les travaux d'Hipparque et d'Aristote sur les orbites planétaires et aboutit à un système géocentrique du système solaire, qui fut accepté dans les mondes occidental et arabe pendant plus de mille trois cents ans, jusqu'au modèle de Nicolas Copernic. Ptolémée fut l’auteur de plusieurs traités scientifiques, dont deux ont exercé par la suite une très grande influence sur les sciences islamique et européenne. L’un est le traité d’astronomie, qui est aujourd’hui connu sous le nom de l’Almageste ; l’autre est la Géographie, qui est une discussion approfondie sur les connaissances géographiques du monde gréco-romain.
[modifier] Ingénierie et technologie romaines
Article détaillé : Technologie de la Rome antique.
La technologie romaine est un des aspects les plus importants de la civilisation romaine. Cette technologie, en partie liée à la technique de la voute, probablement empruntée aux Étrusques, a été certainement la plus avancée de l'Antiquité. Elle permit la domestication de l'environnement, notamment par les routes et aqueducs. Cependant, le lien entre prospérité économique de l'Empire romain et niveau technologique est discuté par les spécialistes : certains, comme Emilio Gabba, historien italien, spécialiste de l'histoire économique et sociale de la République romaine, considèrent que les dépenses militaires ont freiné le progrès scientifique et technique, pourtant richenote 13. Pour J. Kolendo, le progrès technique romain serait lié à une crise de la main-d'œuvre, due à la rupture dans la « fourniture » d'esclaves non qualifiés, sous l'empereur Auguste. Les romains aurait ainsi été capables de développer des techniques alternatives. Pour L. Cracco Ruggini, la technologie traduit la volonté de prestige des couches dominantes36.
Cependant, la philosophie, la médecine et les mathématiques sont d'origine grecque, ainsi que certaines techniques agricoles. La période pendant laquelle la technologie romaine est la plus foisonnante est le IIe siècle av. J.-C. et le Ier siècle av. J.-C., et surtout à l'époque d'Auguste. La technologie romaine a atteint son apogée au Ier siècle avec le ciment, la plomberie, les grues, machines, dômes, arches. Pour l'agriculture, les Romains développent le moulin à eau. Néanmoins, les savants romains furent peu nombreux et le discours scientifique abstrait progressa peu pendant la Rome antique : « les Romains, en faisant prévaloir les « humanités », la réflexion sur l'homme et l'expression écrite et orale, ont sans doute occulté pour l'avenir des « realita » scientifiques et techniques »37, mis à part quelques grands penseurs, comme Vitruve ou Apollodore de Damas, souvent d'origine étrangère d'ailleurs. Les romains apportèrent surtout le système de numération romain pour les Unités de mesure romaines en utilisant l'abaque romain, ce qui permet d'homogénéiser le comptage des poids et des distances.
[modifier] Science au Moyen Âge
Articles détaillés : Science du Moyen Âge et Sciences et techniques dans l'Empire byzantin.
Bien que cette période s'apparente généralement à l'histoire européenne, les avancées technologiques et les évolutions de la pensée scientifique du monde oriental (civilisation arabo-musulmane) et, en premier lieu, celles de l'empire byzantin, qui hérite du savoir latin, et où puisera le monde arabo-musulman, enfin celles de la Chine sont décisives dans la constitution de la « science moderne », internationale, institutionnelle et se fondant sur une méthodologie. La période du Moyen Âge s'étend ainsi de 512 à 1492 ; elle connaît le développement sans précédent des techniques et des disciplines, en dépit d'une image obscurantiste, propagée par les manuels scolaires.
[modifier] En Europe
Les byzantins maîtrisaient l'architecture urbaine et l'admission d'eau ; ils perfectionnèrent également les horloges à eau et les grandes norias pour l'irrigation ; technologies hydrauliques dont la civilisation arabe a hérité et qu'elle a transmis à son tour. L'hygiène et la médecine firent également des progrèsnote 14. Les Universités byzantines ainsi que les bibliothèques compilèrent de nombreux traités et ouvrages d'étude sur la philosophie et le savoir scientifique de l'époquenote 15.
L'Europe occidentale, après une période de repli durant le Haut Moyen Âge, retrouve un élan culturel et technique qui culmine au XIIe siècle. Néanmoins, du VIIIe siècle au Xe siècle la période dite, en France, de la Renaissance carolingienne permit, principalement par la scolarisation, le renouveau de la pensée scientifique. La scolastique, au XIe siècle préconise un système cohérent de pensée proche de ce que sera l'empirisme. La philosophie naturelle se donne comme objectif la description de la nature, perçue comme un système cohérent de phénomènes (ou pragmata), mûs par des «lois »note 16. Le Bas Moyen Âge voit la logique faire son apparition — avec l'académie de Port-Royal des Champs — et diverses méthodes scientifiques se développer ainsi qu'un effort pour élaborer des modèles mathématiques ou médicaux qui jouera « un rôle majeur dans l'évolution des différentes conceptions du statut des sciences »38. D'autre part le monde médiéval occidental voit apparaître une « laïcisation du savoir », concomitant à l'« autonomisation des sciences ».
[modifier] Dans le monde arabo-musulman
Article détaillé : Sciences et techniques islamiques.
Le monde arabo-musulman est à son apogée intellectuelle du VIIIe au XIVe siècle ce qui permet le développement d'une culture scientifique spécifique, d'abord à Damas sous les derniers Omeyyades, puis à Bagdad sous les premiers Abbassides. La science arabo-musulmane est fondée sur la traduction et la lecture critique des ouvrages de l'Antiquiténote 17. L'étendue du savoir arabo-musulman est étroitement liée aux guerres de conquête de l'Islam qui permettent aux Arabes d'entrer en contact avec les civilisations indienne et chinoise. Le papier, emprunté aux Chinois remplace rapidement le parchemin dans le monde musulman. Le Calife Harun ar-Rachid, féru d'astronomie, crée en 829 à Bagdad le premier observatoire permanent, permettant à ses astronomes de réaliser leurs propres études du mouvement des astres. Abu Raihan al-Biruni, reprenant les écrits d'Ératosthène d'Alexandrie (IIIe siècle av. J.-C.), calcule le diamètre de la Terre et affirme que la Terre tournerait sur elle-même, bien avant Galilée. En 832 sont fondées les Maisons de la sagesse (Baït al-hikma), lieux de partage et de diffusion du savoir.
En médecine, Avicenne (980-1037) rédige une monumentale encyclopédie, le Qanûn. Ibn Nafis décrit la circulation sanguine pulmonaire, et al-Razi recommande l'usage de l'alcool en médecine. Au XIe siècle, Abu-l-Qasim az-Zahrawi (appelé Abulcassis en Occident) écrit un ouvrage de référence pour l'époque, sur la chirurgie.
En mathématiques l'héritage antique est sauvegardé et approfondi permettant la naissance de l'algèbre. L'utilisation des chiffres arabes et du zéro rend possible des avancées en analyse combinatoire et en trigonométrie.
Enfin, la théologie motazilite se développe sur la logique et le rationalisme, inspirés de la philosophie grecque et de la raison (logos), qu'elle cherche à rendre compatible avec les doctrines islamiques.
[modifier] Sciences en Chine médiévale
Article détaillé : Histoire des sciences et techniques en Chine.
La Chine de l'Antiquité a surtout contribué à l'innovation technique, avec les quatre inventions principalesnote 18 qui sont : le papier (daté du IIe siècle av. J.-C.), l'imprimerie à caractères mobiles (au IXe siècle)39, la poudre (la première trace écrite attestée semble être le Wujing Zongyao qui daterait des alentours de 1044) et la boussole, utilisée dès le XIe siècle, dans la géomancie. Le scientifique chinois Shen Kuo (1031-1095) de la Dynastie Song décrit la boussole magnétique comme instrument de navigation.


Maquette d'une cuillère indiquant le sud (appelée sinan) du temps des Han (206 avant J.-C. - 220 après J.-C.).
Pour l'historien Joseph Needham, dans Science et civilisation en Chinenote 19, vaste étude de dix-sept volumes, la société chinoise a su mettre en place une science innovante, dès ses débuts. Needham en vient même à relativiser la conception selon laquelle la science doit tout à l'Occident. Pour lui, la Chine était même animée d'une ambition de collecter de manière désintéressée le savoir, avant même les universités occidentalesnote 20.
Les traités de mathématiques et de démonstration abondent comme Les Neuf Chapitres (qui présentent près de 246 problèmes) transmis par Liu Hui (IIIe siècle) et par Li Chunfeng (VIIe siècle) ou encore les Reflets des mesures du cercles sur la mer de Li Ye datant de 1248 étudiés par Karine Chemla et qui abordent les notions arithmétiques des fractions, d'extraction de racines carrée et cubique, le calcul de l'aire du cercle et du volume de la pyramide entre autres40. Karine Chelma a ainsi démontré que l'opinion répandue selon laquelle la démonstration mathématique serait d'origine grecque était partiellement fausse, les Chinois s'étant posé les mêmes problèmes à leur époque ; elle dira ainsi : on ne peut rester occidentalo-centré, l'histoire des sciences exige une mise en perspective internationale des savoirs41.
[modifier] Inde des mathématiques médiévales
Les mathématiques indiennes sont particulièrement abstraites et ne sont pas orientées vers la pratique, au contraire de celles des Égyptiens par exemple. C'est avec Brahmagupta (598 - 668) et son ouvrage célèbre, le Brahmasphutasiddhanta, particulièrement complexe et novateur, que les différentes facettes du zéro, chiffre et nombre, sont parfaitement comprises et que la construction du système de numération décimal de position est parachevée. L'ouvrage explore également ce que les mathématiciens européens du XVIIe siècle ont nommé la « méthode chakravala », qui est un algorithme pour résoudre les équations diophantiennes. Les nombres négatifs sont également introduits, ainsi que les racines carrées. La période s'achève avec le mathématicien Bhaskara II (1114 - 1185) qui écrivit plusieurs traités importants. À l'instar de Nasir ad-Din at-Tusi (1201 - 1274) il développe en effet la dérivation[réf. nécessaire]. On y trouve des équations polynomiales, des formules de trigonométrie, dont les formules d'addition. Bhaskara est ainsi l'un des pères de l'analyse puisqu'il introduit plusieurs éléments relevant du calcul différentiel : le nombre dérivé, la différentiation et l'application aux extrema, et même une première forme du théorème de Rolle[réf. nécessaire].


Aryabhata.
Mais c'est surtout avec Âryabhata (476 - 550), dont le traité d’astronomie (nommé l’Aryabatîya) écrit en vers aux alentours de 499, que les mathématiques indiennes se révèlentnote 21. Il s'agit d'un court traité d'astronomie présentant 66 théorèmes d'arithmétique, d'algèbre, ou de trigonométrie plane et sphérique. Aryabhata invente par ailleurs un système de représentation des nombres fondé sur les signes consonantiques de l'alphasyllabaire sanskrit.
Ces percées seront reprises et amplifiées par les mathématiciens et astronomes de l'école du Kerala, parmi lesquels : Madhava de Sangamagrama, Nilakantha Somayaji, Parameswara, Jyeshtadeva, ou Achyuta Panikkar, pendant la période médiévale du Ve siècle au XVe siècle. Ainsi, le Yuktibhasa ou Ganita Yuktibhasa est un traité de mathématiques et d'astronomie, écrit par l'astronome indien Jyesthadeva, membre de l'école mathématique du Kerala en 153042. Jyesthadeva a ainsi devancé de trois siècles la découverte du calcul infinitésimal par les occidentaux.
[modifier] Fondements de la science moderne en Europe
[modifier] Science institutionnalisée
C'est au tournant du XIIe siècle, et notamment avec la création des premières universités de Paris (1170) et Oxford (1220) que la science en Europe s'institutionnalisa, tout en conservant une affiliation intellectuelle avec la sphère religieuse. La traduction et la redécouverte des textes antiques grecs, et en premier lieu les Éléments d'Euclide ainsi que les textes d'Aristote, grâce à la civilisation arabo-musulmane, firent de cette période une renaissance des disciplines scientifiques, classées dans le quadrivium (parmi les Arts Libéraux). Les Européens découvrirent ainsi l'avancée des Arabes, notamment les traités mathématiques : Algèbre d'Al-Khwarizmi, Optique d'Ibn al-Haytham ainsi que la somme médicale d'Avicenne. En s'institutionnalisant, la science devint plus ouverte et plus fondamentale, même si elle restait assujettie aux dogmes religieux et qu'elle n'était qu'une branche encore de la philosophie et de l'astrologie. Aux côtés de Roger Bacon, la période fut marquée par quatre autres personnalités qui jetèrent, en Europe chrétienne, les fondements de la science moderne :
Roger Bacon (1214 - 1294) est philosophe et moine anglais. Il jeta les bases de la méthode expérimentale. Roger Bacon admet trois voies de connaissance : l'autorité, le raisonnement et l'expérience. Il rejette donc l'autorité de l'évidence, qui s'appuie sur des raisons extérieures et promeut « L'argument [qui] conclut et nous fait concéder la conclusion, mais il ne certifie pas et il n'éloigne pas le doute au point que l'âme se repose dans l'intuition de la vérité, car cela n'est possible que s'il la trouve par la voie de l'expérience »43. Les œuvres de Bacon ont pour but l'intuition de la vérité, c'est-à-dire la certitude scientifique, et cette vérité à atteindre est pour lui le salut. La science procédant de l'âme est donc indispensable.
Robert Grosseteste (env. 1168 - 1253) étudia Aristote et posa les prémices des sciences expérimentales, en explicitant le schéma : observations, déductions de la cause et des principes, formation d'hypothèse(s), nouvelles observations réfutant ou vérifiant les hypothèses enfinnote 22. Il développa les techniques d'optique et en fit même la science physique fondamentale (il étudia le comportement des rayons lumineux et formule même la première description de principe du miroir réfléchissant, principe qui permettra l'invention du télescope).


« Réfraction de la lumière » par Robert Grosseteste De natura locorum (XIIIe siècle).
Le religieux dominicain Albert le Grand (1193-1280) fut considéré par certains contemporains comme un alchimiste et magicien, néanmoins ses études biologiques permirent de jeter les fondations des disciplines des sciences de la vie. Il mena ainsi l'étude du développement du poulet en observant le contenu d'œufs pondus dans le temps et commenta le premier le phénomène de la nutrition du fœtus. Il établit également une classification systématique des végétaux, ancêtre de la taxonomie. Il décrit également les premières expériences de chimienote 23.
L'Europe sortait ainsi d'une léthargie intellectuelle. L'Église, avait interdit jusqu'en 1234 les ouvrages d'Aristote, accusé de paganisme[réf. nécessaire]. Ce n'est qu'avec Saint Thomas d'Aquin que la doctrine aristotélicienne fut acceptée par les papes.
Saint Thomas d'Aquin, théologien, permit de redécouvrir, par le monde arabe, les textes d'Aristote et des autres philosophes grecs, qu'il étudia à Naples, à l'université dominicainenote 24. Cependant, il est surtout connu pour son principe dit de l'autonomie respective de la raison et de la foi. Saint Thomas d'Aquin fut en effet le premier théologien à distinguer, dans sa Somme théologique (1266-1273) la raison (faculté naturelle de penser, propre à l'homme) et la foi (adhésion au dogme de la Révélation)44. Celle-ci est indémontrable, alors que la science est explicable par l'étude des phénomènes et des causes. L'une et l'autre enfin ne peuvent s'éclairer mutuellement.
Guillaume d'Occam (v. 1285- v. 1349) permit une avancée sur le plan de la méthode. En énonçant son principe de parcimonie, appelé aussi rasoir d'Occam, il procure à la science un cadre épistémologique fondé sur l'économie des arguments. Empiriste avant l'heure, Occam postule que : « Entia non sunt multiplicanda praeter necessitatem », littéralement « Les entités ne doivent pas être multipliées par delà ce qui est nécessaire ». Il explique par là qu'il est inutile d'avancer sans preuves et de forger des concepts illusoires permettant de justifier n'importe quoi45.
[modifier] Renaissance et la « science classique »
Article détaillé : Sciences et techniques de la Renaissance.


L'Homme de Vitruve de Leonardo Da Vinci, représentatif de la Renaissance italienne.
La Renaissance est une période qui se situe en Europe à la fin du Moyen Âge et au début des Temps modernes. Dans le courant du XVe siècle et au XVIe siècle, cette période permit à l'Europe de se lancer dans des expéditions maritimes d'envergure mondiale, connues sous le nom de grandes découvertes ; de nombreuses innovations furent popularisées, comme la boussole ou le sextant ; la cartographie se développa, ainsi que la médecine, grâce notamment au courant de l'humanisme. Selon l'historien anglais John Hale, ce fut à cette époque que le mot Europe entra dans le langage courant et fut doté d'un cadre de référence solidement appuyé sur des cartes et d'un ensemble d'images affirmant son identité visuelle et culturelle. La science comme discipline de la connaissance acquit ainsi son autonomie et ses premiers grands systèmes théoriques à tel point que Michel Blay parle du « chantier de la science classique »note 25. Cette période est abondante en descriptions, inventions, applications et en représentations du monde, qu'il importe de décomposer afin de rendre une image fidèle de cette phase historique :
[modifier] Naissance de la méthode scientifique : Francis Bacon


Francis Bacon.
Francis Bacon (1561 - 1626) est le père de l'empirisme. Il pose le premiers les fondements de la science et de ses méthodesnote 26. Dans son étude des faux raisonnements, sa meilleure contribution a été dans la doctrine des idoles. D'ailleurs, il écrit dans le Novum Organum (ou « nouvelle logique » par opposition à celle d’Aristote) que la connaissance nous vient sous forme d'objets de la nature, mais que l'on impose nos propres interprétations sur ces objets.
D'après Bacon, nos théories scientifiques sont construites en fonction de la façon dont nous voyons les objets ; l'être humain est donc biaisé dans sa déclaration d'hypothèses. Pour Bacon, « la science véritable est la science des causes ». S’opposant à la logique aristotéliciennenote 27 qui établit un lien entre les principes généraux et les faits particuliers, il abandonne la pensée déductive, qui procède à partir des principes admis par l’autorité des Anciens, au profit de l’« interprétation de la nature », où l’expérience enrichit réellement le savoirnote 28. En somme, Bacon préconise un raisonnement et une méthode fondés sur le raisonnement expérimental :
« L'empirique, semblable à la fourmi, se contente d'amasser et de consommer ensuite ses provisions. Le dogmatique, telle l'araignée ourdit des toiles dont la matière est extraite de sa propre substance. L'abeille garde le milieu ; elle tire la matière première des fleurs des champs, puis, par un art qui lui est propre, elle la travaille et la digère. (...) Notre plus grande ressource, celle dont nous devons tout espérer, c'est l'étroite alliance de ses deux facultés : l'expérimentale et la rationnelle, union qui n'a point encore été formée46 »
.
Pour Bacon, comme plus tard pour les scientifiques, la science améliore la condition humaine. Il expose ainsi une utopie scientifique, dans la Nouvelle Atlantide (1627), qui repose sur une société dirigée par « un collège universel » composé de savants et de praticiens.
[modifier] De l'« imago mundi » à l'astronomie
Articles détaillés : Révolution copernicienne et Histoire de l'astronomie.


Représentation de la mécanique céleste au sein du système de Nicolas Copernic.
Directement permise par les mathématiques de la Renaissance, l'astronomie s'émancipe de la mécanique aristotélicienne, retravaillée par Hipparque et Ptolémée. La théologie médiévale se fonde quant à elle, d'une part sur le modèle d'Aristote, d'autre part sur le dogme de la création biblique du monde. C'est surtout Nicolas Copernic, avec son ouvrage De revolutionibus (1543) qui met fin au modèle aristotélicien de l'immuabilité de la Terre. Sa doctrine a permis l'instauration de l'héliocentrisme : « avec Copernic, et avec lui seul, s'amorce un bouleversement dont sortiront l'astronomie et la physique modernes » explique Jean-Pierre Verdet, Docteur ès sciences47. Repris et développé par Georg Joachim Rheticus, l'héliocentrisme sera confirmé par des observationsnote 29, en particulier celles des phases de Vénus et de Jupiter par Galilée (1564 - 1642), qui met par ailleurs au point une des premières lunettes astronomiques, qu'il nomme « télescope ». Dans cette période, et avant que Galilée n'intervienne, la théorie de Copernic reste confinée à quelques spécialistes, de sorte qu'elle ne rencontre que des oppositions ponctuelles de la part des théologiens, les astronomes restant le plus souvent favorables à la thèse géocentrique. Néanmoins, en 1616, le Saint-Office publie un décret condamnant le système de Copernic et mettant son ouvrage à l'index. En dépit de cette interdiction, « Galilée adoptera donc la cosmologie de Copernic et construira une nouvelle physique avec le succès et les conséquences que l'on sait »48, c'est-à-dire qu'il permettra la diffusion des thèses héliocentriques. Kepler dégagera les lois empiriques des mouvements célestes alors que Huygens décrira la force centrifuge. Newton unifiera ces approches en découvrant la gravitation universelle.


Portrait de Galilée.
Le danois Tycho Brahe observera de nombreux phénomènes astronomiques comme une nova et fondera le premier observatoire astronomique, « Uraniborg »49. Il y fit l'observation d'une comète en 1577. Johannes Kepler, l'élève de Brahe, qu'il rencontre en 1600, va quant à lui initier les premiers calculs à des fins astronomiques, en calculant un lever de Terre sur la Lune, et en énonçant ses « trois lois » établies de 1609 à 16l9note 30. Avec Huygens la géométrie devient la partie centrale de la science astronomique, faisant écho aux mots de Galilée se paraphrasant par l'expression : « le livre du monde est écrit en mathématique »50.
Avec tous ces astronomes, et en l'espace d'un siècle et demi (jusqu'aux Principia de Newton en 1687), la représentation de l'univers passe d'un « monde clos à un monde infini » selon l'expression d'Alexandre Koyrénote 31.
[modifier] De l'alchimie à la chimie
Articles détaillés : Alchimie et Histoire de la chimie.
Art ésotérique depuis l'Antiquité, l'alchimie est l'ancêtre de la physique au sens d'observation de la matière. Selon Serge Hutin, docteur ès Lettres spécialiste de l'alchimie, les « rêveries des occultistes » bloquèrent néanmoins le progrès scientifique, surtout au XVIe siècle et au XVIIe siècle51. Il retient néanmoins que ces mirages qui nourrirent l'allégorie alchimique ont considérablement influencé la pensée scientifique. L'expérimentation doit ainsi beaucoup aux laboratoires des alchimistes, qui découvrirent de nombreux corps que répertoriés plus tard par la chimie : l'antimoine, l'acide sulfurique ou le phosphore par exemple. Les instruments des alchimistes furent ceux des chimistes modernes, l'alambic par exemple. Selon Serge Hutin, c'est surtout sur la médecine que l'alchimie eut une influence notable, par l'apport de médications minérales et par l'élargissement de la pharmacopée52.
En dépit de ces faits historiques, le passage de l'alchimie à la chimie demeure complexe. Pour le chimiste Jean-Baptiste Dumas : « La chimie pratique a pris naissance dans les ateliers du forgeron, du potier, du verrier et dans la boutique du parfumeur »53. « L'alchimie n'a donc pas joué le rôle unique dans la formation de la chimie ; il n'en reste pas moins que ce rôle a été capital ». Pour la conscience populaire, ce sont les premiers chimistes modernes — comme Antoine Laurent de Lavoisier surtout, au XVIIIe siècle, qui pèse et mesure les éléments chimiques — qui consomment le divorce entre chimie et alchimie. De nombreux philosophes et savants sont ainsi soit à l'origine des alchimistes (Roger Bacon ou Paracelse), soit s'y intéressent, tels Francis Bacon54 et même, plus tard Isaac Newton. Or, « c'est une erreur de confondre l'alchimie avec la chimie. La chimie moderne est une science qui s'occupe uniquement des formes extérieures dans lesquelles l'élément de la matière se manifeste [alors que] (...) L'alchimie ne mélange ou ne compose rien » selon F. Hartmann, pour qui elle est davantage comparable à la botanique55. En somme, bien que les deux disciplines soient liées, par l'histoire et leurs acteurs, la différence réside dans la représentation de la matière : combinaisons chimiques pour la chimie, manifestations du monde inanimé comme phénomènes biologiques pour l'alchimie. Pour Bernard Vidal, l'alchimie a surtout « permis d'amasser une connaissance manipulatoire, pratique, de l'objet chimique (...) L'alchimiste a ainsi commencé à débroussailler le champ d'expériences qui sera nécessaire aux chimistes des siècles futurs »56.
La chimie naît ainsi comme discipline scientifique avec Andreas Libavius (1550 - 1616) qui publie le premier recueil de chimie, en lien avec la médecine et la pharmacie (il classifie les composés chimiques et donne les méthodes pour les préparer) alors que plus tard Nicolas Lémery (1645 - 1715) publiera le premier traité de chimie faisant autorité avec son Cours de chimie, contenant la manière de faire les opérations qui sont en usage dans la médecine, par une méthode facile, avec des raisonnements sur chaque opération, pour l’instruction de ceux qui veulent s’appliquer à cette science en 1675. Johann Rudolph Glauber (1604 - 1668) ou Robert Boyle apportent quant à eux de considérables expérimentations portant sur les éléments chimiques57.
[modifier] Émergence de la physiologie moderne
Articles détaillés : Histoire de la biologie# et Renaissance.
Les découvertes médicales et les progrès effectués dans la connaissance de l’anatomie, en particulier après la première traduction de nombreuses œuvres antiques d’Hippocrate et de Galien aux XVe siècle et XVIe siècle permettent des avancées en matière d'hygiène et de lutte contre la mortalité. André Vésale jette ainsi les bases de l'anatomie moderne alors que le fonctionnement de la circulation sanguine est découverte par Michel Servet et les premières ligatures des artères sont réalisées par Ambroise Paré.
[modifier] Diffusion du savoir
Le domaine des techniques progresse considérablement grâce à l’invention de l’imprimerie par Johannes Gutenberg au XVe siècle, invention qui bouleverse la transmission du savoir. Le nombre de livres publiés devient ainsi exponentiel, la scolarisation de masse est possible, par ailleurs les savants peuvent débattre par l'intermédiaire des comptes-rendus de leurs expérimentations. La science devient ainsi une communauté de savants. Les académies des sciences surgissent, à Londres, Paris, Saint-Petersbourg et Berlin.
Les journaux et périodiques prolifèrent, tels le Journal des sçavans, Acta Eruditorum, Mémoires de Trevoux etc. mais les domaines du savoir y sont encore mêlés et ne constituent pas encore totalement des disciplines. La science, bien que s'institutionnalisant, fait encore partie du champ de l'investigation philosophique. Michel Blay dit ainsi : « il est très surprenant et finalement très anachronique de séparer, pour la période classique, l'histoire des sciences de l'histoire de la philosophie, et aussi de ce que l'on appelle l'histoire littéraire. »58


Galileo and Viviani, par Tito Lessi (1892).
Au final la Renaissance permet, pour les disciplines scientifiques de la matière, la création de disciplines et d'épistémologies distinctes mais réunies par la scientificité, elle-même permise par les mathématiques, car, selon l'expression de Pascal Brioist : « la mathématisation d’une pratique conduit à lui donner le titre spécifique de science »59. Michel Blay voit ainsi dans les débats autour de concepts clés, comme ceux d'absolu ou de mouvement, de temps et d'espace, les éléments d'une science classique.
[modifier] Les « Lumières » et les grands systèmes scientifiques
Au XVIIe siècle, la « révolution scientifique »60 est permise par la mathématisation de la science. Les universités occidentales avaient commencé à apparaître au XIe siècle, mais ce n'est qu'au cours du XVIIe siècle qu'apparaissent les autres institutions scientifiques, notamment l'Accademia dei Lincei, fondée en 1603 (ancêtre de l'Académie pontificale des sciences), les académies des sciences, les sociétés savantes. Les sciences naturelles et la médecine surtout se développèrent durant cette période61.
[modifier] L'Encyclopédie
Un second changement important dans le mouvement des Lumières par rapport au siècle précédent trouve son origine en France, avec les Encyclopédistes. Ce mouvement intellectuel défend l’idée qu’il existe une architecture scientifique et morale du savoir. Le philosophe Denis Diderot et le mathématicien d’Alembert publient en 1751 l’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers qui permet de faire le point sur l'état du savoir de l'époque. L'Encyclopédie devient ainsi un hymne au progrès scientifiquenote 32.


La Planche 1-143 de l'Encyclopédie représentant l'anatomie humaine.
Avec l'Encyclopédie naît également la conception classique que la science doit son apparition à la découverte de la méthode expérimentale. Jean le Rond D'Alembert explique ainsi, dans le Discours préliminaire de l'Encyclopédie (1759) que :
« Ce n'est point par des hypothèses vagues et arbitraires que nous pouvons espérer de connaître la nature, c'est (...) par l'art de réduire autant qu'il sera possible, un grand nombre de phénomènes à un seul qui puisse en être regardé comme le principe (...). Cette réduction constitue le véritable esprit systématique, qu'il faut bien se garder de prendre pour l'esprit de système62 »
[modifier] Rationalisme et science moderne
Article détaillé : Rationalisme.
La période dite des Lumières initia la montée du courant rationaliste, provenant de René Descartes puis des philosophes anglais, comme Thomas Hobbes et David Hume, qui adoptèrent une démarche empiriquenote 33, mettant l’accent sur les sens et l’expérience dans l’acquisition des connaissances, au détriment de la raison pure. Des penseurs, également scientifiques (comme Gottfried Wilhelm von Leibniz, qui développa les mathématiques et le calcul infinitésimal, ou Emmanuel Kant, le baron d'Holbach, dans son Système de la nature, dans lequel il soutient l’athéisme contre toute conception religieuse ou déiste, le matérialisme et le fatalisme c'est-à-dire le déterminisme scientifique, ou encore Pierre Bayle avec ses Pensées diverses sur la comètenote 34) firent de la Raison (avec une majuscule) un culte au progrès et au développement social. Les découvertes d'Isaac Newton, sa capacité à confronter et à assembler les preuves axiomatiques et les observations physiques en un système cohérent donnèrent le ton de tout ce qui allait suivre son exemplaire Philosophiae Naturalis Principia Mathematica. En énonçant en effet la théorie de la gravitation universelle, Newton inaugura l'idée d'une science comme discours tendant à expliquer le monde, considéré comme rationnel car ordonné par des lois reproductibles.
L'avènement du sujet pensant, en tant qu'individu qui peut décider par son raisonnement propre et non plus sous le seul joug des us et coutumes, avec John Locke, permet la naissance des sciences humaines, comme l'économie, la démographie, la géographie ou encore la psychologie.
[modifier] Naissance des grandes disciplines scientifiques


Carl Von Linné.
La majorité des disciplines majeures de la science se consolident, dans leurs épistémologies et leurs méthodes, au XVIIIe siècle. La botanique apparaît avec Carl von Linné qui publie en 1753 Species plantarum, point du départ du système du binôme linnéen et de la nomenclature botaniquenote 35. La chimie naît par ailleurs avec Antoine Laurent de Lavoisier qui énonce en 1778 la loi de conservation de la matière, identifie et baptise l'oxygène. Les sciences de la terre font aussi leur apparition. Comme discipline, la médecine progresse également avec la constitution des examens cliniques et les premières classification des maladies par William Cullen et François Boissier de Sauvages de Lacroix.
[modifier] XIXe siècle
La biologie connaît au XIXe siècle de profonds bouleversements avec la naissance de la génétique, suite aux travaux de Gregor Mendel, le développement de la physiologie, l'abandon du vitalisme suite à la synthèse de l'urée qui démontre que les composés organiques obéissent aux mêmes lois physico-chimique que les composés inorganiques. L'opposition entre science et religion se renforce avec la parution de L'Origine des espèces en 1859 de Charles Darwin. Les sciences humaines naissent, la sociologie avec Auguste Comte, la psychologie avec Charcot et Wilhelm Maximilian Wundt.
[modifier] Claude Bernard et la méthode expérimentale


Claude Bernard.
Claude Bernard (1813-1878) est un médecin et physiologiste, connu pour l'étude du syndrome de Claude Bernard-Horner. Il est considéré comme le fondateur de la médecine expérimentalenote 36. Il rédige la première méthode expérimentale, considérée comme le modèle à suivre de la pratique scientifique. Il énonce ainsi les axiomes de la méthode médicale dans son Introduction à l'étude de la médecine expérimentale (1865) et en premier lieu l'idée que l'observation doit réfuter ou valider la théorie :
« La théorie est l’hypothèse vérifiée après qu’elle a été soumise au contrôle du raisonnement et de la critique. Une théorie, pour rester bonne, doit toujours se modifier avec le progrès de la science et demeurer constamment soumise à la vérification et la critique des faits nouveaux qui apparaissent. Si l’on considérait une théorie comme parfaite, et si on cessait de la vérifier par l’expérience scientifique, elle deviendrait une doctrine63 »
.
[modifier] Révolution Industrielle
Article détaillé : Révolution industrielle.


Un des premiers microscopes.
Les Première et Seconde Révolutions Industrielles sont marquées par de profonds bouleversements économiques et sociaux, permis par les innovations et découvertes scientifiques et techniques. La vapeur, puis l'électricité comptent parmi ces progrès notables qui ont permis l'amélioration des transports et de la production. Les instruments scientifiques sont plus nombreux et plus sûrs, tels le microscope (à l'aide duquel Louis Pasteur découvre les microbes) ou le télescope se perfectionnent. La physique acquiert ses principales lois, notamment avec James Clerk Maxwell qui, énonce les principes de la théorie cinétique des gaz ainsi que l'équation d'onde fondant l'électromagnétisme. Ces deux découvertes permirent d'importants travaux ultérieurs notamment en relativité restreinte et en mécanique quantique. Il esquisse ainsi les fondements des sciences du XXe siècle, notamment les principes de la physique des particules, à propos de la nature de la lumière.
[modifier] Une science « post-industrielle »
Tout comme le XIXe siècle, le XXe siècle connaît une accélération importante des découvertes scientifiques. On note l'amélioration de la précision des instruments, qui eux-mêmes reposent sur les avancées les plus récentes de la science ; l'informatique qui se développe à partir des années 1950 et permet un meilleur traitement d'une masse d'informations toujours plus importante et aboutit à révolutionner la pratique de la recherche, est un de ces instruments.
Les échanges internationaux des connaissances scientifiques sont de plus en plus rapides et faciles (ce qui se traduit par des enjeux linguistiques) ; toutefois, les découvertes les plus connues du XXe siècle précèdent la véritable mondialisation et l'uniformisation linguistique des publications scientifiques. En 1971 la firme Intel met au point le premier micro-processeur et en 1976 Apple commercialise le premier ordinateur de bureau. Dans La Société post-industrielle. Naissance d'une société d'Alain Touraine, le sociologue présente les caractéristique d'une science au service de l'économie et de la prospérité matérielle.
[modifier] Complexification des sciences
De « révolutions scientifiques »64 en révolutions scientifiques, la science vit ses disciplines se spécialiser. La complexification des sciences explosa au XXe siècle, conjointement à la multiplication des champs d'étude. Parallèlement, les sciences viennent à se rapprocher voire à travailler ensemble. C'est ainsi que, par exemple, la biologie fait appel à la chimie et à la physique, tandis que cette dernière utilise l'astronomie pour confirmer ou infirmer ses théories (c'est l'astrophysique). Les mathématiques deviennent le « langage » commun des sciences ; les applications étant multiples. Le cas de la biologie est exemplaire. Elle s'est divisée en effet en de nombreuses branches : en biologie moléculaire, biochimie, biologie génétique, agrobiologie, etc.


L'informatique, l'innovation majeure du XXe siècle, a apporté une précieuse assistance aux travaux de recherche.
La somme des connaissances devient telle qu'il est impossible pour un scientifique de connaître parfaitement plusieurs branches de la science. C'est ainsi qu'ils se spécialisent de plus en plus et pour contrebalancer cela, le travail en équipe devient la norme. Cette complexification rend la science de plus en plus abstraite pour ceux qui ne participent pas aux découvertes scientifiques, en dépit de programmes nationaux et internationaux (sous l'égide de l'ONU, avec l'UNESCO - pour United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization) de vulgarisation des savoirs.
[modifier] Développement des sciences humaines
Le siècle est également marqué par le développement des sciences humaines65. Institutionnalisées dans la séparation que l'université française fait entre les facultés de sciences et médecine d'une part, et celles de lettres, droit et sciences humaines d'autre part, les sciences humaines comportent de nombreuses disciplines comme l'anthropologie, la sociologie, l'ethnologie, l'histoire, la psychologie, la biologie, la linguistique, la morale, l'archéologie, l'économie entre autres.
Les sciences cognitives proposent un modèle expliquant les facultés mentales ainsi que le comportement humain. La psychanalyse et les autres pratiques thérapeutiques naissent des grands courants théoriques.
[modifier] Éthique et science : l'avenir de la science au XXIe siècle
Le XXIe siècle est caractérisé par une accélération des découvertes de pointe, comme la nanotechnologie. Par ailleurs, au sein des sciences naturelles, la génétique promet des changements sociaux ou biologiques sans précédents. L'informatique est par ailleurs à la fois une science et un instrument de recherche puisque la simulation informatique permet d'expérimenter des modèles toujours plus complexes et gourmands en termes de puissance de calcul. La science se démocratise d'une part : des projets internationaux voient le jour (lutte contre le SIDA et le cancer, programme SETI, astronomie, détecteurs de particules etc.) ; d'autre part la vulgarisation scientifique permet de faire accéder toujours plus de personnes au raisonnement et à la curiosité scientifique.


Une application nanotechnologique.
L'éthique devient une notion concomitante à celle de science. Les nanotechnologies et la génétique surtout posent les problèmes de société futurs, à savoir, respectivement, les dangers des innovations pour la santé, et la manipulation du patrimoine héréditaire de l'homme. Les pays avancés technologiquement créent ainsi des organes institutionnels chargé d'examiner le bien-fondé des applications scientifiques. Par exemple, des lois bioéthiques se mettent en place à travers le monde, mais pas partout de la même manière, étant très liées aux droits locaux. En France, le Comité Consultatif National d'Éthique est chargé de donner un cadre légal aux découvertes scientifiquesnote 37.
[modifier] Classification des sciences
On distingue les sciences humaines et sociales des sciences de la nature. Les premières, comme la sociologie, portent sur l'étude des phénomènes liés à l'action humaine, les secondes, comme la physique, portent sur l'étude des phénomènes naturels. Plus récemment, quelques auteurs, comme Herbert Simonnote 38, ont évoqué l'apparition d'une catégorie intermédiaire, celle des sciences de l'artificiel, qui portent sur l'étude de systèmes créés par l'homme - artificiels - mais qui présentent un comportement indépendant ou relativement de l'action humaine. Il s'agit par exemple des sciences de l'ingénieur. On peut également distinguer les sciences empiriques, qui portent sur l'étude des phénomènes accessibles par l'observation et l'expérimentation, des sciences logico-formelles, comme la logique ou les mathématiques, qui portent sur des entités purement abstraites. Une autre manière de catégoriser les sciences consiste à distinguer les sciences fondamentales, dont le but premier est de produire des connaissances, des sciences appliquées, qui visent avant tout à appliquer ces connaissances à la résolution de problèmes concrets. D'autres catégorisations existent, notamment la notion de science exacte ou de science dure. Ces dernières catégorisations, bien que très courantes, sont beaucoup plus discutables que les autres, car elles sont porteuses d'un jugement (certaines sciences seraient plus exactes que d'autres, certaines sciences seraient « molles », c'est-à-dire sans véritable consistance, ...). Il existe aussi une Classification des sciences en poupées russes.
De manière générale, aucune catégorisation n'est complètement exacte ni entièrement justifiable, et les zones épistémologiques entre elles demeurent flouesnote 39. Pour Robert Nadeau : « on reconnaît généralement qu’on peut classer [les sciences] selon leur objet (...), selon leur méthode (...), et selon leur but »66.
[modifier] Sciences fondamentales et appliquées
Articles détaillés : Science fondamentale et Sciences appliquées.
Les « sciences fondamentales » visent prioritairement l'acquisition de connaissances nouvelles. Cette classification première repose sur la notion d'utilité : certaines sciences produisent des connaissances en sorte d’agir sur le monde (les sciences appliquées), c’est-à-dire dans la perspective d’un objectif pratique, tandis que d'autres (les sciences fondamentales) visent prioritairement l’acquisition de connaissances nouvelles abstraites. Néanmoins, cette limite est floue. Les mathématiques, la physique ou la biologie peuvent ainsi aussi bien être fondamentales qu'appliquées, selon le contexte. Les sciences appliquées (qu'il ne faut pas confondre avec la technique en tant qu'application de connaissances empiriques) produisent des connaissances en sorte d'agir sur le monde, c'est-à-dire dans la perspective d'un objectif pratique, économique ou industriel.


Un groupe de chercheurs travaillant sur une expérience.
Certaines disciplines restent cependant plus ancrées dans un domaine que dans un autre. La cosmologie est par exemple une science exclusivement fondamentale. L'astronomie est également une discipline qui relève dans une grande mesure de la science fondamentale. La médecine, la pédagogie ou l'ingénierie sont au contraire des sciences essentiellement appliquées (mais pas exclusivement). Sciences appliquées et sciences fondamentales ne sont pas cloisonnées. Les découvertes issues de la science fondamentale trouvent des fins utiles (exemple : le laser et son application au son numérique sur CD-ROM). De même, certains problèmes techniques mènent parfois à de nouvelles découvertes en science fondamentale. Ainsi, les laboratoires de recherche et les chercheurs peuvent faire parallèlement de la recherche appliquée et de la recherche fondamentale. Par ailleurs, la recherche en sciences fondamentales utilise les technologies issues de la science appliquée, comme la microscopie, les possibilités de calcul des ordinateurs par la simulation numérique, par exemple.
Par ailleurs, les mathématiques sont souvent considérées comme autre chose qu'une science, en partie parce que la vérité mathématique n'a rien à voir avec la vérité des autres sciences. L'objet des mathématiques est en effet interne à cette discipline. Ainsi, sur cette base, les mathématiques appliquées souvent perçus davantage comme une branche mathématique au service d'autres sciences (comme le démontrent les travaux du mathématicien Jacques-Louis Lions qui explique : « Ce que j'aime dans les mathématiques appliquées, c'est qu'elles ont pour ambition de donner du monde des systèmes une représentation qui permette de comprendre et d'agir ») seraient bien plutôt sans finalité pratique. A contrario, les mathématiques possèdent un nombre important de branches, d'abord abstraites, s'étant développées au contact avec d'autres disciplines comme les statistiques, la théorie des jeux, la logique combinatoire, la théorie de l'information, la théorie des graphes entre autres exemples, autant de branches qui ne sont pas catalogués dans les mathématiques appliquées mais qui pourtant irriguent d'autres branches scientifiques.
[modifier] Sciences nomothétiques et idiographiques
Un classement des sciences peut s'appuyer sur les méthodes mise en œuvre. Une première distinction de cet ordre peut être faite entre les sciences nomothétiques et les sciences idiographiques :
les sciences nomothétiques cherchent à établir des lois générales pour des phénomènes susceptibles de se reproduire. On y retrouve la physique et la biologie, mais également des sciences humaines ou sociales comme l'économie, la psychologie ou même la sociologie.
les sciences idiographiques s'occupent au contraire du singulier, de l'unique, du non récurrent. L'exemple de l'histoire montre qu'il n'est pas absurde de considérer que le singulier peut être justiciable d'une approche scientifique.


Wilhelm Windelband.
C'est à Wilhelm Windelband, philosophe allemand du XIXe siècle que l'on doit la première ébauche de cette distinction, la réflexion de Windelband portant sur la nature des sciences sociales. Dans son Histoire et science de la nature (1894), il soutient que l'opposition entre sciences de la nature et de l'esprit repose sur une distinction de méthode et de « formes d'objectivation »67 Jean Piaget reprendra le vocable de nomothétique pour désigner les disciplines cherchant à dégager des lois ou des relations quantitatives en utilisant des méthodes d'expérimentation stricte ou systématique. Il cite la psychologie scientifique, la sociologie, la linguistique, l'économie et la démographie. Il distingue ces disciplines des sciences historiques, juridiques et philosophiques68.
[modifier] Sciences empiriques et logico-formelles
Articles détaillés : Science empirique et Science formelle.
Une catégorisation a été proposé par l'épistémologie, distinguant les « sciences empiriques » et les « sciences logico-formelles ». Leur point commun reste les mathématiques et leur usage dans les disciplines liées ; cependant, selon les mots de Gilles-Gaston Granger, « la réalité n'est pas aussi simple. Car, d'une part, c'est souvent à propos de questions posées par l'observation empirique que des concepts mathématiques ont été dégagés ; d'autre part, si la mathématique n'est pas une science de la nature, elle n'en a pas moins de véritables objets »69. Selon Léna Soler, dans son Introduction à l’épistémologie, distingue d’une part les sciences formelles des sciences empiriques, d’autre part les sciences de la natures des sciences humaines et sociale70.
les sciences dites empiriques portent sur le monde empiriquement accessible, sensible (accessible par les sens donc). Elles regroupent : les sciences de la nature, qui ont pour objet d'étude les phénomènes naturels ; les sciences humaines, qui ont pour objet d'étude l'Homme et ses comportements individuels et collectifs, passés et présents ;
de leur côté, les sciences logico-formelles (ou sciences formelles) explorent par la déduction, selon des règles de formation et de démonstration, des systèmes axiomatiques. Il s'agit par exemple des mathématiques ou de la logiquenote 40
[modifier] Sciences de la nature et sciences humaines et sociales
Articles détaillés : Sciences de la nature et Sciences humaines et sociales.
Selon Gilles-Gaston Granger, il existe une autre sorte d'opposition épistémologique, distinguant d'une part les sciences de la nature, qui ont des objets émanant du monde sensible, mesurables et classables ; d'autre part les sciences de l'homme aussi dites sciences humaines, pour lesquelles l'objet est abstrait. Gilles-Gaston Granger récuse par ailleurs de faire de l'étude du phénomène humain une science proprement dite71.
les sciences humaines et sociales sont celles qui ont pour objet d'étude les hommes, les sociétés, leur histoire, leurs cultures, leurs réalisations et leurs comportements ;
les sciences de la nature, ou sciences naturelles (« Natural science » en anglais) ont pour objet le monde naturel, la Terre et l'Univers.
L'opposition traditionnelle entre sciences humaines et sciences naturelles repose sur celle entre nature et culture.
[modifier] Disciplines scientifiques
Article détaillé : Liste des disciplines scientifiques.
La sciences peut être organisée en grandes disciplines scientifiques, notamment : mathématiques, chimie, biologie, physique, mécanique, optique, pharmacie, médecine, astronomie, archéologie, économie, sociologie. Les disciplines ne se distinguent pas seulement par leurs méthodes ou leurs objets, mais aussi par leurs institutions : revues, sociétés savantes, chaires d'enseignement, ou même leurs diplômes.


Un laboratoire à l'institut de biochimie de Cologne.
La pratique retient néanmoins trois classements :
1. les sciences formelles (ou Sciences logico-formelles) ;
2. les sciences naturelles ;
3. les sciences humaines et sociales.
Le sens commun associe une discipline à un objet. Par exemple la sociologie s’occupe de la société, la psychologie de la pensée, la physique s’occupe de phénomènes mécaniques, thermiques, la chimie s’occupe des réactions de la matière. La recherche moderne montre néanmoins l’absence de frontière et la nécessité de développer des transversalités ; par exemple, pour certaines disciplines on parle de « physico-chimique » ou de « chimio-biologique », expressions qui permettent de montrer les liens forts des spécialités entre elles. Une discipline est au final définie par l’ensemble des référentiels qu’elle utilise pour étudier un ensemble d’objets, ce qui forme sa scientificité. Néanmoins, ce critère n'est pas absolu.
Pour le sociologue Raymond Boudon, il n'existe pas une scientificité unique et transdisciplinaire. Il s’appuie ainsi sur la notion d’« airs de famille », notion déjà théorisée par le philosophe Ludwig Wittgenstein selon laquelle il n'existe que des ressemblances formelles entre les sciences, sans pour autant en tirer une règle générale permettant de dire ce qu'est « la science ». Raymond Boudon, dans L’art de se persuader des idées douteuses, fragiles ou fausses72 explique que le relativisme « s'il est une idée reçue bien installée […], repose sur des bases fragiles » et que, contrairement à ce que prêche Feyerabend, « il n'y a pas lieu de congédier la raison ».
[modifier] Raisonnement scientifique
[modifier] Type formel pur
Article détaillé : Logique.
Selon Emmanuel Kant la logique formelle est « science qui expose dans le détail et prouve de manière stricte, uniquement les règles formelles de toute pensée ». Les mathématiques et la logique formalisées composent ce type de raisonnement. Cette classe se fonde par ailleurs sur deux principes constitutifs des systèmes formels : l'axiome et les règles de déduction ainsi que sur la notion de syllogisme, exprimée par Aristote le premier73 et liée au « raisonnement déductif » (on parle aussi de raisonnement « hypothético-déductif »), qu'il expose dans ses Topiques74 et dans son traité sur la logique : Les Analytiques. Il s'agit également du type qui est le plus adéquat à la réalité, celui qui a fait le plus ses preuves, par la technique notamment. Le maître-mot du type formel pur est la démonstration logique et non-contradictoire (entendu comme la démonstration qu'on ne pourra dériver dans le système étudié n'importe quelle proposition)75. En d'autres termes, il ne s'agit pas à proprement parler d'un raisonnement sur l'objet mais bien plutôt d'une méthode pour traiter les faits au sein des démonstrations scientifiques et portant sur les propositions et les postulats.
On distingue ainsi dans ce type deux disciplines fondamentales :
1. la logique de la déduction naturelle ;
2. la logique combinatoire.
Le type formel fut particulièrement développée au XXe siècle, avec le logicisme et la philosophie analytique. Bertrand Russell développe en effet une « méthode atomique » (ou atomisme logique) qui s’efforce de diviser le langage en ses parties élémentaires, ses structures minimales, la phrase simple en somme. Wittgenstein projetait en effet d’élaborer un langage formel commun à toutes les sciences permettant d'éviter le recours au langage naturel, et dont le calcul propositionnel représente l'aboutissement. Cependant, en dépit d'une stabilité épistémologique propre, a contrario des autres types, le type formel pur est également largement tributaire de l'historicité des sciences76
[modifier] Type empirico-formel
Articles détaillés : Empirisme, Modèle, Théorie et expérimentation.
Le modèle de ce type, fondé sur l'empirisme, est la physique. L'objet est ici concret et extérieur, non construit par la discipline (comme dans le cas du type formel pur). Ce type est en fait la réunion de deux composantes :
d'une part il se fonde sur la théorique formelle, les mathématiques (la physique fondamentale par exemple) ;
d'autre part la dimension expérimentale est complémentaire (la méthode scientifique).


Expérience démontrant la viscosité du bitume.
Le type empirico-formel progresse ainsi de la théorie — donnée comme a priori — à l'empirie, puis revient sur la première via un raisonnement circulaire destiné à confirmer ou réfuter les axiomes. Le « modèle » est alors l'intermédiaire entre la théorie et la pratique. Il s'agit d'une schématisation permettant d'éprouver ponctuellement la théorie. La notion de « théorie » est depuis longtemps centrale en philosophie des sciences, mais elle est remplacée, sous l'impulsion empiriste, par celle de modèle, dès le milieu du XXe sièclenote 41. L'expérience (au sens de mise en pratique) est ici centrale, selon l'expression de Karl Popper : « Un système faisant partie de la science empirique doit pouvoir être réfuté par l'expérience »77.
Parmi les sciences empiriques, on distingue deux grandes familles de sciences : les sciences de la nature et les sciences humaines. Néanmoins, l'empirisme seul ne permet pas, en se coupant de l'imagination, d'élaborer des théories novatrices, fondées sur l'intuition du scientifique, permettant de dépasser des contradictions que la simple observation des faits ne pourrait résoudrenote 42.
Il existe néanmoins des débats quant à la nature empirique de certaines sciences humains, comme l'économienote 43 ou l'histoire, qui ne reposent pas sur une méthode totalement empirique, l'objet étant virtuel dans les deux disciplines.
[modifier] Type herméneutique
Articles détaillés : Herméneutique et Phénoménologie (science).
Les sciences herméneutiques (du grec hermeneutikè, « art d'interpréter ») décodent les signes naturels et établissent des interprétations. Ce type de discours scientifique est caractéristique des sciences humaines, où l'objet est l'homme. Dans la méthode herméneutique, les effets visibles sont considérés comme un texte à décoder, à la signification cachée. La phénoménologie est ainsi l'explication philosophique la plus proche de ce type78, qui regroupe, entre autres, la sociologie, la linguistique, l'économie, l'ethnologie, la théorie des jeux, etc. Il peut s'agir dès lors de deux catégories de discours :
1. l'intention première est alors l'objet de la recherche herméneutique, exemple : dans la psychologie ;
2. l'interprétation est aussi possible : la théorie prévoit les phénomènes, simule les relations et les effets mais l'objet reste invisible (cas de la psychanalyse).
Par rapport aux deux autres types formels, le statut scientifique du type herméneutique est contesté par les tenants d'une science mathématique, dite « dure ».


Wilhelm Dilthey.
À la conception de l’unité de la science postulée par le positivisme tout un courant de pensée va, à la suite de Wilhelm Dilthey (1833-1911), affirmer l’existence d’une coupure radicale entre les sciences de la nature et les sciences de l’esprit. Les sciences de la nature ne cherchent qu'à expliquer leur objet, tandis que les sciences de l'homme, et l'histoire en particulier, demandent également à comprendre de l'intérieur et donc à prendre en considération le vécu. Ces dernières ne doivent pas adopter la méthode en usage dans les sciences de la nature car elles ont un objet qui lui est totalement différent. Les sciences sociales doivent être l'objet d'une introspection, ce que Wilhelm Dilthey appelle une « démarche herméneutique », c’est-à-dire une démarche d’interprétation des manifestations concrets de l’esprit humain. Le type herméneutique marque le XXe siècle, avec des auteurs comme Hans-Georg Gadamer qui publia en 1960, Vérité et Méthode qui, s'opposant à l'empirisme tout-puissant, affirme que « la méthode ne suffit pas »note 44.
[modifier] Scientificité
La scientificité est la qualité des pratiques et des théories qui cherchent à établir des régularités reproductibles, mesurables et réfutables dans les phénomènes par le moyen de la mesure expérimentale, et à en fournir une représentation explicite.
Plus généralement, c'est le « caractère de ce qui répond aux critères de la science »79. De manière générale à toutes les sciences, la méthode scientifique repose sur quatre critères :
1. elle est systématique (le protocole doit s'appliquer à tous les cas, de la même façon) ;
2. elle fait preuve d'objectivité (c'est le principe du « double-aveugle » : les données doivent être contrôlées par des collègues chercheurs - c'est le rôle de la publication) ;
3. elle est rigoureuse, testable (par l'expérimentation et les modèles scientifiques) ;
4. et enfin, elle doit être cohérente (les théories ne doivent pas se contredire, dans une même discipline).
Néanmoins, chacun de ces points est problématique, et les questionnements de l'épistémologie portent principalement sur les critères de scientificité. Ainsi, concernant la cohérence interne aux disciplines, l'épistémologue Thomas Samuel Kuhn bat en brèche ce critère de scientificité, en posant que les paradigmes subissent des « révolutions scientifiques » : un modèle n'est valable tant qu'il n'est pas remis en cause. Le principe d'objectivité, qui est souvent présenté comme l'apanage de la science, est, de même, source d'interrogations, surtout au sein des sciences humaines. La psychanalyse par exemple n'est ainsi pas acceptée comme science pour les tenants de la scientificité. Karl Popper comme Ludwig Wittgenstein lui ont refusé ce statut en raison de son caractère non réfutable par l'expérience. Popper ajoute, dans La Logique de la découverte scientifique (1934) que « l'attitude scientifique [est] l'attitude critique », ce qui forme le noyau de la scientificité.


La scientificité ne se limite pas à l'observation.
Pour le sociologue de la science Roberto Miguelez : « Il semble bien que l'idée de la science suppose, premièrement, celle d'une logique de l'activité scientifique ; deuxièmement, celle d'une syntaxe du discours scientifique. En d'autres termes, il semble bien que, pour pouvoir parler de la science, il faut postuler l'existence d'un ensemble de règles - et d'un seul - pour le traitement des problèmes scientifiques - ce qu'on appellera alors « la méthode scientifique » -, et d'un ensemble de règles - et d'un seul - pour la construction d'un discours scientifique »80. La sociologie des sciences étudie en effet de plus en plus les critères de scientificité, au sein de l'espace social scientifique, passant d'une vision interne, celle de l'épistémologie, à une vision davantage globale.
[modifier] Scientifique et méthode scientifique
Articles détaillés : Méthode scientifique et Évaluation de la recherche scientifique.
La « méthode scientifique » (grec ancien méthodos, « poursuite, recherche, plan ») est « l'ensemble des procédés raisonnés pour atteindre un but ; celui-ci peut être de conduire un raisonnement selon des règles de rectitude logique, de résoudre un problème de mathématique, de mener une expérimentation pour tester une hypothèse scientifique. »81. Elle est étroitement liée à l'histoire des sciencesnote 45. La méthode scientifique suit par ailleurs quatre opérations distinctes :
[modifier] Expérimentation
Article détaillé : Expérimentation.


Thomas Edison dans son laboratoire (1901).
L'« expérimentation » est une méthode scientifique qui consiste à tester par des expériences répétées la validité d'une hypothèse et à obtenir des données quantitatives permettant de l'affiner. Elle repose sur des protocoles expérimentaux permettant de normaliser la démarche. La physique ou la biologie reposent sur une démarche active du scientifique qui construit et contrôle un dispositif expérimental reproduisant certains aspects des phénomènes naturels étudiés. La plupart des sciences emploient ainsi la méthode expérimentale, dont le protocole est adapté à son objet et à sa scientificité. De manière générale, une expérience doit apporter des précisions quantifiées (ou statistiques) permettant de réfuter ou étayer le modèle. Les résultats des expériences ne sont pas toujours quantifiables, comme dans les sciences humaines. L'expérience doit ainsi pouvoir réfuter les modèles théoriques.
L'expérimentation a été mise en avant par le courant de l'empirisme. Néanmoins, le logicien et scientifique Charles Sanders Peirce (1839-1914), et plus tard mais indépendamment82, l'épistémologue Karl Popper (1902-1994), lui opposent l'abduction (ou méthode par conjecture et réfutation) comme étape première de la recherche scientifique. L'abduction (ou conjecture) est un procédé consistant à introduire une règle à titre d’hypothèse afin de considérer ce résultat comme un cas particulier tombant sous cette règle. Elle consiste en l'invention a priori d'une conjecture précédant l'expérience. En somme, cela signifie que l'induction fournit directement la théorie, alors que dans le processus abductif la théorie est inventée avant l'expérience et cette dernière ne fait que répondre par l'affirmative ou par la négative à l'hypothèse.
[modifier] Observation
Article détaillé : Observation.


L'observation scientifique passe par des instruments, ici des alambics pour la chimie.
L’« observation » est l’action de suivi attentif des phénomènes, sans volonté de les modifier, à l’aide de moyens d’enquête et d’étude appropriés. Les scientifiques y ont recours principalement lorsqu'ils suivent une méthode empirique. C'est par exemple le cas en astronomie ou en physique. Il s'agit d'observer le phénomène ou l'objet sans le dénaturer, ou même interférer avec sa réalité. Certaines sciences, comme la physique quantique ou la psychologie, prennent en compte l'observation comme un paradigme explicatif à part entière, influençant le comportement de l'objet observé. La philosophe Catherine Chevalley résume ainsi ce nouveau statut de l'observation : « Le propre de la théorie quantique est de rendre caduque la situation classique d’un « objet » existant indépendamment de l’observation qui en est faite ».
La science définit la notion d’observation dans le cadre de l’approche objective de la connaissance, observation permise par une mesure et suivant un protocole fixé d'avance.
[modifier] Théorie et modèle
Une « théorie » (du grec theoria soit « vision du monde ») est un modèle ou un cadre de travail pour la compréhension de la nature et de l'humain. En physique, le terme de théorie désigne généralement le support mathématique, dérivé d'un petit ensemble de principes de base et d'équations, permettant de produire des prévisions expérimentales pour une catégorie donnée de systèmes physiques. Un exemple est la « théorie électromagnétique », habituellement confondue avec l'électromagnétisme classique, et dont les résultats spécifiques sont obtenus à partir des équations de Maxwell. L’adjectif « théorique » adjoint à la description d'un phénomène indique souvent qu'un résultat particulier a été prédit par une théorie mais qu'il n'a pas encore été observé. La théorie est ainsi bien souvent plus un modèle entre l'expérimentation et l'observation qui reste à confirmer.
La conception scientifique de la théorie devient ainsi une phase provisoire de la méthode expérimentale. Claude Bernard, dans son Introduction à la médecine expérimentale appuie sur le rôle clé des questions et sur l'importance de l'imagination dans la construction des hypothèses, sorte de théories en voie de développement. Le neurobiologiste Jean-Pierre Changeux explique ainsi :
« Le scientifique construit des « modèles » qu'il confronte au réel. Il les projette sur le monde ou les rejette en fonction de leur adéquation avec celui-ci sans toutefois prétendre l'épuiser. La démarche du scientifique est débat critique, « improvisation déconcertante », hésitation, toujours consciente de ses limites83 »
En effet, si l'expérimentation est prépondérante, elle ne suffit pas, conformément à la maxime de Claude Bernard : « La méthode expérimentale ne donnera pas d'idée neuve à ceux qui n'en ont pas. », la théorie et le modèle permettant d'éprouver la réalité a priori.
[modifier] Simulation
Articles détaillés : Simulation de phénomènes et Modèle mathématique.
La « simulation » est la « reproduction artificielle du fonctionnement d'un appareil, d'une machine, d'un système, d'un phénomène, à l'aide d'une maquette ou d'un programme informatique, à des fins d'étude, de démonstration ou d'explication »84. Elle est directement liée à l'utilisation de l'informatique au XXe siècle. Il existe deux types de simulations :


Simulation d'une collision de particules.
1. La modélisation physique consiste spécifiquement à utiliser un autre phénomène physique que celui observé, mais en y appliquant des lois ayant les mêmes propriétés et les mêmes équations. Un modèle mathématique est ainsi une traduction de la réalité pour pouvoir lui appliquer les outils, les techniques et les théories mathématiques. Il y a alors deux types de modélisations : les modèles prédictifs (qui anticipent des événements ou des situations, comme ceux qui prévoient le temps avec la météorologie) et les modèles descriptifs (qui représentent des données historiques).
2. La simulation numérique utilise elle un programme spécifique ou éventuellement un progiciel plus général, qui génère davantage de souplesse et de puissance de calcul. Les simulateurs de vol d’avions par exemple permet d'entraîner les pilotes. En recherche fondamentale les simulations que l'on nomme aussi « modélisations numériques » permettent de reproduire des phénomènes complexes, souvent invisibles ou trop ténus, comme la collision de particules.
[modifier] Publication et littérature scientifique
Articles détaillés : Publication scientifique et Scientométrie.
Le terme de « publication scientifique » regroupe plusieurs types de communications que les chercheurs font de leurs travaux en direction d'un public de spécialistes, et ayant subi une forme d'examen de la rigueur de la méthode scientifique employée pour ces travaux, comme l'examen par un comité de lecture indépendant par exemple. La publication scientifique est donc la validation de travaux par la communauté scientifique. C'est aussi le lieu de débats contradictoires à propos de sujets polémiques ou de discussions de méthodes.
Il existe ainsi plusieurs modes de publications :
les revues scientifiques à comité de lecture ;
les comptes-rendus de congrès scientifique à comité de lecture ;
des ouvrages collectifs rassemblant des articles de revue ou de recherche autour d'un thème donné, coordonnés par un ou plusieurs chercheurs appelés éditeurs ;
des monographies sur un thème de recherche.


Un exemple de publication scientifique : la revue Science and Invention (1928).
Les publications qui entrent dans un des cadres ci-dessus sont généralement les seules considérées pour l'évaluation des chercheurs et les études bibliométriques, à tel point que l'adage « publish or perish » (publier ou périr) est fondé. La scientométrie est en effet une méthode statistique appliquée aux publications scientifiques. Elle est utilisée par les organismes finançant la recherche comme outil d'évaluation. En France, ces indicateurs, tel le facteur d'impact, occupent ainsi une place importante dans la LOLF (pour : Loi Organique relative aux Lois de Finances)note 46. Les politiques budgétaires dévolues aux laboratoires et aux unités de recherche dépendent ainsi souvent de ces indicateurs scientométriques.
[modifier] Épistémologie : le discours sur la science
[modifier] Épistémologie ou philosophie des sciences ?
Article détaillé : épistémologie.
Le vocable d'« épistémologie » remplace celui de philosophie des sciences au début du XXe siècle85. Il s'agit d'un néologisme construit par James Frederick Ferrier, dans son ouvrage Institutes of metaphysics (1854). Le mot est composé sur la racine grecque επιστήμη signifiant « science au sens de savoir et de connaissance » et sur le suffixe λόγος signifiant « le discours ». Ferrier l'oppose au concept antagoniste de l'« agnoiology », ou théorie de l'ignorance. Le philosophe analytique Bertrand Russell l'emploie ensuite, dans son Essai sur les fondements de la géométrie en 1901, sous la définition d'analyse rigoureuse des discours scientifiques, pour examiner les modes de raisonnement qu'ils mettent en œuvre et décrire la structure formelle de leurs théories86. En d'autres mots, les « épistémologues » se concentrent sur la démarche de la connaissance, sur les modèles et les théories scientifiques, qu'ils présentent comme autonomes par rapport à la philosophienote 47.
Jean Piaget87 proposait de définir l’épistémologie « en première approximation comme l’étude de la constitution des connaissances valables », dénomination qui, selon Jean-Louis Le Moigne, permet de poser les trois grandes questions de la discipline :
1. Qu’est ce que la connaissance et quel est son mode d'investigation (c'est la question « gnoséologique ») ?
2. Comment la connaissance est-elle constituée ou engendrée (c'est la question méthodologique) ?
3. Comment apprécier sa valeur ou sa validité (question de sa scientificité) ?
Avant ces investigations, la science était conçue comme un corpus de connaissances et de méthodes, objet d’étude de la Philosophie des sciences, qui étudiait le discours scientifique relativement à des postulats ontologiques ou philosophiques, c'est-à-dire non-autonomes en soi. L'épistémologie permettra la reconnaissance de la science et des sciences comme disciplines autonomes par rapport à la philosophie. Les analyses de la science (l'expression de « métascience » est parfois employée) ont tout d’abord porté sur la science comme corpus de connaissance, et ont longtemps relevé de la philosophie. C'est le cas d'Aristote, de Francis Bacon, de René Descartes, de Gaston Bachelard, du cercle de Vienne, puis de Popper, Quine, Lakatos enfin, parmi les plus importants. L’épistémologie, au contraire, s'appuie sur l'analyse de chaque discipline particulière relevant des épistémologies dites « régionales ». Aurel David explique ainsi que « La science est parvenue à se fermer chez elle. Elle aborde ses nouvelles difficultés par ses propres moyens et ne s'aide en rien des productions les plus élevées et les plus récentes de la pensée métascientifique »88.
Pour le prix Nobel de physique Steven Weinberg, auteur de Le Rêve d'une théorie ultime (1997)89 la philosophie des sciences est inutile car elle n'a jamais aidé la connaissance scientifique à avancer.
[modifier] Science au service de l'humanité : le progrès
Articles détaillés : Progrès scientifique et Progrès technique.
Le terme de progrès vient du latin « progressus » qui signifie l'action d'avancer. Selon cette étymologie le progrès désigne un passage à un degré supérieur, c'est-à-dire à un état meilleur, participant à l'effort économiquenote 48. La civilisation se fonde ainsi, dans son développement, sur une série de progrès dont le progrès scientifique. La science serait avant tout un moyen de faire le bonheur de l'humanité, en étant le moteur du progrès matériel et moral. Cette identification de la science au progrès est très ancienne et remonte aux fondements philosophiques de la sciencenote 49. Cette thèse est distincte de celle de la science dite pure (en elle-même), et pose le problème de l'autonomie de la science, en particulier dans son rapport au pouvoir politiquenote 50. Les question éthiques également limitent cette définition de la science comme un progrèsnote 51. Certaines découvertes scientifiques ont des applications militaires ou même peuvent être létales en dépit d'un usage premier bénéfiquenote 52.


Albert Einstein et Robert Oppenheimer. L'utilisation militaire de la technologie nucléaire a posé un dilemme aux deux scientifiques.
Selon les tenants de la science comme moyen d'amélioration de la société, dont Ernest Renan ou Auguste Comte sont parmi les plus représentatifs, le progrès offre :
une explication du fonctionnement du monde : il est donc vu comme un pouvoir explicatif réel et illimité ;
des applications technologiques toujours plus utiles permettant de transformer l'environnement afin de rendre la vie plus facile.
La thèse de la science pure pose, quant à elle, que la science est avant tout le propre de l'humain, ce qui fait de l'homme un animal différent des autres. Dans une lettre du 2 juillet 1830 adressée à Legendre, le mathématicien Charles Gustave Jacob Jacobi écrit ainsi, à propos du physicien Joseph Fourier : « M. Fourier avait l’opinion que le but principal des mathématiques était l’utilité publique et l’explication des phénomènes naturels ; mais un philosophe comme lui aurait dû savoir que le but unique de la science, c’est l’honneur de l’esprit humain, et que sous ce titre, une question de nombres vaut autant qu’une question du système du monde. »90. D'autres courants de pensée comme le scientisme envisagent le progrès sous un angle plus utilitariste.
Enfin des courants plus radicaux posent que la science et la technique permettront de dépasser la condition ontologique et biologique de l'homme. Le transhumanisme ou l'extropisme sont par exemple des courants de pensée stipulant que le but de l'humanité est de dépasser les injustices biologiques (comme les maladies génétiques, grâce au génie génétique) et sociales (par le rationalisme), et que la science est le seul moyen à sa portée. À l'opposé, les courants technophobes refusent l'idée d'une science salvatrice, et pointent au contraire les inégalités sociales et écologiques, entre autres, que la science génère.
[modifier] Interrogations de l'épistémologie
Article détaillé : épistémologie#Les questions épistémologiques.
Liée à la théorie de la connaissance, l'épistémologie tente d'expliquer et de rationaliser un ensemble de questions philosophiques. La science progressant de manière fondamentalement discontinue, les renversements des représentations des savants, appelées également « paradigmes scientifiques » selon l'expression de Thomas Samuel Kuhn, sont également au cœur des interrogations épistémologiques. Parmi ces questions centrales de l'épistémologie on distingue :
1. la nature de la production des connaissances scientifiques (par exemple, les types de raisonnements sont-ils fondés ?) ;
2. la nature des connaissances en elles-mêmes (l'objectivité est-elle toujours possible, etc.). Ce problème d'épistémologie concerne plus directement la question de savoir comment identifier ou démarquer les théories scientifiques des théories métaphysiques ;
3. l'organisation des connaissances scientifiques (notions de théories, de modèles, d'hypothèses, de lois) ;
4. l'évolution des connaissances scientifiques (quel mécanisme meut la science et les disciplines scientifiques).
Nombre de philosophes ou d'épistémologues ont ainsi interrogé la nature de la science et en premier lieu la thèse de son unicité. L'épistémologue Paul Feyerabend, dans Contre la méthode, est l'un des premiers, dans les années soixante-dix, à se révolter contre les idées reçues à l'égard de la science et à relativiser l'idée trop simple de « méthode scientifique ». Il expose une théorie anarchiste de la connaissance plaidant pour la diversité des raisons et des opinions, et explique en effet que « la science est beaucoup plus proche du mythe qu’une philosophie scientifique n’est prête à l’admettre »91. Le philosophe Louis Althusser, qui a produit un cours sur cette question dans une perspective marxiste, soutient que « tout scientifique est affecté d’une idéologie ou d’une philosophie scientifique »92 qu’il appelle « Philosophie Spontanée des Savants » (« P.S.S »note 53). Dominique Pestre s'attache lui à montrer l'inutilité d'une distinction entre « rationalistes » et « relativistes », dans Introduction aux Science Studies.
[modifier] Grands modèles épistémologiques
L'histoire des sciences et de la philosophie a produit de nombreuses théories quant à la nature et à la portée du phénomène scientifique. Il existe ainsi un ensemble de grands modèles épistémologiques qui prétendent expliquer la spécificité de la science. Le XXe siècle a marqué un tournant radical. Très schématiquement, aux premières réflexions purement philosophique et souvent normatives sont venus s’ajouter des réflexions plus sociologiques et psychologiques, puis des approches sociologiques et anthropologiques dans les années 1980, puis enfin des approches fondamentalement hétérogènes à partir des années 1990 avec les Science studies. Le discours sera également interrogé par la psychologie avec le courant du constructivisme. Enfin, l'épistémologie s'intéresse à la « science en action » (expression de Bruno Latour), c'est-à-dire à sa mise en œuvre au quotidien et plus seulement à la nature des questions théoriques qu'elle produit.
[modifier] Cartésianisme et rationalisme
Article détaillé : Rationalisme.


René Descartes.
Le rationalisme est un courant épistémologique né au XVIIe siècle et pour lequel « toute connaissance valide provient soit exclusivement, soit essentiellement de l'usage de la raison »93. Des auteurs comme René Descartes (on parle alors du cartésianisme), ou Leibniz fondent les bases conceptuelles de ce mouvement qui met en avant le raisonnement en général et plus particulièrement le raisonnement déductif dit aussi analytique. Il s'agit donc d'une théorie de la connaissance qui postule le primat de l'intellect. L'expérimentation y a un statut particulier : elle ne sert qu'à valider ou réfuter les hypothèses. En d'autres mots, la raison seule suffit pour départager le vrai du faux dans le raisonnement rationaliste. Les rationalistes prennent ainsi comme exemple le célèbre passage du dialogue de Platon, dans le Ménon, où Socrate prouve qu'un jeune esclave illettré, étape par étape et sans son aide, peut refaire et redémontrer le théorème de Pythagore.
Le rationalisme, surtout moderne, prône la toute puissance des mathématiques sur les autres sciences. Les mathématiques représentent en effet le moyen intellectuel démontrant que l'intellect et la raison peuvent se passer de l'observation et de l'expérience. Déjà Galilée expliquait dans son ouvrage L'essayeur — qui est également une démonstration de logique — en 1623, que
« Le grand livre de l'Univers est écrit dans le langage des mathématiques. On ne peut comprendre ce livre que si on en apprend tout d'abord le langage, et l'alphabet dans lequel il est rédigé. Les caractères en sont les triangles et les cercles, ainsi que les autres figures géométriques sans lesquelles il est humainement impossible d'en déchiffrer le moindre mot »
.
[modifier] Empirisme
Article détaillé : Empirisme.


Isaac Newton.
L'empirisme postule que toute connaissance provient essentiellement de l'expérience. Représenté par les philosophes anglais Roger Bacon, John Locke et George Berkeley, ce courant postule que la connaissance se fonde sur l'accumulation d'observations et de faits mesurables, dont on peut extraire des lois par un raisonnement inductif (dit aussi synthétique), allant par conséquent du concret à l'abstrait. L'induction consiste, selon Hume en la généralisation de données de l'expérience pure94, appelée « empirie » (ensemble des données de l'expérience), qui est ainsi l'objet sur lequel porte la méthode. Néanmoins, Bertrand Russell mentionne dans son ouvrage Science et religion ce qu’il nomme le « scandale de l’induction », cette méthode de raisonnement n'a rien d'universel, en effet, selon lui les lois admises comme générales par l'induction n'ont été cependant vérifiées que pour un certain nombre de cas expérimentaux. Dans l'empirisme, le raisonnement est secondaire alors que l'observation est premièrenote 54. Les travaux d'Isaac Newton témoignent d'une méthode empirique dans la formalisation de la loi gravitationnelle.
L'empirisme se décompose lui-même en sous-courants95 :
le matérialisme qui explique que seule l'expérience sensible existe ;
le sensualisme qui considère que les connaissances proviennent des sensations (c'est la position de Condillac par exemple) ;
l'instrumentalisme, qui voit dans la théorie un outil abstrait ne reflétant pas la réalité.
Enfin, l'empirisme aurait percé dans le champ scientifique, selon Robert King Merton (dans Éléments de théorie et de méthode sociologique, 1965) grâce à ses liens étroits avec l'éthique protestante et puritaine. Le développement de la Royal Society de Londres, fondée en 1660 par des protestants, en est ainsi l'expression aboutie : « la combinaison de la rationalité et de l'empirisme, si évidente dans l'éthique puritaine, forme l'essence de la science moderne. » explique Merton.
[modifier] Positivisme d'Auguste Comte
Article détaillé : Positivisme.


Auguste Comte.
Auguste Comte distingue trois états historiques : dans l'état théologique, l'esprit de l'homme cherche à expliquer les phénomènes naturels par des agents surnaturels. Dans l'état métaphysique, l'explication se fonde sur des forces naturelles mais encore personnifiées (la théorie de l'éther par exemple). Avec l'état positif, l'esprit ne cherche plus à expliquer les phénomènes par leurs causes, mais il s'édifie sur des faits constatables et mesurables. Le personnage de Newton est, pour Comte, révélateur de cette « marche progressive de l'esprit humain »96. La science doit ainsi mettre en œuvre des hypothèses, permettant de se passer de l'expérience, et aboutissant à la formation de lois non contradictoires. Comte cite ainsi, comme exemple, la théorie de la chaleur de Joseph Fourier, qui la bâtit sans avoir à observer la nature du phénomène. Le positivisme met en avant la qualité prédictive de la science, qui permet de « voir pour prévoir » selon les mots de Comte, dans ses Discours sur l'ensemble du positivisme (1843). Néanmoins, la méthode scientifique culmine dans la mise en pratique, dans l'action, ce que le discours moderne appellera l'application scientifique. L'ingénierie est ainsi la main de la science, caractérisée par le savoir-faire. La science est avec Comte indissociable de l'action :
« Science, d'où prévoyance ; prévoyance d'où action »
[modifier] Critique de l'induction de Mach


Ernst Mach.
Inventeur de la mesure de la vitesse de propagation du son, Ernest Mach développa une pensée épistémologique qui influença notamment Albert Einstein. Dans La Mécanique, exposé historique et critique de son développement97 Mach dévoile la conception mythologique qui sous tend les représentations mécanistes de son époque, qui aboutissent au conflit des spiritualistes et des matérialistes. Mais la critique de Mach porte surtout sur la méthode de l'induction, pendant de la déduction. Dans La Connaissance et l'erreur (1905), Mach explique que le travail du savant porte avant tout sur les relations des objets étudiés entre eux, et non sur leur classement. La démarche de recherche est avant tout mentale conclut Mach : « Avant de comprendre la nature, il faut l'appréhender dans l'imagination, pour donner aux concepts un contenu intuitif vivant »98. Par ailleurs, Mach défend l'idée que la science est symbolique, thèse qu'il reprend chez Karl Pearson dans la Grammaire de la science (1892)note 55 et qui explique que la science est « une sténographie conceptuelle ». Mach annonce que seule la méthode empirique est scientifique :
« Nous devons limiter notre science physique à l'expression des faits observables, sans construire d'hypothèses derrière ces faits, où plus rien n'existe qui puisse être conçu ou prouvé99 »
[modifier] Réfutabilité de Karl Popper et les « programmes de recherche scientifique » de Irme Lakatos
Le philosophe autrichien Karl Popper (1902 - 1994) bouleverse l'épistémologie classique en proposant une nouvelle théorie de la connaissance, dès 1959 avec la Logique de la découverte scientifique. Il donne à l'épistémologie de nouveaux concepts et outils d'examen, comme la falsifiabilité (capacité d'une théorie scientifique de se soumettre à une méthode critique sévère) ou l'infaillibilité (qui définit a contrario les théories métaphysiques, psychanalytiques, marxistes, astrologiques). Il propose ainsi de voir dans la réfutabilité le critère permettant de distinguer la science de la non-science. Un énoncé est ainsi « empiriquement informatif, si et seulement s'il est testable ou falsifiable, c'est-à-dire s'il est possible, au moins en principe, que certains faits puissent le contredire »100. Néanmoins, Popper admet que les énoncés non réfutables peuvent être heuristiques et avoir un sens (c'est le cas des sciences humaines).
Popper émet par ailleurs une critique de la thèse de l'unicité de la science, notamment dans son ouvrage La logique de la découverte scientifique. L'idée d'un système de connaissance est futile selon lui : « nous ne savons pas, nous ne faisons que conjecturer. » L’idéal d’une connaissance absolument certaine et démontrable s’est révélé être une idole.Selon lui enfin, l'induction n'a aucune valeur scientifique :
« Il n'y a pas d'induction parce que les théories universelles ne sont pas déductibles d'énoncés singuliers101. »
La pensée d'Imre Lakatos(1922 - 1974) est en droite file de celle de Popper. Il est le créateur de la notion de « programmes de recherche scientifique » (P.R.S) qui est un corpus d'hypothèses théoriques lié à un plan de recherche au sein d'un domaine particulier (un « paradigme ») comme la métaphysique cartésienne par exemple. Lakatos, bien qu'étant l'élève de Karl Popper s'en oppose sur le point de la réfutabilité. Un programme de recherche est selon lui caractérisé à la fois par une heuristique positive (ce qu'il faut chercher et à l'aide de quelle méthode) et une heuristique négative (les hypothèses sont inviolables).
[modifier] « Science normale » de Thomas Kuhn
Les travaux de Thomas Samuel Kuhn vont marquer une rupture fondamentale en philosophie, en histoire et en sociologie des sciencesnote 56. Il va historiciser la science, et rejeter une conception fixiste de la science. Son ouvrage principal en la matière, la Structure des Révolutions Scientifiques (1962) pose qu'« il est ainsi difficile de considérer le développement scientifique comme un processus d’accumulation, car il est difficile d’isoler les découvertes et les inventions individuelles ».
« Lorsque les scientifiques ne peuvent plus ignorer plus longtemps des anomalies qui renversent la situation établie dans la pratique scientifique, alors commencent les investigations extraordinaires qui les conduisent finalement à un nouvel ensemble de convictions, sur une nouvelle base pour la pratique de la science » ajoute-t-il, qualifiant ces bases pratiques de paradigmes scientifiques (comme la lumière considérée comme un corpuscule, puis comme une onde, puis enfin comme une particule). Ces « épisodes extraordinaires » sont comme des « révolutions scientifiques » (ainsi celles apportées par Isaac Newton, Nicolas Copernic, Lavoisier, ou encore Einstein) : toutes viennent renverser un paradigme dominant. L'état d'une science, des connaissances et du paradigme, à une période donnée constitue la « science normale » qui est selon Kuhn
« une recherche fermement accréditée par une plusieurs découvertes scientifiques passées, découvertes que tel ou tel groupe scientifique [a considérées] comme suffisantes pour devenir le point de départ d’autres travaux. »
[modifier] Constructivisme
Article détaillé : Constructivisme (épistémologie).


Jean Piaget.
Le terme constructivisme est né au début du XXe siècle avec le mathématicien hollandais Brouwer qui l'utilisa pour caractériser sa position sur la question des fondements en mathématiques comme discipline maîtresse. Mais c'est surtout Jean Piaget qui a su apporter au constructivisme ses lettres de noblesse : avec la publication en 1967 de l'encyclopédie de la Pléiade et notamment de l’article Logique et connaissance scientifique, il opère selon Jean-Louis Le Moigne une « renaissance du constructivisme épistémologique, notamment à partir des travaux de Bachelard »102, . Toutefois, selon Ian Hacking, c'est Kant qui fut le « grand pionnier de la construction »103.
L'école constructiviste n'accepte comme vrai que ce que le scientifique peut construire, à partir d'idées et d'hypothèses que l'intuition (comme fondement des mathématiques) accepte comme vraies, et qui sont représentables. Le psychologue et épistémologue Jean Piaget expliquera ainsi que le « fait est (…) toujours le produit de la composition, entre une part fournie par les objets, et une autre construite par le sujet »104. L'expérimentation ne sert alors qu'à vérifier la cohérence interne de la construction (c'est la notion de modèle épistémologique). Piaget étendra cependant le cadre constructiviste à ce qu'il nomme l'« épistémologie génétique » qui étudie les conditions de la connaissance et les lois de son accroissement, en lien avec le développement neurologique de l'intelligence. Pour lui, l'épistémologie englobe la théorie de la connaissance et la philosophe des sciences (ce qu'il nomme le « cercle des sciences » : chaque science renforce l'édifice des autres sciences). Autrement dit, « la succession des sciences dans l'histoire obéit à la même logique que l'ontogénèse des connaissances »105. Sans parler de ressemblance totale, les mécanismes, de l'individu au groupe de chercheurs et donc, aux disciplines scientifiques, sont communs (Piaget cite ainsi l'« abstraction réfléchissante »).
Refusant l'empirisme, l'épistémologie constructiviste pose que la connaissance se fait au moyen d'une dialectique, du sujet à l'objet et de l'objet au sujet, par un aller-et-retour expérimental.
[modifier] Science et société
[modifier] Science et pseudo-sciences
Article détaillé : Pseudo-science.
Une « pseudo-science » (grec ancien pseudês, « faux ») est une démarche prétendument scientifique qui ne respecte pas les canons de la méthode scientifique, dont celui de réfutabilité.


L'astrologie est considérée comme une pseudo-science.
Ce terme, de connotation normative, est utilisé dans le but de dénoncer certaines disciplines en les démarquant des démarches au caractère scientifique reconnu. C'est au XIXe siècle (sous l'influence du positivisme d'Auguste Comte, du scientisme et du matérialisme) que fut exclu du domaine de la science tout ce qui n'est pas vérifiable par la méthode expérimentale. Un ensemble de critères explique en quoi une théorie peut être classée comme pseudo-science. Karl Popper relègue ainsi la psychanalyse au rang de pseudo-science, au même titre que, par exemple, l'astrologie, la phrénologie ou la divinationnote 57. Le critère de Popper est cependant contesté pour certaines disciplines ; pour la psychanalyse, parce que la psychanalyse ne prétend pas être une science exacte. De plus, Popper a été assez ambigu sur le statut de la théorie de l'évolution dans son système.
Les sceptiques, comme Richard Dawkins, Mario Bunge, Carl Sagan, Richard Feynman ou encore James Randi considèrent toute pseudo-science comme dangereuse. Le mouvement zététique œuvre quant à lui principalement à mettre à l'épreuve ceux qui affirment réaliser des actions scientifiquement inexplicables.
[modifier] Science et protoscience
Si le terme normatif pseudoscience démarque les vraies sciences des fausses sciences, le terme protoscience (du grec πρῶτος, protos : premier, initial) inscrit les champs de recherche dans un continuum temporel : est protoscientifique ce qui pourrait, dans l'avenir, être intégré dans la science, ou ne pas l'être. Le terme anglophone de fringe science désigne un domaine situé en marge de la science, entre la pseudo-science et la protoscience.
[modifier] Science ou technique ?
Articles détaillés : Technique et Connaissance technique.
La technique (grec ancien τέχνη, « technê », soit « art, métier savoir-faire ») « concerne les applications de la science, de la connaissance scientifique ou théorique, dans les réalisations pratiques, les productions industrielles et économiques »106. La technique couvre ainsi l'ensemble des procédés de fabrication, de maintenance, de gestion, de recyclage et, même d'élimination des déchets, qui utilisent des méthodes issues de connaissances scientifiques ou simplement des méthodes dictées par la pratique de certains métiers et l'innovation empirique. On peut alors parler d'art, dans son sens premier, ou de « science appliquée ». La science est elle autre chose, une étude plus abstraite. Ainsi l'épistémologie examine entre autres les rapports entre la science et la technique, comme l'articulation entre l'abstrait et le savoir-faire. Néanmoins, historiquement, la technique est première. « L’homme a été homo-faber, avant d’être homo-sapiens », explique le philosophe Bergson. Contrairement à la science, la technique n’a pas pour vocation d’interpréter le monde, elle est là pour le transformer, sa vocation est pratique et non théorique.
La technique est souvent considérée comme faisant partie intégrante de l’histoire des idées ou à l'histoire des sciences. Pourtant il faut bien admettre la possibilité d’une technique « a-scientifique », c'est-à-dire évoluant en dehors de tout corpus scientifique et que résume les paroles de Bertrand Gille : « le progrès technique s'est fait par une somme d'échecs que vinrent corriger quelques spectaculaires réussites ». La technique au sens de connaissance intuitive et empirique de la matière et des lois naturelles est ainsi la seule forme de connaissance pratique, et ce jusqu'au XVIIIe siècle, époque où se développeront les théories et avec elles de nouvelles formes de connaissance axiomatisées.
[modifier] Arts et science
Article détaillé : Arts scientifiques.


L'Expulsion d'Adam et Ève du Jardin d'Eden, fresque de Masaccio, Florence, Italie, avant et après sa restaurationnote 58.
Hervé Fischer parle, dans La société sur le divan, publié en 2007, d'un nouveau courant artistique prenant la science et ses découvertes comme inspiration et utilisant les technologies telles que les bio-technologies, les manipulations génétiques, l'intelligence artificielle, la robotique, qui inspirent de plus en plus d'artistes. Par ailleurs, le thème de la science a été souvent à l'origine de tableaux ou de sculptures. Le mouvement du futurisme par exemple considère que le champ social et culturel doit se rationaliser. Enfin, les découvertes scientifiques aident les experts en Art107. La connaissance de la désintégration du carbone 14 par exemple permet de dater les œuvres. Le laser permet de restaurer, sans abimer les surfaces, les monuments. Le principe de la synthèse additive des couleurs restaure les autochromes. Les techniques d'analyse physico-chimiques permettent d'expliquer la composition des tableaux, voire de découvrir des palimpsestes. La radiographie permet de sonder l'intérieur d'objets ou de pièces sans polluer le milieu. La spectrographie est utilisée enfin pour dater et restaurer les vitrauxnote 59.
[modifier] Vulgarisation scientifique
La vulgarisation est le fait de rendre accessibles les découvertes ainsi que le monde scientifique à tous et dans un langage adapté.


Une démonstration de l'expérience de la cage de Faraday au Palais de la découverte de Paris.
La compréhension de la science par le grand public est l’objet d’études à part entière ; les auteurs parlent de « Public Understanding of Science » (expression consacrée en Grande-Bretagne, « science literacy » aux États-Unis) et de « culture scientifique » en France. Il s'agit du principal vecteur de la démocratisation et de la généralisation du savoir selon les sénateurs français Marie-Christine Blandin et Ivan Renard108.
Dans nombre de démocraties, la vulgarisation de la science est au cœur de projets mêlant différents acteurs économiques, institutionnels et politiques. En France, l'Éducation nationale a ainsi pour mission de sensibiliser l'élève à la curiosité scientifique, au travers de conférences, de visites régulières ou d'ateliers d'expérimentation. La Cité des sciences et de l'industrie met à disposition de tous des expositions sur les découvertes scientifiques alors que les quelques trente109 centres de culture scientifique, technique et industrielle ont « pour mission de favoriser les échanges entre la communauté scientifique et le public. Cette mission s'inscrit dans une démarche de partage des savoirs, de citoyenneté active, permettant à chacun d'aborder les nouveaux enjeux liés à l'accroissement des connaissances »110.
Le Futuroscope ou Vulcania ou le Palais de la découverte sont d'autres exemples de mise à disposition de tous des savoirs scientifiques. Les États-Unis possèdent également des institutions telles que l'Exploratorium111 de San Francisco, qui se veulent plus près d'une expérience accessible par les sens et où les enfants peuvent expérimenter. Le Québec a développé quant à lui le Centre des sciences de Montréal.
La vulgarisation se concrétise donc au travers d'institutions, de musées, mais aussi d'animations publiques comme la Nuit des étoiles par exemple, de revues, et de personnalités (Hubert Reeves pour l'astronomie), qu'énumère Bernard Schiele dans Les territoires de la culture scientifique112.
[modifier] Science et idéologie
Article détaillé : Technocratie.
[modifier] Scientisme ou « religion » de la science
Article détaillé : scientisme.
La valeur universelle de la science fait débat depuis le début du XXe siècle, tous les systèmes de connaissances n'étant pas forcément assujettis à la science113. La croyance en une universalité de la science constitue le scientisme.
Le scientisme est une idéologie apparue au XVIIIe siècle, selon laquelle la connaissance scientifique permettrait d'échapper à l'ignorance dans tous les domaines et donc, selon la formule d'Ernest Renan dans « l'Avenir de la science », d'« organiser scientifiquement l'humanité ».
Il s'agit donc d'une foi dans l'application des principes de la science dans tous les domaines. Nombre de détracteursnote 60 y voient une véritable religion de la science, particulièrement en Occident. Sous des acceptions moins techniques, le scientisme peut être associé à l'idée que seules les connaissances scientifiquement établies sont vraies. Il peut aussi renvoyer à un certain excès de confiance en la science qui se transformerait en dogme. Le courant zététique, qui s'inspire du scepticisme philosophique, essaye d'appréhender efficacement la réalité par le biais d'enquêtes et d'expériences s'appuyant sur la méthode scientifique et a pour objectif de contribuer à la formation chez chaque individu d'une capacité d'appropriation critique du savoir humain, est en ce sens une forme de scientisme.
Pour certains épistémologues, le scientisme prend de toutes autres formes. Robert Nadeau, en s’appuyant sur une étude réalisée en 1984114, considère que la culture scolaire est constituée de « clichés épistémologiques » qui formeraient une sorte de « mythologie des temps nouveaux » qui ne serait pas sans rapport avec une sorte de scientisme115. Ces clichés tiennent soit à l'histoire de la science, résumée et réduite à des découvertes qui jalonnent le développement de la société, soit à des idées comme celles qui met en avant que les lois, et plus généralement les connaissances scientifiques, sont des vérités absolues et dernières, et que les preuves scientifiques sont non moins absolues et définitives alors que, selon les mots de Thomas Samuel Kuhn, elles ne cessent de subir révolutions et renversements.
Enfin, c'est surtout la sociologie de la connaissance, dans les années 1940 à 1970, qui a mis fin à l'hégémonie du scientisme. Les travaux de Ludwig Wittgenstein, Alexandre Koyré et Thomas Samuel Kuhn surtout ont démontré l'incohérence du positivisme. Les expériences ne constituent pas, en effet, des preuves absolues des théories et les paradigmes sont amenés à disparaître.
[modifier] Science au service de la guerre


Le laser est à l'origine une découverte militaire.
Pendant la Première Guerre mondiale, les sciences ont été utilisées par l'État afin de développer de nouvelles armes chimiques et de développer des études balistiques. C'est la naissance de l'économie de guerre, qui s'appuie sur des méthodes scientifiques. L'« OST », ou Organisation Scientifique du Travail de Frederick Winslow Taylor est ainsi un effort d'améliorer la productivité industrielle grâce à l'ordonnancement des tâches, permis notamment par le chronométrage. Néanmoins, c'est pendant la Seconde Guerre mondiale que la science est le plus utilisée à des fins militaires. Les armes secrètes de l'Allemagne nazie comme les V2 sont au centre des découvertes de cette époque.
Toutes les disciplines scientifiques sont ainsi dignes d'intérêt pour les gouvernements. Le kidnapping de scientifiques allemands à la fin de la guerre, soit par les soviétiques, soit par les américains, fait naître la notion de « guerre des cerveaux », qui culminera avec la course à l'armement de la Guerre froide. Cette période est en effet celle qui a le plus compté sur les découvertes scientifiques, notamment la bombe atomique, puis la bombe à hydrogène. De nombreuses disciplines naissent d'abord dans le domaine militaire, telle la cryptographie informatique ou la bactériologie, pour la guerre biologique. Amy Dahan et Dominique Pestre116 expliquent ainsi, à propos de cette période de recherches effrénées, qu'il s'agit d'un régime épistémologique particulier. Commentant leur livre, Loïc Petitgirard explique : « Ce nouveau régime de science se caractérise par la multiplication des nouvelles pratiques et des relations toujours plus étroites entre science, État et société. »117 La conception de ce qu'on nomme alors le complexe militaro-industriel apparaît, en lien très intime avec le politiquenote 61.
Dès 1945, avec la constatation de la montée des tensions due à l'opposition des blocs capitalistes et communistes, la guerre devient en elle-même l'objet d'une science : la polémologie. Le sociologue français Gaston Bouthoul (1896-1980), dans « le Phénomène guerre », en fonde les principes.
Enfin, si la science est par définition neutre, elle reste l'affaire d'hommes, sujets aux idéologies dominantes. Ainsi, selon les sociologues relativistes Barry Barnes et David Bloor de l'Université d'Édimbourg, les théories sont d'abord acceptées au sein du pouvoir politiquenote 62. Une théorie s'imposerait alors non parce qu'elle est vraie mais parce qu'elle est défendue par les plus forts. En d'autres termes, la science serait, sinon une expression élististe, une opinion majoritaire reconnue comme une vérité scientifique et le fait d'un groupe, ce que démontrent les travaux d'Harry Collins. La sociologie des sciences s'est ainsi beaucoup intéressée, dès les années 1970, à l'influence du contexte macro-social sur l'espace scientifique. Robert King Merton a montré, dans « Éléments de théorie et de méthode sociologique » (1965) les liens étroits entre le développement de la Royal Society de Londres, fondée en 1660, et l'éthique puritaine de ses acteurs. Pour lui, la vision du monde des protestants de l'époque a permis l'accroissement du champ scientifique.
[modifier] Science et religion
Article détaillé : Relation entre science et religion.
Historiquement, la science et la religion ont longtemps été apparentées. Dans « Les Formes élémentaires de la vie religieuse » (1912), Émile Durkheim montre que les cadres de pensée scientifique comme la logique ou les notions de temps et d'espace trouvent leur origine dans les pensées religieuses et mythologiques.
[modifier] Le non-recouvrement
La philosophie des sciences moderne a abouti à la nécessité pour la science et la religion de marquer leurs territoires. Le principe aujourd'hui largement accepté est celui du non-recouvrement des magistères[réf. nécessaire]. Selon ce principe, la pensée religieuse et la pensée scientifiques doivent poursuivre des buts différents pour cohabiter. La science explique le fonctionnement de l'univers (le « comment ») tandis que la religion propose des croyances qui donnent un sens à l'univers (le « pourquoi »). En grande partie, cette division est un corollaire du critère de réfutabilité de Karl Popper : la science propose des énoncés qui peuvent être mis à l'épreuve des faits, et doivent l'être pour être acceptés ou refusés. La religion propose des énoncés qui doivent être crus sans pouvoir être vérifiés.
Les conflits entre la science et la religion se produisent dès lors que l'une des deux prétend répondre à la question dévolue à l'autre.
Cette violation peut se produire dans les deux sens. La religion empiète sur la science quand des personnes prétendent déduire des textes religieux des informations sur le fonctionnement du monde. Le conflit de ce type le plus évident est celui du créationnisme face à la théorie de l'évolution. Scientifiquement, la création de l'ensemble des êtres vivants en six jours n'est pas tenable. Mais différents courants religieux radicaux défendent l'exactitude du récit de la Genèse (depuis, l'Église catholique, par exemple, a résolu la contradiction apparente en déclarant que ce récit est métaphorique, ce qui assure de ne pas empiéter sur le domaine scientifique).
L'autre cas de violation est celui où on extrapole à partir de données scientifiques une vision du monde tout à fait irréfutable (au sens de Popper), empiétant sur le domaine du religieux. Dans le cadre du non-recouvrement, les propositions scientifiques doivent rester compatibles avec toutes les positions religieuses qui cherchent à donner du sens à l'univers (sauf celles qui violent elles-mêmes la démarcation). Albert Einstein et Paul Dirac utilisent le concept de Dieu en commentant la physique quantique, mais les résultats qu'ils établissent ne dépendent pas de son existence.
[modifier] Histoire
Au sein du christianisme, le procès de Galilée, en 1633, marque le divorce de la pensée scientifique et de la pensée religieusenote 63, pourtant initiée par l'exécution de Giordano Bruno en 1600118. Le Concile de Nicée de 325 avait instauré dans l'Église l'argument dogmatique selon lequel Dieu avait créé le ciel et la terre en sept jours. Cependant, des explications scientifiques furent possible dès ce credo, qui ne se prononçait pas sur l'engendrement du monde, œuvre du Christ. Cette lacune théologique permit une certaine activité scientifique au Moyen Âge, dont, en premier lieu, l'astronomie. Le Concile de Trente (1545-1563) autorisa les communautés religieuses à mener des recherches scientifiques. Si le premier pas en faveur de l'héliocentrisme (qui place la Terre en rotation autour du Soleil) est fait par le chanoine Nicolas Copernic, Galilée se heurte à la position de l'Église en faveur d'Aristote, et donc du géocentrisme. Il fallut attendre que Johannes Kepler prolonge les travaux de Galilée et de Tycho Brahe pour faire accepter le mouvement de la Terre. Le procès de Galilée devint le symbole d'une science devenant indépendante de la religion, voire opposée à elle. Cette séparation est définitivement consommée au XVIIIe siècle, pendant les « Lumières ».


La représentation du monde au Moyen Âge.
Dans la majorité des autres religions, la science n'est pas aussi opposée à la religion dominante. Dans l'islam, la science est favorisée car il n'existe pas de clergé institué ; par ailleurs, le monde est vu comme un code à déchiffrer pour comprendre les messages divins. Ainsi, au Moyen Âge, la science arabo-musulmane prospéra et développa la médecine, les mathématiques et l'astronomie surtout.
Au XIXe siècle, les scientismes posent que la science seule peut expliquer l'univers et que la religion est l'« opium du peuple » comme dira plus tard Karl Marx qui fonde la vision matérialiste de l'histoire. Les réussites scientifiques et techniques, qui améliorent la civilisation et la qualité de vie, le progrès scientifique en somme, bat en brèche les dogmes religieux dans leur totalité, et quelle que soit la confession. Les théories modernes de la physique (la théorie des quanta notamment) et de la biologie (avec Charles Darwin et l'évolution), les découvertes de la psychologie, pour laquelle le sentiment religieux demeure un phénomène intérieur voire neurologique, supplantent les explications mystiques et spirituelles. Cependant, nombre de religieux tentent, comme Pierre Teilhard de Chardin ou Georges Lemaître, d'allier explication scientifique et ontologie religieuse. L'encyclique de 1993, Fides et ratio, de Jean-Paul II reconnaît que religion chrétienne et science sont deux voies vers l'explication du monde.
Au XXe siècle, l'affrontement des partisans de la théorie de l'évolution et des créationnistes, souvent issus des courants religieux radicaux, cristallise le dialogue difficile de la foi et de la raison. Le « procès du singe » (à propos de l'« ascendance » simiesque de l'homme) illustre ainsi un débat permanent au sein de la société civilenote 64. Enfin, nombre de philosophes ou d'épistémologue se sont interrogés sur la nature de la relation entre les deux institutions. Le paléontologue Stephen Jay Gould dans « Que Darwin soit! » parle de deux magistères, chacun restant maître de son territoire mais ne s'empiétant pas, alors que Bertrand Russell mentionne dans son ouvrage « Science et religion » les conflits les opposant.
[modifier] Communauté scientifique internationale
Article détaillé : communauté scientifique.
[modifier] Du savant au chercheur
Si la science est avant tout une affaire de méthode, elle dépend aussi beaucoup du statut de ceux qui la font. L'ancêtre du chercheur reste, dans l'Antiquité, le scribe. Le terme de « savant » n'apparaît qu'au XVIIe siècle ; se distinguant du clerc et de l'humaniste. Au XIXe siècle cette figure s'estompe et laisse place à celle du « scientifique universitaire » et du « chercheur spécialisé » aux côtés desquels évoluent le « chercheur industriel » et le « chercheur fonctionnaire ». Aujourd'hui c'est la figure du « chercheur entrepreneur » qui domine selon les auteurs Yves Gingras, Peter Keating et Camille Limoges, dans leur « Du scribe au savant. Les porteurs du savoir, de l'Antiquité à la Révolution industriellenote 65 ». C'est la création d'institutions comme le Jardin royal des plantes médicinales ou l'Académie royale des sciences de Paris qui marquent l'avènement du statut de chercheur spécialisé au XIXe siècle. Elles fournissent en effet des revenus et un cadre de recherche exceptionnels. C'est en Allemagne, avec Wilhelm von Humboldt, en 1809, que la recherche est affiliée aux Universités. Dès lors commence l'industrialisation de la production de chercheurs, qui accéléra la spécialisation du savoir. Depuis la Seconde Guerre mondiale, ce sont les instituts de recherche et les organismes gouvernementaux qui dominent, à travers la figure du chercheur fonctionnaire.
Les sociologues et anthropologues Bruno Latour119, Steve Woolgar, Karin Knorr-Cetina ou encore Michael Lynch ont étudié l'espace scientifique, les laboratoires et les chercheurs. Latour s'est en particulier intéressé à la production du discours scientifique, qui semble suivre un processus de stabilisations progressives, ce qui permet aux énoncés d'acquérir de la crédibilité au fur et à mesure alors que Jean-François Sabouret et Paul Caro, dans « Chercher. Jours après jours, les aventuriers du savoir » présentent des portraits de chercheurs venant de tous les domaines et travaillant au quotidien120,121.
[modifier] Des communautés scientifiques
La communauté scientifique désigne, dans un sens assez large, l'ensemble des chercheurs et autres personnalités dont les travaux ont pour objet les sciences et la recherche scientifique, selon des méthodes scientifiques. Parfois cette expression se réduit à un domaine scientifique particulier : la communauté des astrophysiciens pour l'astrophysique, par exemple. La sociologie des sciences s'intéresse à cette communauté, à la façon dont elle fonctionne et s'inscrit dans la société.


Le physicien Hans Bethe recevant le prix Nobel en 1967, pour sa contribution à la théorie des réactions nucléaires.
On peut parler de « société savante » lorsqu'il s'agit d'une association d’érudits et de savants. Elle leur permet de se rencontrer, de partager, confronter et exposer le résultat de leurs recherches, de se confronter avec leurs pairs d'autres sociétés du même type ou du monde universitaire, spécialistes du même domaine, et le cas échéant, de diffuser leurs travaux via une revue, des conférences, séminaires, colloques, expositions et autres réunions scientifiques. Un congrès ou conférence scientifique est un événement qui vise à rassembler des chercheurs et ingénieurs d'un domaine pour faire état de leurs avancées. Cela permet également à des collègues géographiquement éloignés de nouer et d'entretenir des contacts. Les congrès se répètent généralement avec une périodicité fixée, le plus souvent annuelle.
La collaboration est de mise au sein de la communauté scientifique, en dépit de guerres internes et transnationales. Ansi, l'outil du peer review (aussi appelé « arbitrage » dans certains domaines universitaires) consiste à soumettre l’ouvrage ou les idées d’un auteur à l’analyse de confrères experts en la matière, permettant par là aux chercheurs d’accéder au niveau requis par leur discipline en partageant leur travail avec une personne bénéficiant d’une maîtrise dans le domaine.
[modifier] Recherche
Article détaillé : Recherche scientifique.


Le Fermilab, à Batavia près de Chicago.
La recherche scientifique désigne en premier lieu l’ensemble des actions entreprises en vue de produire et de développer les connaissances scientifiques. Par extension métonymique, la recherche scientifique désigne également le cadre social, économique, institutionnel et juridique de ces actions. Dans la majorité des pays finançant la recherche, elle est une institution à part entière, voire une instance ministérielle (comme en France, où elle fait partie du Ministère de l'Éducation Nationale et de la Recherche) car elle constitue un avantage géopolitique et social important pour un pays. Le prix Nobel (il en existe un pour chaque discipline scientifique promue) récompense ainsi la personnalité scientifique qui a le plus contribué, par ses recherches et celles de son équipe, au développement des connaissances.
Les « Science studies » sont un courant récent regroupant des études interdisciplinaires des sciences, au croisement de la sociologie, de l’anthropologie, de la philosophie ou de l’économie. Cette discipline s'occupe principalement de la science comme institution, orientant le débat vers une « épistémologie sociale ».
[modifier] Sociologie du champ scientifique
Article détaillé : Sociologie des sciences.
La sociologie des sciences vise à comprendre les logiques d'ordre sociologique à l'œuvre dans la production des connaissances scientifiques122. Néanmoins, il s'agit d'une discipline encore récente et évoluant au sein de multiples positions épistémologiques ; Olivier Martin dit qu'« elle est loin de disposer d'un paradigme unique : c'est d'ailleurs une des raisons de sa vivacité »123. Dans les années 1960 et 1970, une grande part de ces études s’inscrivait dans le courant structuraliste. Mais, depuis le début des années 1980, les sciences sociales cherchent à dépasser l’étude de l’institution « science » pour aborder l’analyse du contenu scientifique. La sociologie du « champ scientifique », concept créé par Pierre Bourdieu, porte ainsi une attention particulière aux institutions scientifiques, au travail concret des chercheurs, à la structuration des communautés scientifiques, aux normes et règles guidant l'activité scientifique surtout. Il ne faut cependant pas la confondre avec l'étude des relations entre science et société, quand bien même ces relations peuvent être un objet d'étude des sociologues des sciences. Elle est en effet plus proche de l'épistémologie.
Le « père » de la sociologie des sciences est Robert K. Merton qui, le premier, vers 1940, considère la science comme une « structure sociale normée » formant un ensemble qu'il appelle l'« èthos de la science » (les principes moraux dirigeant le savant) et dont les règles sont censées guider les pratiques des individus et assurer à la communauté son autonomie (Merton la dit égalitaire, libérale et démocratique). Dans un article de 1942, intitulé The Normative Structure of Science, il cite quatre normes régissant la sociologie de la science : l'universalisme, le communalisme, le désintéressement, le scepticisme organisé. Ce que cherche Merton, c'est analyser les conditions de production de discours scientifiques, alors que d'autres sociologues, après lui, vont viser à expliquer sociologiquement le contenu de la science. Pierre Duhem s'attacha lui à analyser le champ scientifique du point de vue constructiviste. À la suite des travaux de Thomas Samuel Kuhn, les sociologues dénoncèrent la distinction portant sur la méthode mise en œuvre et firent porter leurs investigation sur le processus de production des connaissances lui-même.
Si la philosophie des sciences se fonde en grande partie sur le discours et la démonstration scientifique d'une part, sur son historicité d'autre part, pour Ian Hacking, elle doit étudier aussi le style du laboratoire. Dans « Concevoir et expérimenter », il estime que la philosophie des sciences, loin de se cantonner aux théories qui représentent le monde, doit aussi analyser les pratiques scientifiques qui le transforment. Le sociologue américain Joseph Ben David a ainsi étudié la sociologie de la connaissance (« sociology of scientific knowledge ») dans ses « Éléments d'une sociologie historique des sciences » (1997).
[modifier] Applications, inventions, innovations et économie de la science
Articles détaillés : Innovation et Invention (technique).


Le domaine de l'informatique est particulièrement concerné par les innovations. Ici, une puce informatique.
L’« application » d’une science à une autre est l'usage qu’on fait des principes ou des procédés d’une science pour étendre et perfectionner une autre science. L'« invention » est d'abord une méthode, une technique, un moyen nouveau par lequel il est possible de résoudre un problème pratique donné. Le concept est très proche de celui d'une innovation. Par exemple, Alastair Pilkington a inventé le procédé de fabrication du verre plat sur bain d'étain dont on dit qu'il s'agit d'une innovation technologique majeure.
Une « innovation » se distingue d'une invention ou d'une découverte dans la mesure où elle s'inscrit dans une perspective applicative. L'une et l'autre posent des enjeux majeurs à l'économie. Dans les pays développés, les guerres économiques reposent sur la capacité à prévoir, gérer, susciter et conserver les applications et les innovations, par le brevet notamment. Pour les économistes classiques, l'innovation est réputée être l'un des moyens d'acquérir un avantage compétitif en répondant aux besoins du marché et à la stratégie d'entreprise. Innover, c'est par exemple être plus efficient, et/ou créer de nouveaux produits ou service, ou de nouveaux moyens d'y accédernote 66.
Ce sont tout d'abord les sociologues de la science Norman Storer et Warren Hagstrom, aux États-Unis, puis Gérard Lemaine et Benjamin Matalon en France, qui proposent une grille de lecture pour le champ économique des disciplines scientifiques. Ils envisagent en effet la science comme un système d'échange semblable à un marché sauf que la nature des biens échangés est du domaine du savoir et de la connaissance. Il y existe même une sorte de loi de la concurrence car si le scientifique ne publie pas, il ne peut prétendre voir ses fonds de recherche être reconduits l'année suivante. Cet esprit de compétition, selon Olivier Martin « stimule les chercheurs et constitue le moteur de la science »124. Mais c'est surtout le sociologue Pierre Bourdieu qui a su analyser l'économie du champ scientifique. Dans son article intitulé « le champ scientifique », dans les Actes de la recherche en sciences sociales125, il indique que la science obéit aux lois du marché économique sauf que le capital est dit « symbolique » (ce sont les titres, les diplômes, les postes ou les subventions par exemple). Par ailleurs, ce capital symbolique dépend de l'intérêt général et institutionnel : ainsi toutes les recherches se valent mais les plus en vue sont favorisés. Enfin, le milieu scientifique est dominé par des relations de pouvoir, politique et communautaire.
4- histoire des principaux scientifique
Charles Robert Darwin (né le 12 février 1809 à Shrewsbury dans le Shropshire – mort le 19 avril 1882 à Downe dans le Kent) est un naturaliste anglais dont les travaux sur l'évolution des espèces vivantes ont révolutionné la biologie. Célèbre au sein de la communauté scientifique de son époque pour son travail sur le terrain et ses recherches en géologie, il a formulé l'hypothèse selon laquelle toutes les espèces vivantes ont évolué au cours du temps à partir d'un seul ou quelques ancêtres communs grâce au processus connu sous le nom de « sélection naturelle ».
Darwin a vu de son vivant la théorie de l'évolution acceptée par la communauté scientifique et le grand public, alors que sa théorie sur la sélection naturelle a dû attendre les années 1930 pour être généralement considérée comme l'explication essentielle du processus d'évolution. Au XXIe siècle, elle constitue en effet la base de la théorie moderne de l'évolution. Sous une forme modifiée, la découverte scientifique de Darwin reste le fondement de la biologie, car elle explique de façon logique et unifiée la diversité de la vie1.
L'intérêt de Darwin pour l'histoire naturelle lui vint alors qu'il avait commencé à étudier la médecine à l'université d'Édimbourg, puis la théologie à Cambridge2. Son voyage de cinq ans à bord du Beagle l'établit dans un premier temps comme un géologue dont les observations et les théories soutenaient les théories actualistes de Charles Lyell. La publication de son journal de voyage le rendit célèbre. Intrigué par la distribution géographique de la faune sauvage et des fossiles dont il avait recueilli des spécimens au cours de son voyage, il étudia la transformation des espèces et en conçut sa théorie sur la sélection naturelle en 1838.
Ayant constaté que d'autres avaient été qualifiés d'hérétiques pour avoir avancé des idées analogues, il ne se confia qu'à ses amis les plus intimes et continua à développer ses recherches pour prévenir les objections qui immanquablement lui seraient faitesA 1. En 1858, Alfred Russel Wallace lui fit parvenir un essai qui décrivait une théorie semblable, ce qui les amena à faire connaître leurs théories dans une présentation commune3. Son livre de 1859, De l'origine des espèces, fit de l'évolution à partir d'une ascendance commune l'explication scientifique dominante de la diversification des espèces naturelles. Il examina l'évolution humaine et la sélection sexuelle dans la Filiation de l'homme et la sélection liée au sexe, suivi par l'Expression des émotions chez l'homme et les animaux. Ses recherches sur les plantes furent publiées dans une série de livres et, dans son dernier ouvrage4, il étudiait les lombrics et leur action sur le sol5.
Sommaire
1 Biographie
o 1.1 Enfance et Études
o 1.2 Voyage du Beagle
o 1.3 Début de la théorie de l'évolution de Darwin
o 1.4 Surmenage, maladie et mariage
o 1.5 Préparation de la publication de la théorie de la sélection naturelle
o 1.6 Publication de la théorie de la sélection naturelle
o 1.7 Réactions à sa publication
o 1.8 Descent of Man et dernières années
2 Enfants de Darwin
3 Conceptions religieuses de Charles Darwin
4 Darwinisme
o 4.1 Théorie de la sélection naturelle : histoire de l'expression
4.1.1 Postulats de la théorie de l'Évolution
4.1.2 Critiques du darwinisme
o 4.2 Théorie synthétique de l'évolution
5 Continuateurs de Darwin
o 5.1 Trois versions du darwinisme
o 5.2 Héritage de Darwin au XXe siècle
6 Interprétations politiques
o 6.1 Eugénisme
o 6.2 Darwinisme social
7 Commémorations
8 Influence de Darwin et de sa théorie dans la société
9 Annexes
o 9.1 Chronologie
o 9.2 Œuvres de Charles Darwin
9.2.1 Œuvres principales
9.2.2 Œuvres posthumes
10 Bibliographie
11 Notes et références
o 11.1 Sources principales
11.1.1 Autres sources utilisées
12 Voir aussi
o 12.1 Documentaires sur Charles Darwin et son œuvre
o 12.2 Articles connexes
o 12.3 Liens externes

[modifier] Biographie
[modifier] Enfance et Études


Charles Darwin à l'âge de sept ans en 1816, un an avant la mort de sa mère.
Charles Darwin est né dans la maison familiale, dite « maison Mount »6. Il est le cinquième d’une fratrie de six enfants d’un médecin et financier prospère, Robert Darwin (1766-1848) et de Susannah Darwin (née Wedgwood) (1765-1817). Il est le petit-fils du célèbre naturaliste et poète Erasmus Darwin (1731-1802)B 1 du côté paternel et de Josiah Wedgwood (1730-1795), du côté de sa mère. Chacune des deux familles est de confession unitarienne, bien que les Wedgwood aient adopté l’anglicanisme. Robert Darwin, plutôt libre-penseur, accepte que son fils Charles soit baptisé à l’église anglicane. Néanmoins, les enfants Darwin fréquentent avec leur mère la chapelle unitarienne. Le prêcheur de celle-ci devient le maître d’école de Charles en 1817. En juillet de la même année, Susannah Darwin décède alors que Charles n'avait que huit ans. En septembre 1818, il entre au pensionnat de l’école anglicane voisine, l'école de ShrewsburyA 2.
Darwin passe l’été de 1825 comme apprenti médecin auprès de son père qui soigne les pauvres du Shropshire. À l’automne de la même année, il part en Écosse, à l’université d'Édimbourg pour y étudier la médecine, mais il est révolté par la brutalité de la chirurgie et néglige ses études médicales. Il apprend la taxidermie auprès de John Edmonstone, un esclave noir libéré, qui lui raconte des histoires fascinantes sur les forêts tropicales humides d’Amérique du Sud. Plus tard, dans La Filiation de l'homme et la sélection liée au sexe, il se sert de cette expérience pour souligner que, malgré de superficielles différences d’apparence, « les Nègres et les Européens » sont très prochesK 1.
Durant sa seconde année, Charles Darwin rejoint la Société plinienne (ainsi nommée en hommage à Pline l'Ancien considéré comme le premier naturaliste), un groupe d’étudiants spécialement intéressés par l’histoire naturelleC 1 et au sein de laquelle il fait quelques allocutions7. Il devient un élève de Robert Edmond Grant, partisan de la théorie de l’évolution du naturaliste français Jean-Baptiste de Lamarck. (Erasmus Darwin, grand-père de Charles, avait d'ailleurs lui aussi des idées évolutionnistes.) Sur les rivages du Firth of Forth, Charles participe aux recherches de Grant sur les cycles vitaux des animaux marins. Ces recherches portent sur l’homologie, théorie selon laquelle tous les animaux ont des organes similaires ne différant que par leur complexité, ce qui indique leur ascendance communeA 3. En mars 1827, Darwin fait un exposé devant ses camarades pliniens sur sa propre découverte : les spores noires souvent trouvées dans des coquilles d’huîtres sont selon lui les œufs d’une sangsueC 2. Il suit également les cours de Robert Jameson, s’initie à la stratigraphie géologique, à la classification des plantes et utilise les riches collections du muséum de l'université, l’un des plus riches d’Europe de son tempsA 4.
En 1827, son père, insatisfait par l’absence de progrès de son jeune fils, l’inscrit pour obtenir un Bachelor of Arts au Christ's College de Cambridge. Il s’agit de lui donner un diplôme de théologie, dans l'espoir que Charles devienne pasteur anglicanA 5. Néanmoins, Darwin aime mieux monter à cheval et chasser que se consacrer à ses étudesL 1. Avec son cousin William Darwin Fox, il commence à se passionner pour la collection des coléoptèresL 2. Fox lui fait rencontrer le révérend John Stevens Henslow, professeur de botanique et grand connaisseur de ces insectes. Darwin rejoint alors les cours d’histoire naturelle d’Henslow et devient son élève préféré. Il est alors connu des autres professeurs comme « l’homme qui marche avec Henslow »A 6,L 3. Quand les examens se rapprochent, Darwin se concentre sur ses études et reçoit des cours privés d’Henslow. Le jeune homme est particulièrement enthousiaste au sujet des écrits de William Paley, dont la Théologie naturelle (1802) et la conception divine de la nature le fascinentL 4.
« Pour passer l’examen de bachelier, il était également nécessaire de posséder les Évidences du christianisme de Paley et sa Philosophie morale. J’y mis un grand soin, et je suis convaincu que j’aurais pu transcrire la totalité des Évidences avec une correction parfaite, mais non, bien sûr dans la langue de Paley. La logique de ce livre, et je puis ajouter, de sa Théologie naturelle, me procura autant de plaisir qu’Euclide. L’étude attentive de ces ouvrages, sans rien essayer d’apprendre par cœur, fut la seule partie du cursus académique qui, comme je le sentais alors et comme je la crois encore, se révéla de quelque utilité pour l’éducation de mon esprit. Je ne me préoccupais pas à cette époque des prémisses de Paley ; m’y fiant d’emblée, j’étais charmé et convaincu par la longue chaîne de son argumentation. »
— Autobiographie, p. 16
Von Sydow a avancé l'idée que l’enthousiasme de Darwin pour l’« adaptationisme » religieux de Paley a paradoxalement joué un rôle, plus tard, lors de la formulation de sa théorie de la sélection naturelle8. Il passe ses examens en janvier 1831 et, s’il réussit bien en théologie, il remporte de justesse les épreuves de littérature classique, de mathématiques et de physique, arrivant dixième sur une liste de 178 élèves reçusC 3.
Les obligations universitaires obligent Darwin à rester à Cambridge jusqu’en juin. Suivant les conseils d’Henslow, il ne hâte pas son entrée dans les Ordres. Inspiré par le journal de voyage du naturaliste allemand Alexander von Humboldt, il organise un voyage dans l’île de Ténérife avec quelques camarades d’études eux-mêmes fraîchement diplômés, afin d’étudier l’histoire naturelle des tropiques. Pour mieux se préparer, Darwin rejoint les cours de géologie du révérend Adam Sedgwick et, durant l’été, l’assiste à la réalisation d'une carte géologique dans le pays de GallesC 4. Après avoir passé une quinzaine de jours avec des amis étudiants à Barmouth, Darwin retourne chez lui et découvre une lettre d’Henslow qui le recommande comme naturaliste approprié (même si sa formation n’est pas complète) pour un poste non payé auprès de Robert FitzRoy, capitaine de l’HMS Beagle, lequel part quatre semaines plus tard pour faire la cartographie de la côte de l’Amérique du Sud. Son père s’oppose d’abord à ce voyage de deux ans qu’il considère comme une perte de temps, mais il est finalement convaincu par son beau-frère, Josiah Wedgwood II, et finit par donner son accord à la participation de son filsA 7.
[modifier] Voyage du Beagle


Le voyage du Beagle (27 décembre 1831-2 octobre 1836)
Article détaillé : Second voyage de l'HMS Beagle.
Sur les cinq années de l'expédition du Beagle (1831-1836), Darwin passe les deux tiers du temps à terre. Il décrit un grand nombre d'observations géologiques, récolte des organismes vivants ou fossiles, et conserve avec méthode une riche collection de spécimens, bon nombre d'entre eux étant nouveaux pour la science9. À plusieurs reprises durant le voyage, il envoie des spécimens à Cambridge, accompagnés de lettres sur ses découvertes. Cela va contribuer à établir sa réputation de naturaliste. Ses longues notes détaillées montrent sa capacité à théoriser et forment la base de ses travaux ultérieurs. Le journal qu’il tient alors, à l’origine destiné à sa famille, est publié sous le titre The Voyage of the Beagle (Le Voyage du Beagle). Il y récapitule ses observations, et fournit des informations sociales, politiques et anthropologiques sur un grand nombre de personnes qu’il rencontre, coloniaux comme indigènesA 8.
Avant le départ, Robert FitzRoy10,C 5 avait donné à Darwin le premier volume des Principles of Geology de Sir Charles Lyell qui explique les reliefs terrestres par l’accumulation de processus graduels sur de très longues périodes de temps. À leur première escale à l’île de Santiago au Cap-Vert, Darwin observe une bande blanche en altitude dans des falaises volcaniques, bande composée de fragments de coraux et de coquillages cuits. Cette observation, conforme au principe de Lyell sur la lente montée ou descente des reliefs, donna à Darwin une nouvelle perspective sur l'histoire géologique de l'île, et lui met en tête d’écrire un livre sur la géologieC 6. Cette découverte sera suivie par d’autres encore plus décisives9. Il observe que les plaines de Patagonie sont constituées de galets et de coquillages, comme des plages surélevées ; par ailleurs, après un tremblement de terre au Chili, il remarque des bancs de moules au-dessus du niveau des pleines mers, ce qui indique que le niveau de la terre a été récemment surélevé. En altitude, dans les Andes, il observe que des arbres fossiles se sont développés sur une plage de sable, à proximité de coquillages marins. Enfin, il émet la théorie selon laquelle les atolls coralliens se forment sur des cônes volcaniques en cours de submersion, ce qu'il confirme après que le Beagle est passé dans les îles CocosA 9,L 5,O 1.


Alors que le Beagle explore les côtes sud-américaines (ici la Terre de Feu), Darwin commence à théoriser sur les merveilles de la nature autour de lui. Peinture de Conrad Martens réalisée pendant le voyage.
En Amérique du Sud, Darwin découvre des fossiles de mammifères géants éteints inclus dans des couches de coquillages marins récents, ce qui indique une extinction récente sans pour autant révéler de traces de catastrophe ou de changement climatique. Bien qu’il identifie correctement l’un de ces fossiles à un Megatherium et qu’il reconnaisse des fragments de carapace de tatou local, il estime que ces restes sont reliés à des espèces africaines ou européennes ; c’est seulement après son retour que Sir Richard Owen démontre que ces restes sont en réalité proches de créatures ne vivant qu'en AmériqueC 7,11,A 10.
Le deuxième volume de l’ouvrage de Charles Lyell argumente contre le transformisme de Lamarck et explique la distribution des espèces par des « centres de création » (la création divine ne se serait pas déroulée en une fois, mais en plusieurs fois, après des catastrophes ayant fait disparaître les espèces précédentes)A 11. Darwin le reçoit et le lit avec attention, il en déduit des idées qui dépassent ce qu'avait imaginé LyellA 12. En Argentine, il observe que les deux types de nandous occupent des territoires séparés mais se chevauchant en partie. Sur les îles Galápagos, il collecte des miminis et note qu’ils diffèrent en fonction de l’île de provenance. Il avait également entendu dire que les Espagnols vivant dans ces régions sont capables de dire d’où viennent les tortues à leur simple aspect, mais les Espagnols ont conclu qu’ils les ont eux-mêmes introduitesA 13. En Australie, l’ornithorynque et le rat-kangourou lui semblent si étranges qu’ils semblent avoir été l’œuvre de deux créateurs différentsM 1.
Au Cap, Darwin et FitzRoy rencontrent Sir John Herschel, qui avait depuis peu écrit à Lyell au sujet du « mystère des mystères », l’origine des espèces. Lorsqu’il organise ses notes pendant son voyage de retour, Darwin écrit que si ses soupçons au sujet des miminis et des tortues sont justes, « de tels faits sapent la stabilité des espèces », puis, il ajoute prudemment le conditionnel « pourraient »12,13. Il écrit plus tard que « de tels faits m’ont semblé jeter un peu de lumière sur l’origine des espèces »N 1.
Trois indigènes de la Terre de Feu qui avaient été accueillis par le Beagle lors de son précédent voyage sont à bord : ils y reviennent comme missionnaires. Durant leur séjour de deux ans en Angleterre, ils sont devenus des « civilisés », aussi leurs proches apparaissent-ils à Darwin comme des « sauvages malheureux et avilis »14. Un an plus tard15, les missionnaires qui ont été laissés sur place ont abandonné leur mission et seul Jemmy Button vient à leur rencontre ; il est en effet retourné à la vie sauvage et il leur annonce qu'il n'a « aucun désir de retourner en Angleterre » et qu'il est « content et comblé » de son sortM 2. À cause de cette expérience, Darwin vient à penser que l'homme n'est pas tant éloigné des animaux, et que la différence est surtout due à des différences d'avancées culturelles entre civilisations plutôt qu'à des différences raciales. Il déteste l’esclavage qu’il a vu ailleurs en Amérique du Sud, et est désolé des effets du peuplement européen sur les aborigènes d'Australie comme sur les māori de Nouvelle-ZélandeC 8. FitzRoy est chargé d’écrire le récit officiel du voyage du Beagle ; peu avant la fin du périple, il lit le journal de Darwin et lui demande de le retravailler afin d'en faire le troisième volume, celui consacré à l’histoire naturelleC 9.
[modifier] Début de la théorie de l'évolution de Darwin


Encore jeune homme, Charles Darwin rejoint l'élite scientifique britannique. Portrait de George Richmond, fin des années 1830.
Alors que Darwin est toujours en voyage, Henslow travaille à faire connaître son ancien élève en communiquant à des naturalistes éminents des exemplaires de fossiles et une brochure de Darwin contenant ses lettres sur la géologie16. Au retour du Beagle, le 2 octobre 1836, Darwin est devenu une célébrité dans les cercles scientifiques. Après être passé à sa maison de Shrewsbury et avoir revu sa famille, il retourne au plus vite à Cambridge pour voir Henslow, qui lui conseille de trouver des naturalistes capables de décrire les collections et d'en établir le catalogue, et qui accepte lui-même de s'occuper des spécimens de botanique. Le père de Darwin rassemble alors des fonds qui permettent à son fils de devenir un homme de science financièrement indépendant. C'est donc un Darwin enthousiaste qui fait le tour des institutions de Londres dans lesquelles il est partout honoré. Il cherche alors des experts pour décrire les collections, mais les zoologistes ont un énorme retard dans leur travail et certains spécimens courent le risque d'être tout simplement oubliés dans les réservesA 14.
C'est avec une grande curiosité que Charles Lyell rencontre Darwin pour la première fois, le 29 octobre, et il se hâte de le présenter à Sir Richard Owen, un anatomiste promis à un bel avenir, qui a à sa disposition les équipements du Collège royal de chirurgie pour étudier les ossements fossiles que Darwin a recueillis. Parmi les résultats surprenants d'Owen figurent des paresseux géants, un crâne semblable à celui d'un hippopotame appartenant au Toxodon, un rongeur éteint, ainsi que des fragments de carapace d'un énorme tatou disparu (le Glyptodon), et que Darwin a dès le départ conjecturé17,13. Ces créatures fossiles n'ont en effet aucun rapport avec les animaux africains, mais sont étroitement liées aux espèces vivant en Amérique du SudA 15,C 10.


La première esquisse de Darwin d'un arbre phylogénétique tirée de son First Notebook on Transmutation of Species (1837).
À la mi-décembre, Darwin se rend à Cambridge pour organiser le travail sur ses collections et réécrire son journalC 11. Il rédige son premier article où il montre que la masse continentale sud-américaine connaît une lente surrection et, chaudement appuyé par Lyell, le lit à la Société géologique de Londres le 4 janvier 1837. Le même jour, il offre à la Société zoologique ses exemplaires de mammifères et d'oiseaux. L'ornithologue John Gould ne tarde pas à faire savoir que les oiseaux des Galápagos que Darwin croit être un mélange de merles, de « gros-becs » et de fringillidés, constituent, en fait, treize espèces distinctes de fringillidés. Le 17 février 1837, Darwin est élu au Conseil de la Société géographique et, dans son adresse présidentielle, Lyell présente les conclusions d'Owen sur les fossiles de Darwin, en insistant sur le fait que la continuité géographique des espèces confirme ses idées actualistesA 16,18.
Le 6 mars 1837, Darwin s'installe à Londres pour se rapprocher de sa nouvelle charge à la société de géographie. Il se joint au cercle formé autour de scientifiques et de savants comme Charles Babbage notamment, qui croit que Dieu a d'avance ordonné la vie selon des lois naturelles sans procéder à des créations miraculeuses ad hoc. Darwin vit près de son frère Erasmus, un libre-penseur, qui fait partie du cercle Whig et dont l'amie intime, l'auteur Harriet Martineau, promeut les idées de Thomas Malthus qu'on trouve à la base des réformes de la Poor Law prônées par les Whigs. La question de Sir John Herschel sur l'origine des espèces est alors abondamment discutée. Des personnalités du milieu médical, y compris le Dr James Manby Gully vont même jusqu'à rejoindre Grant dans ses idées de transformation des espèces, mais aux yeux des scientifiques amis de Darwin une hérésie aussi radicale met en péril la base divine de l'ordre social déjà menacé par la récession et les émeutesA 17.
Consécutivement John Gould fait savoir que les moqueurs polyglottes des Galápagos originaires des différentes îles sont des espèces distinctes et pas seulement des variétés, tandis que les « troglodytes » constituent encore une autre espèce de fringillidés. Darwin n'a pas noté précisément de quelles îles proviennent les exemplaires de fringillidés, mais il trouve ces renseignements dans les notes d'autres membres de l'expédition sur le Beagle, y compris celles de FitzRoy, qui a enregistré plus soigneusement ce qu'ils ont eux-mêmes collecté. Le zoologiste Thomas Bell montre que les tortues des Galápagos sont indigènes dans l'archipel. Avant la mi-mars, Darwin est convaincu que les animaux, une fois arrivés dans les îles, se sont en quelque sorte modifiés pour former sur les différentes îles des espèces nouvelles ; il réfléchit à cette transformation en notant le résultat de ses pensées sur le « carnet rouge » qu'il a commencé sur le Beagle. À la mi-juillet, il commence son carnet secret, le « carnet B », sur cette transformation et, à la page 36, il écrit « je pense » au-dessus de sa première esquisse d'un arbre montrant l'évolutionA 18,13.
[modifier] Surmenage, maladie et mariage
Alors qu'il est absorbé dans l'étude du transformisme, Darwin est pris par des travaux supplémentaires. Tandis qu'il en est encore à réécrire son Journal, il entreprend de réviser et de publier les rapports d'experts sur ses collections et, avec l'aide de Henslow, obtient une subvention de 1 000 livres sterling pour financer l'écriture de Zoologie du Voyage du H.M.S. Beagle, éditée en plusieurs volumes. Il accepte des délais impossibles à tenir pour cette tâche ainsi que pour un livre sur la Géologie de l'Amérique du Sud qui soutient les idées de Lyell. Darwin finit de rédiger son Journal le 20 juin 1837, juste au moment où la reine Victoria monte sur le trône, mais il lui reste encore à corriger les épreuvesC 12.
La santé de Darwin souffre d'une réelle surcharge de travail. Le 20 septembre 1837, il ressent des « palpitations du cœur ». Son médecin lui ayant prescrit un mois de repos, il se rend alors à Shrewsbury chez des parents du côté maternel à Maer Hall mais il les trouve trop curieux de ses histoires de voyages pour lui laisser quelque repos. Sa cousine Emma Wedgwood, charmante, intelligente et cultivée, et de neuf mois plus âgée que Darwin, soigne la tante de celui-ci, laquelle est invalide. Son oncle Jos lui fait voir un endroit où des cendres ont disparu sous la glaise et suggère qu'il peut s'agir du travail des lombrics. C'est ainsi l'origine d'une conférence que Darwin fait à la Société géologique le 1er novembre, dans laquelle il démontre pour la première fois le rôle des lombrics dans la formation des solsA 19,19.
William Whewell incite Darwin à accepter la charge de secrétaire de la Société géologique. Après avoir d'abord refusé cette tâche supplémentaire, il accepte le poste en mars 1838A 20. En dépit de la besogne apportée par les travaux d'écriture et d'édition, il réalise des progrès remarquables sur le transformisme. Tout en gardant secrètes ses idées sur l'évolution, il ne manque aucune occasion d'interroger les naturalistes expérimentés et, de façon informelle, les gens qui possèdent une expérience pratique comme les fermiers et les colombophiles9,A 21. Avec le temps sa recherche s'élargit : il se renseigne auprès de sa famille, enfants compris, du majordome de la famille, de voisins, de colons et d'anciens compagnons de bordC 13. Il englobe le genre humain dans ses spéculations initiales et, le 28 mars 1838, ayant observé un singe au zoo, il note la ressemblance entre son comportement et celui d'un enfantA 22.
Tous ces efforts finissent par se faire sentir et, dès juin, il est forcé de s'aliter quelques jours sans interruption en raison de problèmes d'estomac, de migraines et de symptômes cardiaquesA 23. Tout le reste de sa vie, il devra plusieurs fois s'arrêter de travailler avec des épisodes de douleurs à l'estomac, de vomissements, de furoncles sévères, de palpitations, de tremblements et d'autres malaises, surtout dans les moments de tension, comme lorsqu'il doit assister à des réunions ou répondre à des controverses sur sa théorie. La cause de cette maladie reste inconnue de son vivant, et les traitements n'ont que peu de succès. Des essais récents de diagnostic suggèrent la maladie de Chagas, que lui ont peut-être communiqué des piqûres d'insectes en Amérique du Sud, la maladie de Menière, ou encore différents troubles psychologiques, comme le trouble panique20. Les spécialistes restent encore dans l'incertitude à ce sujet21.


Charles Darwin choisit de se marier avec sa cousine, Emma Wedgwood.
Le 23 juin 1838, il fait une pause dans son travail en allant faire un peu de géologie en Écosse. Il visite Glen Roy par un temps radieux pour voir les « terrasses » parallèles, ces replats taillés à flanc de coteau. Il y voit des plages surélevées, et en effet les géologues ont démontré plus tard qu'il s'agit des berges d'un lac glaciaireA 24,C 14,L 6.
Complètement rétabli, il revient à Shrewsbury en juillet. Habitué à prendre continuellement des notes sur la reproduction animale, il griffonne des pensées décousues concernant sa carrière et ses projets sur deux petits morceaux de papier : l'un comporte deux colonnes intitulées « Mariage » et « Pas de mariage ». Les avantages comprennent entre autres : « une compagne fidèle et une amie dans la vieillesse… mieux qu'un chien en tout cas » ; et à l'opposé des points comme « moins d'argent pour les livres » et « terrible perte de temps »O 2. S'étant décidé pour le mariage, il en discute avec son père, et rend ensuite visite à Emma le 29 juillet 1838. Il n'a pas le temps de faire sa demande en mariage mais, contre les conseils de son père, parle de ses idées sur le transformismeA 25.
Pendant qu'il continue ses recherches à Londres, l'éventail de lectures très large de Darwin comprend alors, « pour se distraire » selon ses termes, la 6e édition de l’Essai sur le Principe de Population de Thomas Malthus ; celui-ci a calculé qu'en raison du taux de natalité, la population humaine peut doubler tous les 25 ans mais que, dans la pratique, cette croissance est freinée par la mort, la maladie, les guerres et la famine9,22,A 26,23. Darwin est bien préparé pour saisir de suite que cela s'applique aussi au « conflit entre les espèces », remarqué pour les plantes par Augustin Pyrame de Candolle, et à la lutte pour la vie parmi les animaux sauvages, et que c'est là la raison pour laquelle les effectifs d'une espèce demeurent relativement stables. Comme les espèces se reproduisent toujours plus qu'il n'y a de ressources disponibles, les variations favorables rendent les organismes qui en sont porteurs plus aptes à survivre et à transmettre ces variations à leur progéniture, tandis que les variations défavorables finissent par disparaître. S'ensuit la formation de nouvelles espècesA 27,C 15,24,L 7. Le 28 septembre 18389, il note ce nouvel éclairage de la question, le décrivant comme une sorte de moyen épistémologique pour introduire des structures plus adaptées dans les espaces de l'économie naturelle tandis que les structures plus faibles sont éjectées. Il dispose maintenant d'une hypothèse de travail. Au cours des mois suivants, il compare les fermiers qui sélectionnent les meilleurs sujets pour l'élevage à une Nature malthusienne faisant son choix parmi les variantes créées par le « hasard », « de telle sorte que chaque élément [de chaque] structure nouvellement acquise fût complètement mis en œuvre et perfectionné ». Il voit dans cette analogie « la plus belle partie de [sa] théorie »A 28.
Le 11 novembre, il revient à Maer et fait sa demande à Emma, en lui exposant encore une fois ses idées. Elle accepte puis, dans les lettres qu'ils échangent, elle montre à quel point elle apprécie sa franchise mais, du fait de son éducation anglicane très pieuse, elle laisse voir sa crainte que de telles hérésies par rapport à la foi puissent mettre en danger ses espoirs de le retrouver dans la vie éternelle. Pendant qu'il est en quête d'un logement à Londres, les épisodes de maladie continuent et Emma lui écrit pour le presser de prendre un peu de repos, remarquant de façon presque prophétique : « Ne retombez donc plus malade, mon cher Charlie, avant que je puisse être auprès de vous pour prendre soin de vous. ». Il trouve dans la Gower Street ce que le jeune couple appelle le « Cottage de l'Ara » (à cause de son intérieur criard), puis Darwin y déménage son « musée » à Noël. Le mariage est prévu pour le 24 janvier 1839, mais les Wedgwood retardent cette date. Le 24, Darwin a l'honneur d'être élu membre de la Royal SocietyA 29. Le 29 janvier 1839, Darwin et Emma Wedgwood se marient à Maer, au cours d'une cérémonie anglicane aménagée pour convenir aux Unitariens. Ils prennent alors immédiatement le train pour Londres et gagnent leur nouveau foyerA 30.
[modifier] Préparation de la publication de la théorie de la sélection naturelle
Darwin a trouvé la base de sa théorie de la sélection naturelle, mais il est cependant bien conscient de tout le travail qu'il reste à faire pour la rendre crédible aux yeux de ses collègues scientifiques, qui le critiquent farouchement. Le 19 décembre 1838, à la réunion de la Société géologique dont il est secrétaire, il voit Owen et Buckland ne rien cacher de leur haine contre l'évolution en attaquant la réputation de son vieux maître Grant, disciple de LamarckA 31. Le travail continue sur les conclusions auxquelles il est arrivé à bord du Beagle et, en même temps qu'il consulte des éleveurs, il multiplie les expériences sur les plantes, essayant de trouver des preuves qui répondent à toutes les objections auxquelles il s'attend à partir du moment où sa théorie est communiquéeN 2. Quand la Narration25 de FitzRoy est publiée, en mai 1839, le Journal et Remarques de Darwin (plus connu sous le titre Le Voyage du Beagle) qui en constitue le troisième volume rencontre un tel succès que l'on en fait une réédition séparée la même annéeL 8.


Pendant plusieurs années, Darwin étudie les cirripèdes, ici l'anatife Lepas anatifera.
Au début de 1842, Darwin envoie à Lyell une lettre pour lui exposer ses idées ; ce dernier est consterné de voir que celui qui a été son allié refuse maintenant « de voir un commencement à chaque groupe d'espèces ». En mai, le livre de Darwin sur les récifs coralliens est publié après plus de trois années de travail26. En juin il écrit alors une « esquisse sommaire » de sa théorie tenant en 35 pagesA 32,L 9. Pour échapper aux pressions de Londres, la famille s'installe en novembre à la campagne, dans le domaine de Down House. Le 11 janvier 1844, Darwin écrit à son ami, le botaniste Sir Joseph Dalton Hooker, pour lui exposer sa théorie, en disant que c'est presque avouer « un meurtre », mais, à son grand soulagement, Hooker croit qu'« une modification graduelle des espèces pouvait bien avoir eu lieu » et il exprime son intérêt pour l'explication de Darwin. Vers le mois de juillet, Darwin développe une esquisse de ses vues dans un « Essai » de 230 pagesA 33,L 10. Ses craintes de voir ses idées écartées comme une sorte de radicalisme lamarckien sont réveillées une nouvelle fois par la controverse que suscite en octobre une publication anonyme intitulée Vestiges de l'Histoire naturelle de la Création27. Ce livre qui est un best-seller accroît l'intérêt de la classe moyenne pour le transformisme, et ouvre ainsi la voie à Darwin. Cet ouvrage est néanmoins sévèrement attaqué par les scientifiques reconnus, ce qui lui rappelle la nécessité de répondre à toutes les difficultés avant de rendre publique sa théorieB 2. Darwin termine son troisième livre de géologie, Geological Observations on South America28 en 1846 et entreprend à partir d'octobre une vaste étude sur les cirripèdes avec l'aide de Hooker. En janvier 1847, Hooker lit l'« Essai » de Darwin et lui renvoie ses observations ; c'est la critique sereine dont Darwin a besoin, même si Hooker remet en question son rejet de l'idée d'une création continueA 34,29,N 3.
Pour essayer de traiter son état maladif chronique, Darwin se rend à Malvern, une ville thermale, en 1848. La cure de quelques mois lui fait un grand bien et il peut reprendre son travail à son retour. À la mort de son père le 13 novembre, il est néanmoins tellement affaibli qu'il ne peut assister aux funéraillesL 11. En 1849, sa fille, Annie, tombe malade, ce qui réveille sa peur que la maladie puisse être héréditaire. Après une longue série de crises elle meurt en avril 1851, et Darwin perd alors toute foi en un Dieu bienveillantA 35.
Les huit années que Darwin passe à travailler sur les cirripèdes lui permettent de trouver des « homologies » qui confortent sa théorie en montrant que de légers changements morphologiques peuvent permettre à différentes fonctions d'affronter des conditions nouvellesL 12. En 1853, il obtient la Médaille royale de la Royal Society, ce qui établit sa réputation comme biologisteA 36. En 1854, il reprend le travail sur sa théorie des espèces et, en novembre, se rend compte que la divergence dans le caractère de descendants peut s'expliquer par le fait qu'ils se sont adaptés « à des situations différentes dans l'économie de la nature »L 13.
[modifier] Publication de la théorie de la sélection naturelle


Darwin fut contraint à une publication précoce de sa théorie sur la sélection naturelle (portrait de 1854).
Au début de 1855, Darwin cherche à savoir si les œufs et les graines sont capables de survivre à un voyage dans l'eau salée et d'élargir ainsi la distribution de leurs espèces à travers les océans30,31,32. Joseph Dalton Hooker est de plus en plus sceptique quant à la conception traditionnelle selon laquelle les espèces sont immuables, mais son jeune ami Thomas Henry Huxley est fermement opposé à l'évolution. Lyell est lui intrigué par les spéculations de Darwin sans se rendre vraiment compte de leur portée. Après avoir lu un article d'Alfred Russel Wallace sur l’Introduction des espèces, il trouve des ressemblances avec les idées de Darwin et lui conseille de les publier pour établir son antériorité. Bien que Darwin ne voie là aucune menace, il commence néanmoins à rédiger un article court. Trouver des réponses aux questions difficiles l'arrête plusieurs fois, et il élargit alors son projet à un « grand livre sur les espèces » intitulé « La Sélection naturelle ». Il continue aussi ses recherches, obtenant des renseignements et des exemplaires auprès de naturalistes du monde entier, y compris Wallace qui travaille à Bornéo. En décembre 1857, Darwin reçoit de Wallace une lettre lui demandant si son livre examine les origines humaines. Il répond qu'il veut éviter un tel sujet, « si encombré de préjugés », tandis qu'il encourage l'essai de théorisation de Wallace, ajoutant : « Je vais beaucoup plus loin que vous »A 37.
Darwin en est à mi-chemin de son livre quand, le 18 juin 1858, il reçoit une lettre de Wallace qui décrit la sélection naturelle. Bien qu'ennuyé d'avoir été « devancé », il la transmet à Lyell comme convenu et, bien que Wallace n'ait pas demandé qu'elle soit publiée, il propose de l'envoyer à n'importe quel journal choisi par Wallace. La famille de Darwin est alors plongée dans l'angoisse car dans le village des enfants meurent de la scarlatine, aussi remet-il l'affaire entre les mains de Lyell et de Hooker. Ils conviennent de présenter ensemble à la Linnean Society, le 1er juillet le discours intitulé Sur la Tendance des espèces à former des variétés ; et sur la Perpétuation des variétés et des espèces par les moyens naturels de la sélection3. Néanmoins, comme Charles, le dernier enfant des Darwin, alors encore au berceau, vient de mourir de la scarlatine, son père est trop bouleversé pour être présentA 38.
Sur le moment on prête peu d'attention à l'annonce de cette théorie ; le président de la Linnean remarque en mai 1859 que l'année précédente n'a été marquée par aucune découverte révolutionnaireC 16. Par la suite, Darwin ne peut se souvenir que d'une seule recension, celle du professeur Haughton, de Dublin, qui proclame que « tout ce qu'il y avait là de nouveau était inexact, et tout ce qui était exact n'était pas nouveau »O 3. Darwin s'acharne pendant treize mois pour écrire un résumé de son « grand livre », souffrant de problèmes de santé, mais encouragé constamment par ses amis scientifiques, et Lyell s'arrange pour le faire publier par Sir John MurrayA 39.
L'ouvrage Sur l'Origine des Espèces au moyen de la Sélection Naturelle, ou la Préservation des Races les meilleures dans la Lutte pour la Vie, titre d'habitude raccourci sous la forme L'Origine des espèces, a auprès du public un succès inattendu. Le tirage entier de 1 250 exemplaires est déjà réservé quand il est mis en vente chez les libraires le 22 novembre 1859A 40. Darwin y développe « une longue argumentation » fondée sur des observations détaillées, y expose des inférences et la prise en compte des objections attenduesN 4. Cependant, sa seule allusion à l'évolution chez l'homme est l'affirmation, discrète, que « des lumières seront jetées sur l'origine de l'homme et son histoire ». Il évite ainsi le mot « évolution », controversé à l'époque, mais à la fin du livre il conclut que « des formes sans cesse plus belles et plus admirables ont été élaborées et continuent à l'être »N 5. Sa théorie est exposée de façon simple dans l'introduction :
« Comme il naît beaucoup plus d'individus de chaque espèce qu'il n'en peut survivre, et que, par conséquent, il se produit souvent une lutte pour la vie, il s'ensuit que tout être, s'il varie, même légèrement, d'une manière qui lui est profitable, dans les conditions complexes et quelquefois variables de la vie, aura une meilleure chance pour survivre et ainsi se retrouvera choisi d'une façon naturelle. En raison du principe dominant de l'hérédité, toute variété ainsi choisie aura tendance à se multiplier sous sa forme nouvelle et modifiéeN 6. »
[modifier] Réactions à sa publication


Caricature montrant Darwin avec un corps de singe et la grande barbe qu'il se laisse pousser à partir de 1866, magazine Hornet de 1871.
Malgré sa publication dans la précipitation — un de ses confrères, Alfred Russel Wallace, s'apprête en effet à publier une théorie similaire —, l'ouvrage de Charles Darwin suscite un vif intérêt dans le public, pour l'époque, en se vendant à 1 250 exemplaires le jour de sa sortie, le 24 novembre 1859. Cette première édition épuisée, une seconde de 3 000 exemplaires est publiée en janvier de l'année suivante. Son livre provoque une controverse que Darwin suit de près, conservant les coupures de presse avec les recensions, les articles, les railleries, les parodies et les caricaturesC 17. L'évolution par la sélection naturelle fut largement discutée, voire dénigrée, particulièrement dans les communautés religieuse et scientifique. Bien que Darwin soit soutenu par certains scientifiques (par exemple, Thomas Henry HuxleyB 3, Ernest Renan ou encore Ernst Haeckel qui le popularise très tôt en Allemagne), d'autres hésitent à accepter sa théorie à cause de la capacité inexpliquée des individus à transmettre leurs capacités à leurs descendants. En effet, Darwin reprend l'idée, très populaire à l'époque, de la transmission des caractères acquis ; il en propose même une théorie dans son ouvrage de 1868. Ce dernier point est pourtant étudié au même moment par Gregor Mendel, mais il ne semble pas que les deux hommes aient communiqué à ce propos33,34. Même avec les lois de Mendel, le mécanisme sous-jacent reste un mystère jusqu'à ce que l'on découvre l'existence des gènes.
Les critiques hostiles ont très tôt fait de tirer les conséquences qui ne sont pas exprimées, comme le fait que les hommes descendent des singes. Pourtant, dans L'Origine des espèces, Darwin ne parle pas des origines de l'homme. Le public confond les idées exprimées dans le livre de Darwin avec celles de Lamarck, qui cinquante ans auparavant a avancé cette idée, sans alors faire scandale. Parmi les réponses favorables, les recensions de Huxley adressent des critiques à Richard Owen, chef de l'establishment scientifique qu'il voulait ébranler. Le verdict d'Owen reste inconnu jusqu'à ce que son compte-rendu d'avril condamne finalement le livreA 41. L'establishment scientifique de l'Église d'Angleterre, qui comprend les anciens maîtres de Darwin à Cambridge, Adam Sedgwick et John Stevens Henslow, réagit de façon hostile, malgré un accueil favorable dans la génération plus jeune des naturalistes professionnels. En 1860 cependant, la publication de Essays and Reviews par sept théologiens anglicans libéraux détourne de Darwin l'attention des hommes d'Église. Ces derniers condamnent comme hérétique une telle manifestation de la critique libérale car on y trouve entre autres cet argument que, par les miracles, Dieu enfreint ses propres loisA 42.


Autre célèbre caricature de Darwin, française, reproduite dans le magazine satirique La Petite Lune.
Le débat public le plus fameux a lieu à Oxford lors d'une réunion de l'Association britannique pour l'Avancement des Sciences. Le professeur John William Draper prononce un long plaidoyer en faveur de Darwin et du progrès social ; c'est alors que l'évêque d'Oxford, Samuel Wilberforce, s'en prend à Darwin. Dans la discussion qui s'ensuit, Joseph Dalton Hooker prend énergiquement parti pour Darwin tandis que Thomas Huxley se constitue comme le « bouledogue de Darwin ». Il fut en effet le défenseur le plus farouche de la théorie de l'Évolution à l'époque victorienne. Les deux partis se séparent en criant victoire chacun, mais Huxley reste célèbre par sa réponse. Comme Wilberforce lui avait demandé s'il descend bien du singe par son grand-père ou par sa grand-mère, Huxley rétorque : « c'est Dieu lui-même qui vient de le livrer entre mes mains » et il réplique qu'il « préférerait descendre d'un singe plutôt que d'un homme instruit qui utilisait sa culture et son éloquence au service du préjugé et du mensonge »35,A 43.
Le débat déborde le cadre de la science, de l'Église anglicane et du protestantisme. Les autorités de l'Église catholique entrent dans la polémique. Dès 1860, en effet, une réunion d'évêques qui se tient à Cologne 36 précise la position catholique. Sans condamner Darwin, ni le principe de l'évolution des espèces animales, les évêques affirment qu'une intervention divine est nécessaire au moins à l'origine de l'univers (pour lui donner son existence et ses lois) ainsi que lors de l'apparition de l'homme. Ce sera désormais la position constante des autorités catholiques (moins hostiles à l'évolution que les courants protestants dits « créationnistes »).
Tenu éloigné des discussions publiques par sa maladie, Darwin n'en lit pas moins avec passion ce qu'on rapporte et reçoit des soutiens par courrier. Asa Gray convainc un éditeur aux États-Unis de payer des droits d'auteur, et Darwin fait venir et distribue la brochure de Gray qui montre que la sélection naturelle n'est nullement incompatible avec la théologie naturelleA 44,37. En Grande-Bretagne, ses amis, y compris Hooker38 et Lyell39, prennent part aux discussions scientifiques qu'Huxley mène avec rage pour briser la domination de l'Église, incarnée par Owen, en faveur d'une nouvelle génération de professionnels de la science. Owen commet en effet l'erreur d'invoquer certaines différences anatomiques entre le cerveau du singe et le cerveau humain, et accuse Huxley de soutenir que « l'homme descend du singe ». Huxley est heureux de soutenir cette opinion et sa campagne, qui dure plus de deux ans, est une vraie catastrophe pour Owen et la « vieille garde »A 45, qui se trouvent ainsi éliminés des débats. Les amis de Darwin forment alors le « Club X ». Ils l'aident à lui valoir l'honneur de la Médaille Copley que lui décerne la Royal Society en 186439.
Si l'ouvrage Vestiges a déjà suscité dans le public le plus vaste intérêt, L'Origine des espèces est traduit dans un grand nombre de langues et connaît de nombreuses réimpressions, devenant un texte scientifique de base accessible aussi bien à une classe moyenne curieuse de cette nouveauté qu'aux simples travailleurs qui se pressent aux conférences d'Huxley. La théorie de Darwin40 correspond d'ailleurs aux différents mouvements sociaux de l'époque41 et elle devient un des fondements clés de la culture populaire (par exemple, la chanson A lady fair of lineage high de William S. Gilbert et Arthur Sullivan interprétée par Princess Ida, qui décrit l'ascendance simiesque de l'homme, mais pas des femmes).
[modifier] Descent of Man et dernières années


Portrait de Charles Darwin réalisé en 1868 par Julia Margaret Cameron.
Malgré des rechutes continuelles pendant les vingt-deux dernières années de sa vie, Darwin continue son travail. Il publie un résumé de sa théorie mais les aspects les plus controversés de son « grand livre » restent incomplets, y compris la preuve explicite du fait que l'humanité descend d'animaux antérieurs à elle, et la recherche de causes possibles qui sont à la base du développement de la société et des capacités mentales de l'homme. Il doit encore expliquer des caractéristiques sans utilité évidente si ce n'est dans un but esthétique. Darwin continue par conséquent à faire des expériences, à chercher et à écrire.
Quand la fille de Darwin tombe malade, il suspend ses expériences sur les semences et les animaux domestiques pour l'accompagner au bord de la mer ; là il s'intéresse aux orchidées42,43 et il en résulte une étude révolutionnaire sur la façon dont la beauté des fleurs sert à assurer la pollinisation par les insectes et à garantir une fertilisation avec croisement. Comme avec les balanes, les parties homologues remplissent des fonctions différentes chez les diverses espèces. De retour chez lui, il retrouve son lit de malade dans une pièce que remplissent ses expériences sur les plantes grimpantes. Il reçoit la visite d'Ernst Haeckel, un de ses admirateurs et qui a propagé sa théorie en Allemagne44. Wallace continue aussi à le soutenir, bien qu'il verse de plus en plus dans le spiritisme45.
De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication (1868)46 constitue la première partie du « grand livre » que Darwin projette d'écrire. Il travaille alors au développement du « résumé » qu'il a publié sous le titre L'Origine des espèces. Cette première partie s'agrandit jusqu'à devenir deux gros volumes, le forçant à laisser de côté l'évolution humaine et la sélection sexuelle. Elle se vend bien malgré sa tailleA 46.
Dans ce livre, Darwin continue à soutenir qu'une des causes de l'évolution est l'effet de l'usage et du non-usage, théorie déjà exposée par Lamarck47 qu'on appela plus tard transmission ou hérédité des caractères acquis48. Il s'efforce maintenant de donner une explication théorique de l'hérédité des caractères acquis à l'aide de l'hypothèse de la pangenèse49,50. Un livre supplémentaire de démonstrations, qui traite dans le même style de la sélection naturelle, est écrit en grande partie, mais reste inédit jusqu'à ce qu'il soit transcrit en 197551.
La question de l'évolution humaine a été soulevée par ses partisans (et ses détracteurs) peu de temps après la publication de L'Origine des espèces52, mais la contribution propre de Darwin sur ce sujet apparaît plus de dix ans plus tard avec l'ouvrage en deux volumes La Filiation de l'homme et la sélection liée au sexe, publié en 1871. Dans le deuxième volume, Darwin délivre en toutes lettres sa conception de la sélection sexuelle pour expliquer l'évolution de la culture humaine, les différences entre les sexes chez l'homme et la différenciation des races humaines, aussi bien que la beauté du plumage chez les oiseaux, lequel ne semble pas, selon lui, le résultat d'une adaptation53. L'année suivante Darwin publie son dernier travail important, L'Expression des émotions chez l'homme et les animaux, consacré à l'évolution de la psychologie humaine et sa proximité avec le comportement des animaux. Il développe ses idées selon lesquelles chez l'homme l'esprit et les cultures sont élaborés par la sélection naturelle et sexuelle54, conception qui a connu une nouvelle jeunesse à la fin du XXe siècle avec l'émergence de la psychologie évolutionniste55. Comme il conclut dans La Filiation de l'Homme, Darwin estime qu'en dépit de toutes les « qualités nobles » de l'humanité, et des « pouvoirs qu'elle avait développés », « L'homme porte toujours dans sa constitution physique le sceau ineffaçable de son humble origine »K 2. Ses expériences et ses recherches concernant l'évolution trouvent leur conclusion dans des ouvrages sur le mouvement des plantes grimpantes, les plantes insectivores, les effets des croisements des plantes et leur auto-fertilisation, les différentes formes de fleurs sur des plantes de la même espèce, toutes recherches publiées dans La Capacité des plantes à se mouvoir. Dans ce dernier livre, il revient également à l'influence des lombrics sur la formation des sols4.
Charles Darwin meurt à Downe, dans le Kent, le 19 avril 1882. Il a demandé à être enterré au cimetière St. Mary à Downe56, mais sur les instances des collègues de Darwin, et notamment William Spottiswoode, président de la Société royale qui intervient pour qu'il reçoive des funérailles officielles, il est enterré dans l'Abbaye de Westminster, près de l'astronome John Herschel et du physicien Isaac NewtonC 18.
[modifier] Enfants de Darwin

Darwin en 1842 avec son fils aîné, William Erasmus Darwin.

Les enfants de Darwin
William Erasmus Darwin
(27 décembre 1839–1914)

Anne Elizabeth Darwin
(2 mars 1841–22 avril 1851)

Mary Eleanor Darwin
(23 septembre 1842–16 octobre 1842)

Henrietta Emma Etty Darwin
(25 septembre 1843–1929)

George Howard Darwin
(9 juillet 1845–7 décembre 1912)

Elizabeth Bessy Darwin
(8 juillet 1847–1926)

Francis Darwin
(16 août 1848–19 septembre 1925)

Leonard Darwin
(15 janvier 1850–26 mars 1943)

Horace Darwin
(13 mai 1851–29 septembre 1928)

Charles Waring Darwin
(6 décembre 1856–28 juin 1858)

Les Darwin eurent dix enfants : deux moururent en bas âge, et la disparition d'Annie, alors qu'elle n'avait que dix ans, affecta profondément ses parents. Charles était un père dévoué et très attentif envers ses enfants. Chaque fois qu'ils tombaient malades, il craignait que ce soit dû à la consanguinité, puisqu'il avait épousé sa cousine, Emma Wedgwood. Il se pencha sur cette question dans ses écrits, mettant en opposition les avantages des croisements chez beaucoup d'organismesA 47. Malgré ses craintes, la plupart des enfants qui survécurent firent des carrières remarquables, se distinguant même à l'intérieur de la famille Darwin-Wedgwood, déjà composée d'esprits fort brillants57.
Parmi eux, George, Francis et Horace devinrent membres de la Royal Society, se signalant respectivement comme astronome58, botaniste et ingénieur civil59. Son fils Leonard fut militaire, politicien, économiste. Partisan de l'eugénisme, il eut comme disciple Sir Ronald Aylmer Fisher (1890-1962)60, statisticien et biologiste de l'évolution.
[modifier] Conceptions religieuses de Charles Darwin
Article détaillé : Opinion de Charles Darwin sur la religion.


La mort de sa fille, Annie, en 1851, fut l'événement qui écarta Darwin, déjà en proie au doute, de la foi en un Dieu bienfaisant.
Bien que sa famille fût en majorité non-conformiste et que son père, son grand-père et son frère fussent libres-penseursA 48, au début, Darwin ne doutait pas de la vérité littérale de la BibleL 14. En ce sens, « l'œuvre de Darwin et sa postérité s'inscrivent plus précisément encore dans le cadre de l'époque victorienne »B 4. Il avait fréquenté une école de l'Église d'Angleterre, puis étudié la théologie anglicane à Cambridge pour embrasser une carrière ecclésiastiqueA 49. Il avait été convaincu par l'argument téléologique de William Paley qui voyait dans la nature un dessein prouvant l'existence de DieuL 15 ; cependant au cours du voyage du Beagle Darwin se demanda, par exemple, pourquoi de superbes créatures avaient été faites au fond des océans là où personne ne pourrait les voir, ou comment il était possible de concilier la conception de Paley d'un dessein bienveillant avec la guêpe ichneumon qui paralyse des chenilles pour les donner à ses œufs comme des aliments vivants61,62,L 16. Il restait tout à fait orthodoxe et citait volontiers la Bible comme une autorité dans le domaine de la morale, mais ne croyait plus à l'historicité de l'Ancien TestamentO 4.
Alors qu'il menait ses recherches sur la transformation des espèces Darwin savait que ses amis naturalistes y voyaient une hérésie abominable qui mettait en péril les justifications miraculeuses sur lesquelles était fondé l'ordre social ; sa théorie ressemblait alors aux arguments radicaux qu'utilisaient les dissidents et les athées pour attaquer la position privilégiée de l'Église d'Angleterre en tant qu'Église établieA 50. Bien que Darwin eût écrit que la religion était une stratégie tribale de survivance, il croyait cependant toujours que Dieu était le législateur suprême63,64. Cette conviction fut peu à peu ébranlée et, avec la mort de sa fille Annie en 1851, il finit par perdre toute foi dans le christianismeA 51. Il continua à aider son église locale pour le travail paroissial, mais le dimanche il allait se promener pendant que sa famille se rendait à l'église. Désormais, il jugeait préférable de regarder la douleur et les souffrances comme le résultat de lois générales plutôt que d'une intervention directe de DieuL 17. Interrogé sur ses conceptions religieuses, il écrivit qu'il n'avait jamais été un athée dans le sens où il aurait nié l'existence de Dieu mais que, de façon générale, « c'est l'agnosticisme qui décrirait de la façon la plus exacte [son] état d'esprit »L 18.
Le Récit de Lady Hope, publié en 1915, soutenait que Darwin était revenu au christianisme au cours de sa dernière maladie. Une telle affirmation a été démentie par ses enfants et les historiens l'ont également écartée. Sa fille, Henrietta, qui était à son lit de mort, a en effet dit que son père n'était pas retourné au christianisme65. Ses derniers mots ont été en réalité adressés à Emma : « Rappelez-vous la bonne épouse que vous avez été »C 19.
[modifier] Darwinisme
[modifier] Théorie de la sélection naturelle : histoire de l'expression
Article détaillé : Sélection naturelle.
Si la théorie du transformisme de Lamarck a ouvert la voie, la révolution évolutionniste est arrivée avec Charles Darwin et son ouvrage De l'origine des espèces (1859) dans lequel deux grandes idées, appuyées par des faits, émergent : l'unité et la diversité du vivant s'expliquent par l'évolution, et le moteur de l'évolution adaptative est la sélection naturelle. Un manuscrit inachevé de 1856-1858 permet d'attirer l'attention sur le fait que la théorie de la sélection naturelle telle qu'exposée dans De l'Origine des Espèces n'était pour Darwin qu'un résumé provisoire de ses vues. Darwin avait en effet projeté d'écrire trois volumes (l'un sur les variations des espèces domestiques, un second sur celles à l'état de nature et un dernier consacré à la sélection naturelle générale). La crainte de perdre la paternité de sa découverte au profit de Alfred Wallace poussa Darwin à ne publier que ses écrits provisoires et partiels. En effet, seul le premier paru, en 1868, dans De l'Origine des Espèces, accompagné de réponses à d'éventuelles critiques sur divers sujetsB 5. Cependant, Darwin n'utilise pas le mot « évolution » dans son œuvre, puisque ce terme n'est introduit que dans les années 1870 explique Stephen Jay Gould66,67. Par ailleurs, « beaucoup d'historiens voient dans l'Origine des espèces une des sources principales de l'écologie moderne (...) C'est l'interprétation proposée en 1957 par Robert Stauffer »68. L'évolution et ses mécanismes sont encore largement étudiés aujourd'hui ; en effet, de nombreux points, déjà soulevés par Charles Darwin, sur les mécanismes de l'évolution ne sont pas encore éclaircis. Par ailleurs le darwinisme a dès ses débuts souffert d'un amalgame avec l'évolutionnisme : « Du vivant même de Darwin, vingt ans après la parution de De l'Origine des Espèces, le terme darwinisme était pratiquement devenu synonyme d'évolutionnisme »B 6, renvoyant à un évolutionnisme finalisé et universalisant, dilué dans la notion de progrès linéaire et de plus en plus fondé sur la notion d'hérédité des caractères acquis. Cette divergence tient des apports de Weismann et de Wallace, puis de la redécouverte des lois de Mendel en 1900B 7. Enfin, « De nos jours encore, l'usage des termes demeure ambigu. Pour les biologistes contemporains, le « darwinisme » désigne essentiellement — mais pas toujours — la théorie de la sélection naturelle, et dès la fin du XIXe siècle s'esquissent des théories de l'évolution regroupées sous le terme — d'abord péjoratif — de « néo-darwinisme » »B 8.
[modifier] Postulats de la théorie de l'Évolution
Article détaillé : De l'origine des espèces.
Dans son livre De l'origine des espèces, Darwin expose une théorie selon laquelle, étant donné que tous les individus d'une espèce diffèrent au moins légèrement, et que seule une partie de ces individus réussit à se reproduire, seuls les descendants des individus les mieux adaptés à leur environnement participeront à la génération suivanteB 9. Ainsi, comme les individus sélectionnés transmettent leurs caractères à leur descendance, les espèces évoluent et s'adaptent en permanence à leur environnement. Il baptise du nom de « sélection naturelle » cette sélection des individus les mieux adaptés ; en effet Darwin n'utilise jamais le terme d'« évolution »B 10. Ainsi, de façon sommaire, la sélection naturelle désigne le fait que les traits qui favorisent la survie et la reproduction voient leur fréquence s'accroître d'une génération à l'autre ; elle repose sur trois principes69 : le principe de variation, qui explique que les individus diffèrent les uns des autres, le principe d'adaptation (les individus les plus adaptés au milieu survivent et se reproduisent davantage) et le principe d'hérédité, enfin, qui pose que les caractéristiques avantageuses dans une espèce doivent être héréditaires. Darwin évoque également une lutte pour l'existence, principe qui permet d'expliquer pourquoi les variations d'un individu ou d'une espèce tend à la préservation de cet individu ou de cette espèce, tout en permettant la transmission héréditaire de cette variation. L'idée de Darwin englobe à la fois l'idée de compétition et de solidaritéB 11. Darwin y adjoint par la suite une « sélection sexuelle », résultat d'une lutte pour la vie entre mâles pour la possession des femelles, puis un « principe de divergence » qui explique notamment l'extinction des espècesB 12.
[modifier] Critiques du darwinisme
Article détaillé : Historique des critiques des théories de l'évolution.
Les critiques à l'encontre de Darwin et de sa théorie sont de trois ordres : les critiques politiques, sociales et philosophiques ; les critiques scientifiques avec Rémy Chauvin, Pierre-Paul Grassé ou Étienne Rabaud ; et les critiques religieuses, avec le créationnisme et l'Église catholique romaine.
En 1910, le sociologue Jacques Novicow publie La critique du darwinisme social, qui contient une critique du darwinisme sur le plan biologique et une critique de l'usage qui est fait du darwinisme dans la sociologie. Une critique d'ordre politique provient de Karl Marx et de Friedrich Engels qui dans leur correspondance notent l'analogie entre le principe de la sélection naturelle et le fonctionnement du marché capitaliste. Mais ils ne développeront pas plus avant cette critique70, aujourd'hui reprise et étoffée par l'historien des sciences André Pichot dans son ouvrage publié en 2008. Karl Marx cite l'Origine des Espèces dans le Capital et y note l'analogie et la distinction entre « l'histoire de la technologie naturelle » et « l'histoire de la formation des organes productifs de l'homme social ».
La critique scientifique prend diverses formes.
Le néo-lamarckien Étienne Rabaud critique de manière assez radicale le notion d'adaptation, en montrant que la sélection naturelle ne retient pas le plus apte, mais élimine seulement les organismes dont l'équilibre des échanges est déficitaire. Pour Rémy Chauvin dans Le Darwinisme ou la fin d’un mythe. L’esprit et la matière le darwinisme s'apparente à une secte prônant un athéisme obtus, aux postulats scientifiques contestables71.
Mais c'est surtout le problème du chaînon manquant de la lignée humaine (un être qui serait intermédiaire entre le singe et l'homme) qui a longtemps été employé contre la théorie de l'évolution.
[modifier] Théorie synthétique de l'évolution
Article détaillé : Théorie synthétique de l'évolution.
La découverte des lois de Mendel et de la génétique au début du XXe siècle bouleverse la compréhension des mécanismes de l'évolution et donne naissance à la Théorie synthétique de l'évolution ou evolutionary synthesis, fondée par Ernst Mayr. Cette théorie est une combinaison de la théorie de la sélection naturelle proposée par Darwin et de la génétique mendélienne. Elle est à l'origine de nouvelles méthodes dans l'étude de l'évolution, comme la génétique des populations permise par Sewall Wright puis par Theodosius Dobzhansky (Genetics and the Origin of Species, 1937) par exemple. La Sélection n'est dès lors plus seulement un processus d'élimination ni même un mécanisme de changement mais elle peut aussi maintenir la stabilité des populations par des « procès d'équilibration »B 13. Les découvertes les plus récentes confortent ainsi l'idée de l'existence d'une très grande fréquence des variations, même si, remarque Daniel Becquemont, cette théorie synthétique pose autant de problèmes que la théorie de Darwin en son temps.
[modifier] Continuateurs de Darwin
[modifier] Trois versions du darwinisme
Plusieurs courants se rattachant au darwinisme apparurent dans le sillage des découvertes de Darwin. D'un côté la pensée de Darwin fut définitivement rejetée, de l'autre elle a été approfondie mais aussi transformée, note Daniel BecquemontB 14. Si l'on excepte les interprétations politiques comme celles de Francis Galton ou de Weldon, trois disciples de Darwin développèrent sa théorie dans des sens différents en fonction des nouveaux apports de la science biologique ; tous trois peuvent se réclamer légitimement de l'héritage darwinien.
Avec le biologiste allemand August Weismann (1834-1914) tout d'abord le darwinisme se « rénove », au travers de sa théorie de la sélection germinale et qui soutient qu'il se produit une sorte de sélection au niveau des éléments constituants du plasma germinatif, qui entrent alors en concurrence. Weisman permit « une distinction fondamentale entre les variations non transmissibles du phénotype et les variations génotypiques, seules sources de l'évolution »B 15. Alfred Russel Wallace (1823-1913) publie en 1895 un traité complet consacré au darwinisme dont l'essentiel de la démonstration très proche de celle de Darwin, est consacrée à l'illustration de la validité de la théorie de la sélection naturelle, concernant la couleur et les caractères sexuels secondairesB 16. Sur ce point, selon Daniel Becquemont Wallace se montre plus darwinien que Darwin, puisque ce dernier n'a jamais voulu reconnaître que ces caractères obéissent également à la loi de la sélection naturelle. Néanmoins il s'en écarte par son soutien à l'idée que la notion d'utilité régit la sélection naturelleB 17. Wallace vécut dans l'ombre de Darwin, même s'il fut le codécouvreur de la théorie de la sélection naturelle. Pourtant il en développa la portée et les contours, si bien que de nombreuses critiques, dont celle d'un partisan de l'orthodoxie darwinienne comme George John Romanes (1848-1894), lui attachent le surnom de « père du néo-darwinisme »B 18. Ce dernier réfute la notion d'utilité en biologie, expliquant que la sélection naturelle n'est jamais parfaite mais procède d'adaptations temporaires. Il défend ainsi principalement la notion d'hérédité des caractères acquis.
[modifier] Héritage de Darwin au XXe siècle
C'est avec la redécouverte des travaux de Gregor Mendel en 1900, par plusieurs naturalistes que se prolonge l'apport de Darwin, notamment dans son rapprochement de la génétiqueB 19. Les premières théories mutationnistes apparaissent alors, avec Hugo De Vries et Wilhelm Johannsen, puis avec Thomas Hunt Morgan, Fritz Müller et Alfred Sturtevant. Le darwinisme se scinda dès lors en deux courants, l'un lié à la génétique et un autre, plus traditionnel et naturaliste. Le premier voyait l'évolution en termes de pression de mutation alors que le second raisonnait par spéciation et adaptationB 20.
Stephen Jay Gould est un paléontologue américain qui a beaucoup œuvré à la vulgarisation de la théorie de l'évolution en biologie et à l'histoire des sciences depuis Darwin. Il a formulé la théorie des équilibres ponctués, selon laquelle les transitions évolutives entre les espèces au cours de l'évolution se font brutalement et non graduellement. Par la suite, il en viendra à insister sur le rôle du hasard dans l'évolution (la « contingence »), contre la vision adaptationniste naïve qu'il critiqueB 21. Il a aussi mené la campagne contre les créationnistes, avec le procès visant à démontrer que la « science » de ces derniers, principalement représentée par le dessein intelligent (en anglais intelligent design), ne répondait pas aux critères fondamentaux de la méthode scientifique, et n'était qu'un moyen détourné de contourner la loi afin d'imposer l'enseignement du créationnisme à l'école en lui donnant un visage pseudo-scientifique. Gould a travaillé avec un autre défenseur et continuateur de Darwin, Niles Eldredge, auteur de Darwin : Discovering the Tree of Life.
Richard Dawkins, éthologiste britannique et vulgarisateur et théoricien de l'évolution est enfin le principal défenseur de l'héritage darwinien au XXe siècle, et en particulier face à la théorie du dessein intelligent. Il prolonge le darwinisme dans le champ de la génétique avec son concept de « gène égoïste » en soutenant que mettre au centre de l'évolution le gène est une meilleure description de la sélection naturelle et que la sélection au niveau des organismes et des populations ne l'emporte jamais sur la sélection par les gènes. Par ailleurs sa mémétique développe l'idée que les gènes ont un équivalent culturel, les mèmes.
[modifier] Interprétations politiques
Les écrits et les théories de Darwin, combinés avec les découvertes génétiques de Gregor Mendel (1822-1884) (la Théorie synthétique de l'évolution), sont considérés comme formant la base de toute la biologie moderne72,1. Cependant, la renommée et la popularité de Darwin ont conduit à associer son nom à des idées et des mouvements qui n'entretiennent qu’une relation indirecte à son œuvre, voire sont à l’opposé de ses convictions.
Il faut dire qu'il est arrivé au moins une fois à Darwin d'exprimer des idées racistes et de les mettre en relation avec sa théorie. Ainsi, dans le passage suivant, il considère le Noir et l'aborigène australien comme plus proches du gorille que le Caucasien : « Dans un avenir pas très lointain si on compte par siècles, les races humaines civilisées vont certainement exterminer les races sauvages et prendre leur place à travers le monde. En même temps, comme l'a remarqué le Professeur Schaaffhausen, les singes anthropomorphes seront sans aucun doute exterminés. Le fossé entre l'homme et ses plus proches alliés sera alors plus large, car il séparera d'une part l'homme arrivé à un état plus civilisé, pouvons-nous espérer, que le Caucasien lui-même, et d'autre part quelque singe aussi inférieur que le babouin, au lieu de passer comme aujourd'hui entre le nègre ou l'aborigène australien d'une part et le gorille d'autre part73. »
[modifier] Eugénisme
Article détaillé : Eugénisme.
À la suite de la publication par Darwin de son ouvrage principal, De l'Origine des Espèces, son cousin Francis Galton appliqua ses conceptions à la société humaine, commençant en 1865 à promouvoir l'idée de « l'amélioration héréditaire », d'abord dans l'essai Hereditary talent and character de 186574, puis dans Hereditary genius: an inquiry into its laws and consequences et dans lequel il élabore sa théorie de façon détaillée en 186975, vision biométrique du darwinismeB 22. Dans La Filiation de l'homme et la sélection liée au sexe, Darwin convient que Galton avait démontré qu'il était probable que le « talent » et le « génie » chez l'homme étaient héréditaires, mais il jugeait comme trop utopiques les changements sociaux que proposait GaltonK 3. Ni Galton ni Darwin ne soutenaient cependant une intervention gouvernementale et ils pensaient que, tout au plus, l'hérédité devrait être prise en considération par les individus dans la recherche de partenairesK 4. En 1883, après la mort de Darwin, Galton commença à appeler « eugénisme » sa philosophie sociale76. Au XXe siècle, les mouvements eugénistes devinrent populaires dans un certain nombre de pays et participèrent aux programmes de contrôle de la reproduction tels que les programmes de stérilisations contraintes américains77. Par la suite, ceux-ci furent mal perçus, du fait de leur usage par l'idéologie de l'Allemagne nazie dans ses objectifs de « pureté » raciale78.
[modifier] Darwinisme social
Article détaillé : Darwinisme social.
On retient généralement que Herbert Spencer a appliqué les thèses évolutionnistes et la notion de « survie du plus apte » à la société humaine. Friedrich Hayek a contesté le sens dans lequel les idées évolutionnistes se sont diffusées. Selon lui c'est de la sociologie et de l'économie que vient l'évolutionnisme et non de la biologie79. Il est d'ailleurs établi que Darwin a été influencé par l'économiste Thomas Malthus. Les idées qu'on désigne aujourd'hui sous le nom de « darwinisme social » sont devenues populaires à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, au point d'être utilisées pour défendre différentes perspectives idéologiques, parfois contradictoires, y compris l'économie du « laissez-faire »80, le colonialisme, le racisme ou encore l'impérialisme. Le terme de « darwinisme social » date des années 1890 mais il est devenu courant en tant que terme polémique au cours des années 1940, quand Richard Hofstadter a critiqué le conservatisme du laissez-faire81. Suivant les auteurs, le darwinisme social est alors le principe qui motive l'application de politiques conservatrices ou bien le dessein que prêtent les opposants des conservateurs à ceux-ci pour les discréditer. Il est finalement appliqué à des progressistes qui intègrent la volonté humaine comme facteur de l'évolution80. Ces concepts préexistaient à la publication par Darwin de L'Origine en 1859A 52,82 puisque Malthus était mort en 1834 et que Spencer avait publié en 1851 ses livres sur l'économie et en 185583 ses livres sur l'évolution. Darwin lui-même insistait pour que la politique sociale n'obéisse pas simplement aux concepts de lutte et de sélection dans la nature84, et pensait que la sympathie devait s'étendre à toutes les races et toutes les nationsC 20,L 19. Héritière du darwinisme social, la sociobiologie est une approche née aux États-Unis dès 1975 sous l'impulsion d'Edward O. Wilson, professeur de zoologie à Harvard. Dans Sociobiology, the new synthesis Wilson explique que les êtres vivants sont en perpétuelle compétition pour essayer d'améliorer leur situation et qu'ainsi l'éthologie animale est conditionnée par la sélection naturelle. Selon Patrick Tort, fondateur de l'Institut Charles Darwin International, ces théories pseudo-scientifiques utilisent à leurs propres fins les postulats darwiniens, les détournant ainsi de leur cadre épistémologique85.
[modifier] Commémorations


Darwin en 1880.
Durant la vie de Darwin, de nombreuses espèces ainsi que des toponymes lui ont été dédiés. Ainsi, le prolongement occidental du canal Beagle qui relie ce dernier à l’océan Pacifique, le canal de Darwin, porte son nom. C’est le capitaine FitzRoy qui le lui a dédié après une action de Darwin : parti avec deux ou trois marins, il a le réflexe de les conduire sur le rivage lorsqu’il voit un pan d’un glacier s’effondrer dans la mer et provoquer une forte vague, celle-ci aurait probablement balayé leur embarcationM 3. Le mont Darwin lui a été dédié lors de son 25e anniversaire86. Lorsque le Beagle était en Australie en 1839, John Lort Stokes, ami de Darwin, a découvert un port naturel que le capitaine de vaisseau John Clements Wickham a baptisé de Port Darwin87,88. La colonie de Palmerston, fondée en 1869, fut rebaptisée Darwin en 1911. Elle est devenue la capitale du Territoire du Nord de l’Australie. Cette ville s’enorgueillit de posséder une université Charles Darwin89 et un parc national Charles Darwin90. Enfin, le Darwin College de l’université de Cambridge, fondé en 1964, a été baptisé ainsi en l’honneur de la famille Darwin, en partie parce qu’elle possédait une partie des terrains sur lesquels il était bâti91.
Les 14 espèces de pinsons qu’il avait découvertes dans les îles Galápagos ont été surnommées les « pinsons de Darwin »92,93 et certains taxons commémorent également le nom du scientifique, comme Wallacea darwini, décrite par G. F. Hill en 1919 et faisant également référence à Alfred Wallace94 ou Hamitermes darwini décrite par le même auteur en 1922. En 2000, une image de Darwin a été utilisée par la banque d'Angleterre pour le billet de dix livres sterling en remplacement de l’image de Charles Dickens95. L'année 2009 est une année particulière pour commémorer la mémoire de la naissance de Charles Darwin, il y a 200 ans et la publication de L'Origine des espèces il y a 150 ans, en 1859. Plusieurs activités à travers le monde sont prévues96. Une pièce de deux livres commémorant la naissance de Darwin et l'ouvrage De l'Origine des espèces a été frappée en 2009. Enfin la médaille Darwin est attribuée par la Royal Society un an sur deux à un biologiste ou à un couple de biologistes. Cette récompense vise à distinguer des recherches dans un domaine de la biologie sur lequel Charles Darwin a travaillé.
En 1935, l'union astronomique internationale a donné le nom de Darwin à un cratère lunaire. Il existe également un cratère sur la planète Mars qui porte le nom de Darwin.
[modifier] Influence de Darwin et de sa théorie dans la société
Le film Le Cauchemar de Darwin (2004) est un documentaire sur la disparition de la biodiversité dans le lac Victoria, objet de polémique. Après Darwin et la révolution scientifique qui en a suivi, l'évolution s'est propagée dans la culture populaire. Précurseur de la science-fiction moderne, l'écrivain H. G. Wells a été très marqué par les travaux de Darwin dont il s'est inspiré pour écrire son œuvre et notamment La Machine à explorer le temps et La Guerre des mondes97. Dans la culture populaire, l'histoire du comic X-Men est basée sur l'évolution de l'homme qui octroie des super-pouvoirs à une part croissante de l'humanité. L'un des mutants de ce comic est d'ailleurs surnommé Darwin en raison de sa capacité à s'adapter à son environnement. Les jeux vidéo SimLife et Spore sont des simulateurs de vie fondés sur les lois du darwinisme. Le pastafarisme (ou Flying Spaghetti Monsterism) parodie la création de l'homme par les pâtes célestes alors que le Darwin Awards est le prix humoristique destiné à ceux qui retirent leurs gènes de la circulation au moyen d'accidents mortels stupides.
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Le darwinisme social est une doctrine politique évolutionniste apparue au XIXe siècle qui postule que la lutte pour la vie entre les hommes est l'état naturel des relations sociales. Selon cette idéologie, ces conflits sont aussi la source fondamentale du progrès et de l'amélioration de l'être humain. Son action politique préconise de supprimer les institutions et comportements qui font obstacle à l'expression de la lutte pour l’existence et à la sélection naturelle qui aboutissent à l’élimination des moins aptes et à la survie des plus aptes (« survival of the fittest »).
Envisagé à l’échelle de la compétition entre les individus, il préconise la levée des mesures de protection sociale, l’abolition des lois sur les pauvres ou l’abandon des conduites charitables. Herbert Spencer, un des idéologues, pense ainsi que « toute protection artificielle des faibles est un handicap pour le groupe social auquel ils appartiennent, dans la mesure où cette protection a pour effet [...] de le mettre en position d'infériorité face aux groupes sociaux rivaux1. » Son versant racialiste fait, à l’échelle de la compétition entre les groupes humains, de la « lutte entre les races » le moteur de l’évolution humaine. Il s’est conjugué à la fin du XIXe siècle avec les théories eugénistes.
Selon Patrick Tort, spécialiste de l'œuvre de Darwin, l'expression « darwinisme social » est apparu pour la première fois dans un tract intitulé Le Darwinisme social publié en 1880 à Paris par Émile Gautier, un théoricien anarchiste français2. De son vivant, Charles Darwin s'est opposé avec vigueur à l'application « brutale » de la sélection naturelle au sein des sociétés humaines, publiant en 1871 La Filiation de l'homme et la sélection liée au sexe contre le spencérisme. Il y avance que la sociabilité et l'empathie ont été sélectionnées au cours de l'évolution humaine.
Il est donc préférable et plus juste de nommer cette conception évolutionniste des sociétés le spencérisme.
Sommaire
1 Origine et développement
2 Le darwinisme social en philosophie
3 Le darwinisme social appliqué aux nations
4 Critique du darwinisme social
o 4.1 Darwin et le darwinisme social: une lecture rétrospective[7]
o 4.2 Critique de Pierre Kropotkine
5 Voir aussi
6 Bibliographie sommaire
7 Notes et références

[modifier] Origine et développement
Dans De l'Origine des espèces (sous-titré : La Préservation des races favorisées dans la lutte pour la vie), Darwin n'analyse pas la société humaine et n'a pas d'implication personnelle citée dans le « darwinisme social ». C'est Herbert Spencer, savant contemporain de Darwin et tout aussi populaire, qui applique le principe de « la survie du plus apte » aux sociétés humaines et formule le principe du darwinisme social selon lequel l'hérédité (les caractères innés) aurait un rôle prépondérant par rapport à l'éducation (les caractères acquis).
Herbert Spencer « voit dans les luttes civiles, les inégalités sociales et les guerres de conquête rien moins que l'application à l'espèce humaine de la sélection naturelle »3. Spencer fournit ainsi une explication biologique aux disparités observées entre les sociétés sur la trajectoire prétendument unique de l'histoire humaine : les peuples les moins « adaptés » à la lutte pour la survie seraient restés « figés » au stade primitif conceptualisé par les tenants de l'évolutionnisme anthropologique.
Sur le plan politique, le darwinisme social a servi à justifier scientifiquement plusieurs concepts politiques liés à la domination par une élite, d'une masse jugée moins apte. Parmi ceux-ci, on trouve le colonialisme, l'eugénisme, le fascisme et surtout le nazisme. En effet, cette idéologie considère légitime que les races humaines et les êtres les plus faibles disparaissent et laissent la place aux races et aux êtres les mieux armés pour survivre.
De nos jours, le darwinisme social inspire encore certaines idéologies d'extrême droite.
Le spencérisme est cependant une conception libéral issue d'Herbert Spencer. Elle va générer le néolibéralisme au cours du XX siècle. Le spencécisme est également souvent amalgamé avec l'eugénisme ou le galtonisme. Or, le galtonisme est une conception conservatrice ou néoconservatrice comme Francis Galton. Cependant, spencerisme et galtonisme sont des pensées évolutionnistes.
[modifier] Le darwinisme social en philosophie
Par son concept métaphysique de volonté de puissance , Friedrich Nietzsche rejoint, de manière implicite, une théorie de la sélection sociale, et ce, même si Nietzsche a critiqué les théories évolutionnistes4, il convient de voir que son point de vue diverge uniquement de par le point de départ (fondation métaphysique) et non d'arrivé (selon les conséquences logique liées au concept de volonté de puissance et qui définissent la morale du philosophe).
[modifier] Le darwinisme social appliqué aux nations
À la fin du XIXe siècle, le darwinisme social a été étendu aux rapports entre les nations. Ce mouvement s'est surtout développé dans les pays anglo-saxons, et dans une moindre mesure en Russie. Si cette idée ne débouche en général pas sur des attitudes belliqueuses, il n'en est pas de même en Europe où l'affrontement entre les nations « jeunes », comme l'Allemagne, pleines de vitalité « virile », et les nations « anciennes », qualifiées par les tenants de cette théorie de « décadentes », comme la France, est considéré comme inévitable. Cette vision est à replacer dans le contexte social de l'époque.
De plus, la « vitalité » d'une nation se mesure presque exclusivement à l'aune de la démographie : plus une nation est féconde, plus elle est ou sera forte. Ainsi, la Russie et les peuples slaves en général faisaient peur à de nombreux dirigeants allemands, comme le chancelier Bethmann-Hollweg par son accroissement naturel, rendant inévitable, selon eux, un affrontement violent (phobie du rouleau compresseur russe). À ce stade, le darwinisme social rencontre le nationalisme racial.
On a pu penser que cette vision des rapports entre les nations, dominante en Allemagne et en Autriche au début du XXe siècle, a joué un rôle essentiel dans le déclenchement de la Première Guerre mondiale.
En 1910, le sociologue Jacques Novicow publie La critique du darwinisme social5 où il critique de manière acerbe la tendance de ses collègues et d'autres essayistes et savants de son temps à mettre en avant le conflit et la guerre comme moteur de l'évolution et du progrès social. Il donne la définition suivante :
« Le darwinisme social peut être défini : la doctrine qui considère l'homicide collectif comme la cause des progrès du genre humain. »
L'importance du darwinisme social dans le déclenchement de la Première Guerre mondiale doit être relativisée. Cette interprétation est en effet sérieusement démentie par le travail de Léon Schirmann qui a identifié les responsabilités réelles dans le déclenchement du premier conflit mondial après avoir travaillé sur les archives officielles des différents pays belligérants6. Ces responsabilités sont avant tout bien plus politiques que scientifiques.
Des éléments liés à la théorie de la sélection naturelle ont été incorporés par Shigetake Sugiura, l'un des tuteurs de Hirohito, dans ses écrits visant à justifier la supériorité de la race nipponne et son droit à dominer l'Extrême-Orient. Avec les éléments mythologiques propres au shinto, le darwinisme social servit donc de toile de fond à l'invasion de la Chine et des pays d'Asie du Sud-Est pendant l'ère Showa.
[modifier] Critique du darwinisme social
[modifier] Darwin et le darwinisme social: une lecture rétrospective7
L'épistémologue Patrick Tort8 a mis en évidence l'incompatibilité des thèses du darwinisme social, particulièrement dans leurs prolongements malthusien et galtonniste, avec les propres positions de Charles Darwin à propos de l'évolution humaine, en s'appuyant sur La filiation de l'homme910, paru en 1871. Douze ans après L'Origine des espèces, et alors que les critiques et détracteurs préjugent que "l'homme descend du singe", Darwin y soutient entre autres que l'homme est bel et bien le produit de l'évolution, ce qui s'oppose à la doctrine créationniste (« On ne peut plus croire que l'homme soit l'œuvre d'un acte séparé de création » (ibid p. 728)), et replace celui-ci au sein du processus de sélection naturelle, en dépit de son apparente supériorité évolutive (« avec toutes ses capacités sublimes, l'homme porte toujours dans sa construction corporelle l'empreinte indélébile de sa basse origine. » (ibid p. 741)).
En outre, contrairement aux interprétations propagées par le spencérisme, Darwin affirme la rupture qui s'établit chez l'homme dans le processus de lutte pour la survie, fondée sur l'élimination des faibles : « Nous autres hommes civilisés, au contraire, faisons tout notre possible pour mettre un frein au processus de l'élimination ; nous construisons des asiles pour les idiots, les estropiés et les malades ; nous instituons des lois sur les pauvres ; et nos médecins déploient toute leur habileté pour conserver la vie de chacun jusqu'au dernier moment. Il y a tout lieu de croire que la vaccination a préservé des milliers d'individus qui, à cause d'une faible constitution, auraient autrefois succombé à la variole. Ainsi, les membres faibles des sociétés civilisées propagent leur nature. » (ibid, p. 223)
La suite de la citation montre pourtant explicitement la compatibilité de la pensée de Charles Darwin avec l'idéologie de la supériorité des races et le Darwinisme social : "Ainsi, les membres faibles des sociétés civilisées propagent leur nature et en conséquence, nous devons subir sans nous plaindre les effets incontestablement mauvais générés par les faibles qui survivent et propagent leur espèce; mais il existe au moins un frein c'est que les membres faibles et inférieurs de la société ne se marient pas aussi librement que les sains; et ce frein pourrait être augmenté indéfiniment, bien que ceci relève plus de l'espoir que de l'attente, par le fait que les faibles de corps ou d'esprit se retiennent de se marier. (...) et c'est principalement grâce à leur pouvoir que les races civilisées se répandent et sont en train de se répandre partout, jusqu'à prendre la place des races inférieures."(ibid, p.223)
Cependant, « Nous ne pourrions réfréner notre sympathie [envers les faibles], même avec l'insistance expresse de la stricte raison, sans une détérioration de la partie la plus noble de notre nature. Le chirurgien peut s'endurcir tandis qu'il pratique une opération, parce qu'il sait qu'il agit pour le bien du patient; mais si intentionnellement, nous en arrivions à négliger les faibles et les sans défenses, cela ne pourrait être que pour un bénéfice incertain, au prix d'un crime actuel accablant . Nous devons donc accepter les effets, sans aucun doute néfaste, de la survie et de la propagation des faibles. »11
Darwin conclut alors par l'hypothèse d'une forme d'extraction de la nature humaine de la loi de la sélection naturelle, sans pourtant contrevenir à son principe originel, à travers le processus de civilisation, fondé sur l'éducation, la raison, la religion et la loi morale : « Si importante qu'ait été, et soit encore, la lutte pour l'existence, cependant, en ce qui concerne la partie la plus élevée de la nature de l'homme, il y a d'autres facteurs plus importants. Car les qualités morales progressent, directement ou indirectement, beaucoup plus grâce aux effets de l'habitude, aux capacités de raisonnement, à l'instruction, à la religion, etc., que grâce à la Sélection Naturelle ; et ce bien que l'on puisse attribuer en toute assurance, à ce dernier facteur les instincts sociaux, qui ont fourni la base du développement du sens moral. » (ibid, p. 740).
Patrick Tort, montre à partir de la Filliation qu'en réalité la civilisation, née de la sélection naturelle des instincts sociaux et de l'intelligence, promeut au contraire la protection des faibles à travers l'émergence - elle-même sélectionnée - des sentiments affectifs, du droit et de la morale.
[modifier] Critique de Pierre Kropotkine
Article détaillé : L'Entraide.
La thèse de l'entraide est développée en 1902 par Pierre Kropotkine dans L'Entraide : Un facteur de l'évolution une critique claire vis-à-vis du darwinisme social. Dans cet ouvrage, le prince et anarchiste russe répond spécifiquement aux théories de Thomas H. Huxley publiées dans La Lutte pour l’existence dans la société humaine en 1888. Kropotkine, sans nier la théorie de l’évolution de Darwin, y précise que les espèces les mieux adaptées ne sont pas nécessairement les plus agressives, mais peuvent être les plus sociales et solidaires. Il fournit des exemples empiriques du règne animal, ainsi que d’autres puisés dans des sociétés humaines, celles qu’il appelle les « Sauvages », les « Barbares », les villes médiévales, ainsi que dans la société de son époque. Kropotkine ne nie pas non plus l’existence de compétition, mais pense que la compétition est loin de constituer le seul facteur de l'évolution, et que l’évolution progressiste est plutôt due à la socialisation et à l’entraide mutuelle.
Le primatologue néerlando-américain Frans de Waal, qui a étudié au début du XXIe siècle le sentiment d'empathie chez les animaux, en déduit que le darwinisme social « est une interprétation abusive : oui, la compétition est importante dans la nature mais, on l'a vu, il n'y a pas que cela. (...) Nous sommes aussi programmés pour être empathiques, pour être en résonance avec les émotions des autres. »12
En biologie, la sélection naturelle est l'un des mécanismes qui causent l'évolution des espèces. Ce mécanisme est particulièrement important du fait qu'il explique l'adaptation des espèces aux milieux au fil des générations. La théorie de la sélection naturelle permet d'expliquer et de comprendre comment l'environnement influe sur l'évolution des espèces et des populations en sélectionnant les individus les plus adaptés et elle constitue donc un aspect fondamental de la théorie de l'évolution.
De façon sommaire, la sélection naturelle est le fait que les traits qui favorisent la survie et la reproduction voient leur fréquence s'accroître d'une génération à l'autre. Cela découle "logiquement" du fait que les porteurs de ces traits ont plus de descendants, et aussi que ces derniers portent ces traits (puisqu'ils sont héréditaires).
Sommaire
1 Historique
2 Principes de la sélection naturelle
o 2.1 Principe 1 : Les individus diffèrent les uns des autres
o 2.2 Principe 2 : Les individus les plus adaptés au milieu survivent et se reproduisent davantage
o 2.3 Principe 3 : Les caractéristiques avantageuses doivent être héréditaires
o 2.4 Une histoire imaginée par Richard Dawkins
3 La sélection naturelle explique l'adaptation des espèces à leur milieu
o 3.1 Adaptations convergentes
4 Origine des variations héréditaires dans une population
o 4.1 L'information génétique portée par l'ADN est relativement instable
o 4.2 La sélection naturelle agit après les modifications de l'information génétique
o 4.3 L'hypothèse des caractères acquis
5 La sélection naturelle en génétique des populations
6 Cas de sélection naturelle scientifiquement démontrés
o 6.1 Sélection naturelle dans l'espèce humaine
o 6.2 Relation entre sélection naturelle et activités humaines
o 6.3 Sélection naturelle, coévolution et compétition
7 La sélection artificielle
8 La sélection utilitaire et la sélection sexuelle
9 Pression de sélection
10 La sélection naturelle permet l'apparition d'adaptations biologiques complexes
11 Limites de la sélection naturelle pour expliquer l'évolution de la lignée humaine
12 Sélection naturelle, comportement et culture
13 Les autres mécanismes de l'évolution
14 Dimension universelle de la sélection naturelle
15 Notes et références
16 Voir aussi
o 16.1 Articles connexes
o 16.2 Bibliographie

[modifier] Historique


Charles Darwin
Alors que plusieurs théories évolutives existaient déjà sous le nom de transformisme, Charles Darwin (1809-1882) propose ce mécanisme que l'on désigne sous le terme de darwinisme ou sélection darwinienne. Le terme "sélection naturelle" a été imaginé par Darwin par analogie avec la sélection artificielle pratiquée par les humains depuis des millénaires : les agriculteurs ou éleveurs choisissent à chaque génération les individus présentant les "meilleures" caractéristiques pour les faire se reproduire. Le mécanisme de sélection darwinienne permet donc d'expliquer de façon naturaliste la complexité adaptative des êtres vivants, sans avoir recours au finalisme ni à une intervention surnaturelle, d'origine divine, par exemple.
[modifier] Principes de la sélection naturelle
La théorie de la sélection naturelle telle qu'elle a été initialement décrite par Charles Darwin, repose sur trois principes1:
1. le principe de variation
2. le principe d'adaptation
3. le principe d'hérédité
[modifier] Principe 1 : Les individus diffèrent les uns des autres

En général, dans une population d'individus d'une même espèce, il existe des différences plus ou moins "importantes" entre ces individus. En biologie, on appelle caractère, tout ce qui est visible et pouvant varier d'un individu à l'autre. On dit qu'il existe plusieurs traits pour un même caractère. Par exemple, chez l'être humain, la couleur de la peau, la couleur des yeux sont des caractères pour lesquels il existe de multiples variations ou traits. La variation d'un caractère chez un individu donné constitue son phénotype. C'est là, la première condition pour qu'il y ait sélection naturelle : au sein d'une population, certains caractères doivent présenter des variations, c'est le principe de variation.
[modifier] Principe 2 : Les individus les plus adaptés au milieu survivent et se reproduisent davantage

Certains individus portent des variations qui leur permettent de se reproduire davantage que les autres, dans un environnement précis. On dit alors qu'ils disposent d'un avantage sélectif sur leurs congénères:
La première possibilité est, par exemple, qu'en échappant mieux aux prédateurs, en étant moins malades, en accédant plus facilement à la nourriture, ces individus atteignent plus facilement l'âge adulte, pour être apte à la reproduction. Ceux qui ont une meilleure capacité de survie pourront donc se reproduire davantage.
Dans le cas particulier de la reproduction sexuée, les individus ayant survécu peuvent être porteurs d'un caractère particulièrement attirant pour les partenaires de sexe opposé. Ceux-là seront capables d'engendrer une plus grande descendance en copulant davantage.
Dans les deux cas, l'augmentation de la capacité à survivre et à se reproduire se traduit par une augmentation du taux de reproduction et donc par une descendance plus nombreuse, pour les individus porteurs de ces caractéristiques. On dit alors que ce trait de caractère donné offre un avantage sélectif, par rapport à d'autres. C'est dans ce principe d'adaptation uniquement, qu'intervient le milieu de vie.
[modifier] Principe 3 : Les caractéristiques avantageuses doivent être héréditaires

La troisième condition pour qu'il y ait sélection naturelle est que les caractéristiques des individus doivent être héréditaires, c'est-à-dire qu'elles puissent être transmises à leur descendance. En effet certains caractères, comme le bronzage ou la culture, ne dépendent pas du génotype, c'est-à-dire l'ensemble des gènes de l'individu. Lors de la reproduction, ce sont donc les gènes qui, transmis aux descendants, entraîneront le passage de certains caractères d'une génération à l'autre. C'est le principe d'hérédité.
Ces trois premiers principes entraînent donc que les variations héréditaires qui confèrent un avantage sélectif seront davantage transmises à la génération suivante que les variations moins avantageuses. En effet les individus qui portent les variations avantageuses se reproduisent plus. Au fil des générations, on verra donc la fréquence des gènes désavantageux diminuer jusqu'à éventuellement disparaître, tandis que les variations avantageuses se répandront dans la population, jusqu'à éventuellement être partagées par tous les membres de la population ou de l'espèce. Par exemple, dans la population humaine, la bipédie est un caractère commun à tous les êtres humains modernes.
[modifier] Une histoire imaginée par Richard Dawkins
Cette histoire amusante n'a d'autre but que de bien fixer un point important de la théorie darwinienne.
Deux brontosaures voient un tyrannosaure royal avancer dans leur direction et se mettent à courir aussi vite qu'ils le peuvent. Puis l'un des deux dit à l'autre :
« Pourquoi nous fatiguons-nous au juste ? Nous n'avons de toute façon pas la moindre chance d'arriver à courir plus vite qu'un tyrannosaure ! »
Et l'autre lui répond cyniquement :
« Je ne cherche pas à courir plus vite que le tyrannosaure. Je cherche juste à courir plus vite que toi ! »
L'idée est de rappeler que le processus concerne moins une compétition entre espèces, qu'une compétition à l'intérieur de chaque espèce. C'est à partir de ce constat et de la découverte du conflit sexuel que Thierry Lodé2 développe l'hypothèse que le conflit au sens large (conflit sexuel, conflit de reproduction, coévolution) serait un puissant vecteur d'évolution, né de multiples interactions antagonistes. En fait, le rôle des interactions et des mécanismes coévolutifs est encore probablement sous-estimé.
[modifier] La sélection naturelle explique l'adaptation des espèces à leur milieu
Lorsqu'on observe des espèces dans leur milieu de vie, elles semblent toutes être profondément adaptées à chacun de leur milieu : le long cou et les longues pattes de la girafe sont en effet bien adaptés pour attraper des feuilles hautes des acacias des savanes africaines. On pourrait tout aussi bien dire que ce sont les organismes non adaptés qui n'ont pas survécu dans ce milieu.


L'ours polaire
En outre, certaines variations avantageuses dans un environnement donné peuvent devenir néfastes sous d'autres conditions. Par exemple, dans un milieu enneigé, une fourrure blanche permet de ne pas être vu par ses futures proies ou ses prédateurs, mais si le milieu devient forestier et plus sombre, il n'y aura plus de camouflage et les individus porteurs de fourrure blanche perdront leur avantage sélectif. La conséquence de ce phénomène est donc qu'au fil des générations, par la sélection naturelle, les caractères observés dans une population seront plus ou moins adaptés aux évolutions de son écosystème.
Autres exemples, chez les humains la couleur de la peau est une adaptation due à la sélection naturelle, et non à un bronzage qui se serait « fixé » à tout jamais dans certaines populations. En zones ensoleillées les individus à la peau claire ont plus de risque de développer un cancer de la peau à cause des rayons UV, ils sont donc désavantagés car leur espérance de vie est moindre. En zones moins ensoleillées ces individus seraient avantagés car la lumière du soleil permet au corps de produire de la vitamine D, et de plus le corps économise de l'énergie et des nutriments en fabriquant moins de mélanine, le pigment de la peau.
Répartition de l'énergie solaire reçue.
Répartition de l'intensité de la couleur de la
peau humaine R. Biasutti avant 1940.

 
Les facteurs de l'environnement qui peuvent donc entraîner une sélection naturelle peuvent être:
Des facteurs physico-chimiques (le biotope) : climat, milieu occupé (terrestre, aquatique, cavernicole…)
D'autres êtres vivants (la biocénose) : présence de prédateurs, de parasites, de microbes, de compétiteurs, etc.
[modifier] Adaptations convergentes
Article détaillé : convergence évolutive.
L'adaptation des espèces à leur niche écologique peut parfois conduire deux espèces qui occupent un milieu similaire, à acquérir des ressemblances qui ne sont alors pas dues à leur éventuelle parenté. On parle dans ce cas d'évolution convergente. Ce phénomène s'interprète comme le fait que les mêmes contraintes du milieu mènent aux mêmes « solutions adaptatives ».
Les yeux des vertébrés et des céphalopodes constituent l'un des exemples les plus frappants de convergence alors même que l'ancêtre commun de ces deux taxons ne possédait pas d'yeux complexes. Ces deux lignées ont évolué vers des systèmes optiques qui présentent une très forte similarité, la différence résidant surtout dans l'orientation des cellules sensorielles dans la rétine
De tels cas de convergence évolutive sont souvent mis en avant pour argumenter en faveur d'une conception adaptationniste de l'évolution par sélection naturelle selon laquelle l'essentiel des caractéristiques observées dans les espèces vivantes ne sont pas dues au hasard mais sont le résultat de diverses pressions de sélection au cours de l'histoire évolutive des espèces.
[modifier] Origine des variations héréditaires dans une population
Pour qu'il y ait sélection, encore faut-il que plusieurs variations d'un même caractère soient présentes dans la population afin que l'individu le plus adapté l'« emporte » sur les autres. En effet, dans l'exemple ci-dessus, si la totalité des individus sont identiques et porteurs de la variation phénotypique « fourrure blanche », en cas de réchauffement climatique aucun individu ne pourra survivre, et l'espèce s'éteindra. En cas de modification de l'environnement, pour qu'une espèce survive, il faut qu'elle s'adapte par la sélection naturelle. Il est donc indispensable, qu'avant le changement du milieu, elle présente en son sein une diversité génétique importante.
[modifier] L'information génétique portée par l'ADN est relativement instable


Les mutations précèdent la sélection naturelle
La diversité génétique dans une population d'individus a pour origine des modifications de l'information génétique dans l'ADN des cellules. Il s'agit:
1. de mutations ponctuelles dans la séquence d'ADN des gènes, ou de mutations plus importantes comme des réarrangements chromosomiques ;
2. de recombinaisons génétiques qui se produisent lors des transferts d'ADN des bactéries et lors de la reproduction sexuée des eucaryotes.
On peut ajouter aux modifications du génome citées plus haut, une autre source de diversité génétique, soient les migrations par lesquelles le stock génétique dans une population donnée se voit renouvelé par l'arrivée d'autres membres de l'espèce porteuse d'un pool génétique différent.
Les modifications génétiques sont aléatoires : ce n'est pas l'environnement qui « dicte » quel gène doit muter, mais bien le hasard. C'est pour cela qu'on observe dans les populations beaucoup de variations inadaptées au milieu de vie (par exemple, les maladies génétiques rares). Une erreur courante consiste à croire que les modifications génétiques sont une conséquence de la sélection naturelle. En revanche la sélection naturelle a bien le pouvoir de cumuler les innovations adaptées, ce qui aboutit à des adaptations complexes.
[modifier] La sélection naturelle agit après les modifications de l'information génétique
C'est donc parmi la grande diversité génétique des individus, que vont ensuite être sélectionnés les phénotypes et les allèles les plus adaptés à l'environnement. Pour en faire la démonstration on pourrait simplement montrer que les phénotypes nouveaux étaient présents avant le changement du milieu. Ceci n'est pas toujours évident et quand bien même ce serait le cas, un mécanisme d'induction d'une mutation donnée par l'environnement n'est pas à exclure. C'est grâce à une astuce mathématique que Luria et Delbrück montrent que ce sont bien les mutations préexistantes dans une population de bactéries qui sont sélectionnées quand on ajoute un virus.
Article détaillé : Expérience de Luria et Delbrück.
[modifier] L'hypothèse des caractères acquis
Article détaillé : transmission des caractères acquis.
La génétique moléculaire n'existant pas à son époque, Darwin ne pouvait prendre en compte les mécanismes moléculaires à l'origine des nouveaux caractères. Sa théorie de la sélection naturelle incluait donc l'hypothèse de la transmission des caractères acquis. Dans son ouvrage de 1868, La variation des animaux et des plantes sous l'effet de la domestication, il alla même jusqu'à proposer une théorie pour cette transmission des caractères acquis3..
Dans la théorie initiale de Darwin telle qu'il l'expose dans L'Origine des espèces, ces variations entre les individus trouvent leur origine dans le fait que des individus acquièrent des caractéristiques différentes au cours de leur vie. Ces caractères acquis seraient alors transmis à leur descendance et cela expliquerait les variations observées et l'évolution des caractéristiques de l'espèce. Toute autre source de variation reste pourtant acceptable, comme par exemple le hasard; en revanche, le problème qui se poserait alors serait de savoir comment empêcher la dilution, puis l'éventuelle disparition de ces caractères s'ils ne sont pas "entretenus".
La théorie de l'hérédité des caractères acquis a été considérée comme invalidée par August Weismann à la fin du XIXe siècle. En réponse aux néo-lamarckiens qui soutenaient le contraire, il montra que des mutilations n'étaient pas transmises. On en déduisit abusivement qu'aucun caractère acquis ne pouvait se transmettre, alors qu'une mutilation ne peut être assimilée à une acquisition par l'organisme de fonctions nouvelles comme le voulait Lamarck. On ne peut prouver avec certitude l’impossibilité d'hérédité de caractères acquis (une inexistence ne peut être prouvée qu'en mathématiques, par l'absurde). On peut à défaut en chercher s'il existe quelque exemple réel réfutant cette impossibilité. Plusieurs recherches ont été menées en ce sens au début du XXe siècle, notamment par Paul Kammerer. Cela qui fait aussi l'objet de recherches dans le domaine de l'immunologie.
Les caractères innés sont bel et bien transmis au cours de la reproduction mais avec des variations qui suivent les lois de l'hérédité mendélienne, du nom de leur découvreur, Gregor Mendel (1822-1884) dont les travaux sur les lignées de pois ne furent redécouverts qu'au début du XXe siècle et étaient malheureusement ignorés de Darwin. Mendel apporte la réponse au problème de la dilution : un caractère ne s'affaiblit pas; il est simplement transmis en tant que dominant, transmis en tant que récessif, ou éliminé; mais chez les individus qui le portent, il reste totalement présent, ce qui assure sa pérennité s'il est favorable à son porteur (ou, pour être plus précis, à la descendance de son porteur).
[modifier] La sélection naturelle en génétique des populations
La convergence entre la théorie darwinienne et la théorie de l'hérédité donnera alors naissance au cours des années 1930 à la génétique des populations, en particulier grâce aux travaux théoriques de Ronald Fisher. À la même période, grâce aux expériences de Thomas Morgan et Theodosius Dobzhansky sur les mouches drosophiles, les mécanismes moléculaires responsables des phénomènes d'hérédité génétique commenceront à être identifiés. L'une des découvertes majeures de la biologie sera alors de montrer que la diversité génétique qui garantit la variété des phénotypes est due à des modifications aléatoires du génotype (mutations, recombinaisons génétiques, …) en particulier lors de sa transmission d'une génération à l'autre, au moment de la reproduction.
Même si ce n'est pas le mécanisme qui avait été envisagé par Darwin dans sa théorie de la sélection naturelle, il n'en reste pas moins que ces processus permettent de rendre parfaitement compte de la sélection naturelle dans le cadre de ce qui est considéré comme la théorie centrale de la biologie moderne, la théorie synthétique de l'évolution ou synthèse néo-darwinienne qui fait le lien entre les mécanismes au niveau de la génétique moléculaire et les phénomènes d'évolution à l'échelle des populations.
Ainsi la sélection naturelle peut se "mesurer" grâce à des calculs statistiques.
Articles détaillés : génétique des populations et valeur sélective.
[modifier] Cas de sélection naturelle scientifiquement démontrés
Il apparaît aujourd'hui évident que tout organe ayant une fonction définie, par exemple la nageoire du poisson, est une adaptation à un milieu et le résultat d'une sélection naturelle. Cependant la démonstration scientifique doit, elle, passer par la mise en évidence d'une corrélation chiffrée entre les variations d'un caractère héréditaire et celles d'un paramètre précis de l'environnement. Parmi les exemples les plus célèbres, on peut citer :
 
Les deux morphes du phalène du bouleau :
le clair (à gauche) et le sombre (à droite).
Les pinsons des Galápagos : les épisodes de sécheresse furent suivis par une raréfaction des graines molles et donc par une augmentation de la taille du bec des pinsons leur permettant de briser la coquille des graines restantes, plus dures.
La sélection naturelle chez les bactéries de résistances aux virus bactériophages a été mise en évidence par l'expérience de Luria et Delbrück. Ils ont en effet démontré pour la première fois que les mutations préexistent à la sélection et qu'elles sont bien aléatoires.
Le mélanisme industriel de la phalène du bouleau en Angleterre : dans cette espèce de papillons, la proportion d'individus clairs aurait diminué du fait de la pollution qui détruisait les lichens (blanc) qui se développaient sur les surfaces des troncs d'arbre sur lesquels ils se posaient. En effet, les individus clairs (initialement présents en majorité), étant désormais plus visibles que les autres sur les troncs noir, étaient plus sujets à la prédation que les autres. Les phalènes sombres qui existaient avant la pollution seraient alors devenues majoritaires. Puis, le phénomène se serait inversé lorsque les industries polluantes ont progressivement disparu permettant le retour du développement du lichen sur les troncs. En fait, cette belle histoire est discutable car apparemment les phalènes ne se posent pas sur les troncs mais sous les feuilles des bouleaux. Les modifications des fréquences des morphes sombres et clairs pourraient être comme des réponses à la toxicité des rejets industriels plutôt qu'envers la modification de la couleur du revêtement des troncs. Mais pourquoi les phalènes y seraient-elles seules sensibles ?
[modifier] Sélection naturelle dans l'espèce humaine
La sélection naturelle produit aussi ses effets dans l'espèce humaine :
La capacité chez l'adulte à digérer le lactose du lait a été sélectionnée il y a environ 9000 ans dans les populations humaines originaires d'Europe du nord ou d'Asie centrale où on élevait du bétail pour son lait, mais pas dans d'autres populations où cet aliment est absent4. Récemment, il a été découvert que cette capacité était présente également chez certaines ethnies d'Afrique de l'Est, les Tutsis et Peuls du Soudan, de Tanzanie et du Kenya, mais à partir de trois autres mutations, sélectionnées indépendamment l'une de l'autre5. Ces dernières seraient apparues il y a 7000 à 3000 ans. Il s'agit là d'un exemple de convergence évolutive.
La persistance d'une maladie génétique comme la drépanocytose est due au fait que l'allèle responsable de la maladie confère aussi un avantage sélectif en augmentant la résistance au parasite responsable du paludisme.
[modifier] Relation entre sélection naturelle et activités humaines
L'homme peut aussi exercer involontairement une pression de sélection sur certains organismes dont l'évolution, en retour, peut être néfaste pour l'économie ou la santé humaine :
La résistance aux antibiotiques : Par exemple, depuis 1961 les bactéries staphylocoques dorés résistantes à la méticilline se sont multipliées et rendent inefficaces le traitement par cet antibiotique dans un grand nombre de cas. Ces résistances sont à l'origine de nombreuses maladies nosocomiales, en milieu hospitalier.
La résistance des criquets pèlerins aux insecticides : Comme dans l'exemple précédent, l'utilisation massive d'insecticide pour éradiquer les criquets s'est traduite par une plus grande résistance. En effet, les individus survivant au traitement insecticide peuvent engendrer plusieurs milliers de descendants en quelques générations, soit en quelques années, qui eux-mêmes héritent de cette capacité de résistance. L'élimination de cette nouvelle population exige alors un traitement encore plus agressif pour l'écosystème.
[modifier] Sélection naturelle, coévolution et compétition
Dans les exemples précédents, il s'agit d'espèces évoluant au gré des améliorations techniques humaines mais ce phénomène peut aussi s'observer dans les interactions biologiques entre deux espèces. Un exemple très étudié d'une telle coévolution est le parasitisme de ponte chez les coucous6. Dans ces espèces, le parent pond ses œufs dans le nid d'autres oiseaux. Dès sa naissance, le jeune coucou expulse les œufs présents afin d'être le seul à bénéficier des soins prodigués par les parents de l'espèce hôte ainsi trompés. Parmi les espèces parasitées, certaines ont évolué vers des stratégies antiparasitiques, en l'occurrence une aptitude à distinguer les œufs de coucou de leurs propres œufs. Cela a créé une pression de sélection pour certaines espèces de coucou qui ont évolué en développant une forme de mimétisme des œufs de telle sorte que ceux-ci ressemblent étonnamment aux œufs de leurs hôtes. À leur tour, les espèces parasitées (comme la pie-grièche écorcheur) ont développé des capacités accrues de discrimination de leurs propres œufs des œufs mimétiques du coucou, capacité qui est absente chez des espèces non ou moins parasitées.
De tels phénomènes de coévolution sont fréquemment observés dans les cas de parasitisme mais parfois aussi dans certains cas de compétition interspécifique ou dans le cadre compétition intraspécifique de la sélection sexuelle7. La coévolution inter-sexes s'observent souvent en réponse à la sélection sexuelle post-copulatoire : par exemple, dans certaines espèces d'oiseaux8 et d'invertébrés9, les pénis des mâles ont une forme hélicoïdale qui fonctionne comme un goupillon éliminant la semence des autres mâles et leur permettant de déposer leurs propres gamètes au plus profond du vagin des femelles avec lesquelles ils s'accouplent afin de s'assurer la paternité de la progéniture ; dans ces mêmes espèces, on observe une augmentation proportionnelle de la taille du vagin avec une morphologie tout en sinuosités qui contrecarre les stratégies reproductives des mâles.
[modifier] La sélection artificielle
 
Rose cultivée et Rose sauvage Rosa canina.


L'adjectif naturelle s'oppose chez Darwin au concept de sélection artificielle connue et pratiquée depuis quelques milliers d'années par les éleveurs. En effet les animaux d'élevage domestiques ou les espèces de plantes cultivées (vaches, chiens, roses…) constituent autant de variations « monstrueuses » absentes dans la nature. Elles sont le fruit de la lente sélection d'individus intéressants (pour les rendements, ou du point de vue esthétique) par les éleveurs et les agriculteurs (voir élevage sélectif des animaux). C'est cette observation qui permit à Darwin d'émettre l'hypothèse d'une sélection opérée par la nature sur les espèces sauvages.
Par exemple :
Une rose cultivée résulte de mutations à partir d'une rose sauvage. Ces mutations ont été sélectionnées par les horticulteurs, elles sont répandues dans les jardins: c'est la sélection artificielle.
Dans la nature des roses cultivées ne peuvent se reproduire, c'est la sélection naturelle.
La sélection artificielle, malgré son intense pression (élimination de tout géniteur qui ne répond pas aux critères du choix), ne parvient pas, après des pratiques millénaires, à faire naître de nouvelles espèces. Les races ne s'isolent pas et peuvent s'hybrider sans perte ou baisse de fécondité. La domestication et la culture révèlent les limites, assez étroites entre lesquelles l'espèce varie sans courir de péril, mais elles n'impriment pas un mouvement évolutif aux espèces qu'elles concernent.
[modifier] La sélection utilitaire et la sélection sexuelle
Articles détaillés : Sélection utilitaire et Sélection sexuelle.
La sélection darwinienne s'appuie sur deux mécanismes conjoints. Le premier est la sélection utilitaire (ou sélection de survie ou sélection écologique) le second est la sélection sexuelle. Dans le grand public, ce dernier aspect de sélection sexuelle est souvent ignoré et on identifie la sélection naturelle avec la sélection de survie. Or c'est une erreur car ces deux mécanismes sont bien à l'œuvre dans le monde vivant.
La sélection utilitaire correspond à un processus de tri entre individus en vertu de leur capacité à survivre et/ou à être féconds10. Ce terme désigne plus spécifiquement le mécanisme qui fait évoluer les espèces sous la pression « externe » de l'environnement ou « interne » de la compétition intraspécifique. En effet, elle repose sur l'idée que pour pouvoir se reproduire, il faut d'abord survivre. Ce type de sélection favorise donc les individus capables d'échapper ou de se protéger des prédateurs mais aussi de résister aux parasites : c'est la compétition interspécifique. Il existe aussi une compétition intraspécifique : les individus d'une même espèce étant en compétition entre eux pour trouver des ressources dans l'environnement, qu'il s'agisse de proies ou d'autres ressources non-nutritives comme des abris (terrier, nid, …). Enfin, il y a des facteurs dits abiotiques qui sélectionnent les individus les mieux capables de résister à l'environnement biotopique, aux conditions climatiques, etc.
La sélection sexuelle est un phénomène qui a lieu à une étape différente de la vie de l'individu. Elle désigne le fait qu'il y a aussi une compétition au sein de chaque espèce pour accéder aux partenaires sexuels dans le cadre de la reproduction sexuée. Cet aspect de la théorie fut pleinement développé par Darwin dans son ouvrage intitulé La Descendance de l'Homme. Dans le cadre de la sélection sexuelle, il va donc se produire une compétition intra-sexe, entre les individus d'un même sexe, mais aussi inter-sexe, entre les sexes (les individus d'un sexe devant choisir avec quel individu de l'autre sexe ils vont s'accoupler). La sélection sexuelle permet donc d'expliquer des caractères ou des comportements qui pénalisent la survie quand ils sont analysés en dehors du contexte reproductif, comme la queue du paon, les bois des mégacéros.Très importante chez les oiseaux (parades nuptiales) elle pourrait, être à l'origine des plumes dont elle explique la forme aplatie pour exhiber les couleurs.
[modifier] Pression de sélection
Rétrospectivement, les modifications successives au cours des générations des populations peuvent sembler orientées, comme si ces modifications étaient "tirées" ou "poussées" dans une certaine direction. Par exemple, en suivant les observations de Darwin sur les pinsons des Galapagos, on peut observer que certaines espèces semblent suivre une tendance vers un élargissement du bec qui devient de plus en plus massif alors que chez d'autres espèces de pinsons, la tendance est plutôt vers un affinement du bec.
Ce phénomène qui se manifeste comme une tendance apparente dans l'évolution d'une ou plusieurs espèces a reçu le nom de pression de sélection. Ces pressions de sélection sont 'orientées' par les pressions dites intérieures à l'espèce (sélection sexuelle, compétition intraspécifique) et les pressions dites extérieures à l'espèce (limitation des ressources, modifications de l'environnement, prédateurs, parasites…), bref, tout ce qui influence la survie et la reproduction des individus.
Les pressions de sélection s'exercent différemment d'une espèce à l'autre ou d'un milieu écologique à un autre, voire d'une sous-population d'individus à une autre. Ainsi il peut se produire au sein d'une même espèce une divergence si deux sous-populations sont soumises à des pressions de sélection légèrement différentes. Ces deux populations évolueront vers des formes différentes qu'on appelle morphes et si le phénomène se poursuit dans le temps on peut aboutir à la formation de deux espèces distinctes, c'est la spéciation sympatrique. Les deux espèces occupent alors des niches écologiques suffisamment distinctes pour qu'elles n'entrent plus directement en compétition l'une avec l'autre et suivent alors des "trajectoires" évolutives différentes en réponse aux pressions de sélection spécifiques auxquelles elles sont soumises.
Article détaillé : pression de sélection.
[modifier] La sélection naturelle permet l'apparition d'adaptations biologiques complexes


L'œil, une structure très complexe


La myoglobine. Cette protéine, indispensable pour l'oxygénation des muscles, doit sa fonction à la complexité de sa structure.
Les systèmes vivants apparaissent comme très complexes et sont des adaptations tellement poussées à un milieu que les humains y trouvent une source d'innovations techniques et industrielles (par exemple, les attaches scratch ou velcro, les industries pharmaceutique, et chimique). voir : bionique.
Cette complexité n'aurait pu voir le jour sans le pouvoir qu'a la sélection naturelle d'accumuler les « bonnes » innovations génétiques :
Chaque innovation évolutive apparaît de manière aléatoire. La sélection naturelle favorise ensuite chacun de ces petits « sauts » évolutifs (a, puis ab, puis abc… puis abcde). Elle permet ainsi l'apparition d'adaptations de plus en plus poussées (abcde). En effet, si le caractère (a) n'avait pas été sélectionné, le caractère (abcde) ne serait jamais apparu. Car (c) dépend de (a). Un caractère complexe, comme une enzyme, résulte d'une accumulation d'innovations sélectionnées successivement, et non de simples apparitions indépendantes, au hasard des innovations génétiques (même si certains « sauts » évolutifs peuvent être plus ou moins importants ou graduels, voir équilibre ponctué). Donc la sélection naturelle ne fait pas que favoriser les adaptations les plus complexes ; elle permet aussi leur apparition.
Cela n'est valable que si la sélection naturelle s'opère de manière continue, ce qui est envisageable par une compétition intra-spécifique, que Malthus et Darwin estiment inévitable dans une population. En effet les êtres vivants ont une tendance naturelle et universelle à se reproduire en plus grand nombre qu'à la génération précédente.
Les simples innovations dues au hasard sur quelques générations ne suffisent pas à rendre compte de la complexité des êtres vivants et de leur adaptation à leur milieu. Il faut la sélection naturelle pour accumuler les petites innovations et pour en arriver à un organe aussi complexe que l'œil de mammifère, par exemple.
Cela peut être une réponse aux critiques de certains néo-créationnistes, qui affirment que les systèmes vivants (enzymes…) sont trop complexes et harmonieux pour que leur apparition ne soit due qu'à des mutations aléatoires, et que donc selon eux il n'aurait pas eu d'évolution.

[modifier] Limites de la sélection naturelle pour expliquer l'évolution de la lignée humaine
Comme toutes les autres espèces animales, l'espèce humaine est le produit de l'évolution et de la sélection naturelle. Par exemple, on peut penser que la bipédie a offert dans le passé un tel avantage sélectif aux individus capables de se déplacer debout que les gènes associés à ce mode de locomotion se sont répandus dans toute la population humaine.
Il reste néanmoins difficile de reconstruire le détail de l'histoire évolutive de notre espèce et en particulier d'identifier quels facteurs exacts et quels processus précis ont pu intervenir dans l'évolution humaine (e.g., sélection sexuelle, sélection de groupe, sélection culturelle, dérive génétique …) Dans certains cas, il est néanmoins possible d'identifier les pressions de sélection et les adaptations résultant de la sélection naturelle dans les populations humaines. L'un des exemples les plus documentés est la capacité de résistance au paludisme. Les individus porteurs d'un gène entraînant une anomalie de leurs cellules sanguines résistent mieux au parasite qui cause cette maladie. Par contre, leurs enfants courent le risque de souffrir de drépanocytose s'ils héritent de ce gène des deux parents. L'avantage sélectif fourni par la résistance au paludisme permet donc d'expliquer pourquoi dans les populations humaines où ce parasite est endémique (Afrique) se maintient l'allèle d'un gène pouvant entraîner une maladie relativement grave.
L'une des tentatives les plus décriées d'appliquer la théorie darwinienne à l'espèce humaine fut l'utilisation qui fut faite de la sociobiologie développée par E. O. Wilson pour expliquer le comportement des espèces ultra-sociales (fourmis, termites, abeilles, …). En effet, même s'il est vrai que l'une des caractéristiques de l'être humain (et aussi d'autres primates) est son mode de vie très social, la théorie de Wilson nécessite aussi un mode de reproduction et d'organisation sociale très particulier dite eusocialité, très différents de ce qu'on observe chez les humains. Comme s'en défend Wilson lui-même, il est donc absurde de vouloir appliquer directement les conclusions des travaux menés sur ces espèces à l'espèce humaine. Toutefois certains outils théoriques développés initialement dans le cadre de la sociobiologie peuvent se révéler parfaitement pertinents pour l'étude de l'homme.
Le défi majeur de la paléoanthropologie reste néanmoins de parvenir à un cadre théorique pour expliquer l'évolution humaine au moyen de mécanismes plus riches que la seule sélection naturelle. Or l'importance de phénomènes comme la culture, la sélection sexuelle, la dérive génétique reste difficile à évaluer :
« Ainsi, même dans le cadre des théories modernes de l'évolution, qu'on appelle néodarwinisme ou théorie synthétique de l'évolution, les évolutionnistes s'efforcent de réserver une place à part à l'homme, étant entendu que si son corps a évolué, il reste que ce qui fait l'humain échappe aux lois de l'évolution11. »
Un exemple récent d'une telle difficulté concerne le rôle de la sélection de groupe. Alors que ce mécanisme qui « favorise la survie du groupe au détriment de la survie de l'individu » a été très critiqué dans l'évolution animale. Il semble que l'une des particularités de l'espèce humaine est que justement, des phénomènes de sélection multi-niveaux ont pu jouer un rôle important au cours de son évolution12 et en particulier dans l'évolution de sa psychologie.
[modifier] Sélection naturelle, comportement et culture
Tout comportement a une composante génétique et héréditaire. Il a été démontré que l'environnement pouvait agir sur l'évolution d'un comportement héréditaire et inné, chez certains animaux13.
Quant à la culture qui ne se transmet pas par l'ADN, mais par l'apprentissage, elle peut également être sujette à une sélection. Par exemple, si j'ai un comportement qui m'apporte de la satisfaction, comme m'habiller à la mode, je le reproduirai et je l'enseignerai ou on m'imitera. Et inversement, ce comportement ne sera pas transmis, si cela ne donne pas satisfaction. La théorie de la mémétique émise par Richard Dawkins, désigne ces entités, qu'on appelle mèmes, comme éléments de base de la sélection que subit la culture, au même titre que le sont les gènes pour l'évolution du vivant.


Relations entre les évolutions culturelle, environnementale et génétique
Article détaillé : mémétique.
En retour, la culture peut entraîner de nouvelles conditions de vie, et donc modifier la sélection naturelle14. Par exemple l'utilisation de lait de vache dans l'alimentation a favorisé les génotypes tolérants à la digestion du lactose (sucre présent dans le lait).
Ainsi, l'évolution de la culture serait le produit d'une interaction entre une sélection naturelle et une sélection culturelle [réf. nécessaire].
Ainsi on peut envisager que ce modèle d'évolution faisant jouer des rétroactions puisse suivre un cercle vicieux ou vertueux, ce qui entraîne une évolution perpétuelle et continue. À condition que les rétroactions soient positives. Ce modèle est corroboré par les observations : la culture humaine suit bien une évolution continue [réf. nécessaire], et les structures anatomiques qui ont permis cette évolution (volume crânien, structure du cortex) ont aussi évolué de manière continue depuis 2 millions d'années, au moins.
La culture humaine, qui fait toute la singularité de notre espèce, pourrait donc être le résultat d'un tel modèle d'évolution, avec une certaine indépendance vis-à-vis de l'environnement, si on ne tient pas compte des modifications engendrées par les humains eux-mêmes.
E. O. Wilson parle de co-évolution15 des gènes et de la culture. Mais cette approche est critiquée[réf. nécessaire].
Cela est expliqué par certains scientifiques dans la théorie de la construction de niche16 : le comportement ou une autre activité peut influencer sur l'environnement immédiat (la niche écologique) et, en retour, modifier la pression de sélection naturelle.
[modifier] Les autres mécanismes de l'évolution
Lorsque les fréquences de certaines variations héréditaires changent uniquement à cause du hasard, on parle de dérive, voire (si le groupe est très réduit) d'effet fondateur. Ces caractères doivent être relativement neutres pour la sélection naturelle (il n'y a ni avantage, ni désavantage sélectif). Si une même évolution se produit de manière répétée dans un même milieu au cours des générations, ce n'est pas la dérive, mais on peut parler de sélection.
[modifier] Dimension universelle de la sélection naturelle
Dans le cadre de cette théorie, tout système dans lequel s'observeraient ces trois premiers principes donnerait lieu à un phénomène d'évolution par sélection naturelle. Dans le monde vivant, la transmission héréditaire de l'information génétique, qui obéit à ces trois principes, résulte donc d'une évolution des espèces par sélection naturelle. Cependant, d'un point de vue théorique, l'évolution par sélection naturelle ne dépend pas de la nature précise des mécanismes qui permettent l'apparition de variations, la transmission héréditaire et la traduction de l'information héréditaire en caractères phénotypiques. Le fait que Darwin lui-même ignorait jusqu'à l'existence des gènes illustre bien le distinguo qu'il convient de faire entre le cadre théorique de la sélection darwinienne et ses manifestations observables dans les écosystèmes terrestres.
Par conséquent, les phénomènes évolutionnaires observés dans le monde vivant pourraient tout à fait se manifester dans d'autres systèmes qui mettraient en œuvre les trois principes fondamentaux de la sélection darwinienne. C'est par exemple, l'hypothèse faite en exobiologie selon laquelle des formes de vie extraterrestres pourraient être apparues sur la base de mécanismes fondamentaux différents de ceux que l'on connait de la biologie terrestre. Au sein de telles formes de vie évoluant par sélection naturelle, on devrait donc observer des phénomènes similaires à ceux que l'on connait sur Terre : adaptation, coévolution, reproduction sexuée…
Les plus adaptationnistes des biologistes de l'évolution (comme Simon Conway Morris) ont ainsi proposé que les contraintes environnementales sont suffisamment fortes et similaires pour que les formes de vie extraterrestres devraient présenter d'importantes convergences évolutives avec la vie terrestre ; parmi lesquelles la présence d'yeux, l'eusocialité, ou des capacités cognitives complexes17.
Plus près de nous, l'application des principes de la sélection naturelle à la sphère culturelle humaine a donné lieu à la mémétique qui cherche à expliquer les variations, la transmission, et la stabilisation des phénomènes culturels par analogie avec les espèces vivantes. Dans ce cadre théorique, les mèmes sont les unités de sélection, ou réplicateurs, des phénomènes culturels. La sélection intervient sur les mèmes en fonction de leur capacité à « survivre » c'est-à-dire à persister dans l'esprit des individus et de leur capacité à « se reproduire », c'est-à-dire à passer d'un individu à un autre par l'imitation, la communication, l'enseignement, etc. À chaque reproduction, un mème peut donc « muter » : à force d'être racontée, une même histoire sera par exemple déformée, c'est le principe du téléphone arabe. Ainsi, malgré les différences notables entre la nature des réplicateurs biologiques et culturels, certaines analogies peuvent être envisagées : coévolution (y compris entre gène et mème18) ou formation de complexes de mèmes. La pertinence de l'application de la théorie darwinienne aux phénomènes culturels reste néanmoins très débattue19.
Enfin on peut aussi citer l'exemple des algorithmes évolutionnaires utilisés dans le domaine de l'optimisation en ingénierie. Ceux-ci permettent de rechercher une solution à un problème donné en mettant en compétition une population de solutions potentielles dont seules les meilleures sont conservées pour être recombinées et donner naissance à une nouvelle génération de solutions.
Étant donné que dans cette méthode la sélection est le résultat d'une intervention humaine, ce cas relève plutôt de la sélection artificielle
En biologie, l'évolution est la transformation des espèces vivantes qui se manifeste par des changements de leurs caractères génétiques et morphologiques au cours des générations. Les changements successifs peuvent aboutir à la formation de nouvelles espèces. La théorie de l'évolution est une explication scientifique de la diversification des formes de vie qui apparaissent dans la nature. Cette diversification depuis les premières formes de vie est à l'origine de la biodiversité actuelle. L’histoire des espèces peut ainsi être écrite et se représente sous la forme d'un arbre phylogénétique.
L'idée d'évolution est très ancienne et peut déjà se trouver chez certains philosophes de l'Antiquité (Lucrèce, 98-54 av. J.-C., en particulier), mais ce n'est qu'à partir du XIXe siècle que des théories scientifiques proposant une explication du phénomène des espèces ont été développées. La théorie du transformisme de Lamarck a ouvert la voie. Puis, à partir de 1859 avec la publication de De l'origine des espèces par Charles Darwin1, la théorie de l'évolution s'est imposée dans la communauté scientifique. Charles Darwin défend avec des observations détaillées la thèse que les espèces vivantes ne sont pas des catégories fixes mais se diversifient avec le temps, voire disparaissent2. Pour expliquer les changements qui s'imposent peu à peu au sein d'une population il propose l'idée de la sélection naturelle. Les espèces sont profondément conditionnées par leur milieu naturel, aujourd'hui appelé écosystème.
Avec la découverte de la génétique par Mendel la théorie de l'évolution s'est peu à peu affinée3. Depuis les années 1930, la théorie synthétique de l'évolution fait l'objet d'un large consensus scientifique sur ses fondements et ses principaux mécanismes4. Les recherches actuelles continuent de s'intéresser aux mécanismes qui permettent d'expliquer l'évolution5. Des processus découverts après 1950 comme celle de gène architecte, de coévolution et d'endosymbiose permettent de mieux saisir les mécanismes génétiques en action, d'appréhender l'évolution des espèces les unes par rapport aux autres ou de décrire plus précisément les différents rythmes de l'évolution.
L'évolution est causée, d'une part par la présence de variations parmi les traits héréditaires, tels que la couleur du plumage, d'une population d'individus lors des phases de reproductions avec l'apparition parfois de mutations, et d'autre part par divers mécanismes qui vont modifier la fréquence de certains traits héréditaires au sein de la population. Parmi ces mécanismes, la sélection naturelle désigne la différence de propagation entre les traits héréditaires causée par leur effet sur la survie et la reproduction des individus : si un certain trait héréditaire favorise les chances de survie ou la reproduction, il s'ensuit mécaniquement que la fréquence de ce trait augmente d'une génération à l'autre. Dans une population de taille finie, un trait peut également être propagé ou éliminé par le fait de fluctuations aléatoires (dérive génétique). À l'échelle des temps géologiques, l'évolution conduit à des changements morphologiques, anatomiques, physiologiques et comportementaux des espèces. L'histoire évolutive des lémuriformes sur l'île de Madagascar est un exemple frappant illustrant la théorie de l'évolution sur un écosystème précis.
La théorie de l'évolution est appliquée et étudiée dans des domaines aussi divers que l'agriculture, l'anthropologie, la biologie de la conservation, l'écologie, la médecine, la paléontologie, la philosophie, et la psychologie.
Sommaire
1 Histoire de la théorie de l'évolution
2 Évolution et espèces
3 Arguments en faveur de l'évolution
o 3.1 Stratégie de raisonnement
o 3.2 Indices morphologiques
o 3.3 Indices moléculaires
o 3.4 Indices comportementaux
o 3.5 Exemple d'évolution à échelle de temps humaine : Podarcis siculus
4 Méthodes d'étude de l'évolution
o 4.1 Systématique
o 4.2 Paléobiologie
o 4.3 Analyse comparative des caractères
o 4.4 Génétique des populations
o 4.5 Modélisation
o 4.6 Expérimentation
5 Mécanismes de l'évolution
o 5.1 Évolution des populations
5.1.1 Apparition de nouveaux caractères
5.1.2 Variabilité des individus au sein des populations
5.1.3 Hérédité
5.1.4 Transmission des caractères acquis, une hypothèse non totalement rejetée
5.1.5 Dérive génétique
5.1.6 Sélection naturelle
o 5.2 Conséquences évolutives
5.2.1 Adaptation des espèces
5.2.2 Apparition et disparition des espèces
o 5.3 Controverses sur les mécanismes de l'évolution
6 Histoire évolutive du vivant
7 Évolution et sociétés humaines
o 7.1 Évolution et agriculture
o 7.2 Évolution et informatique
o 7.3 Eugénisme
o 7.4 Psychologie évolutionniste
o 7.5 Évolution et religions
7.5.1 Aspects politiques et judiciaires
8 Notes et références
9 Voir aussi
o 9.1 Bibliographie
o 9.2 Articles connexes
o 9.3 Liens externes

[modifier] Histoire de la théorie de l'évolution
Article détaillé : Histoire de la pensée évolutionniste.
Les hommes ont cherché l'origine de la diversité du vivant dès la période antique. L'idée d'évolution est déjà présente chez des philosophes grecs6et romains (Démocrite, Épicure, Lucrèce). Cependant Aristote, comme beaucoup d'autres, avait une conception fixiste du vivant. Cette vision est restée prédominante dans la pensée occidentale jusqu'au XVIIIe siècle. Les religions monothéistes ont diffusé cette idée fixiste. Les récits bibliques, en particulier ceux de la Genèse, affirment que toutes les espèces vivantes ont été créées telles quelles par Dieu. De plus ces religions confèrent à l'homme une place à part dans le vivant: il serait à l'image de Dieu et moralement supérieur à toutes les autres espèces6.
Durant le Moyen Âge, les débats philosophiques en Europe occidentale sont limités par la dominance du dogmatisme chrétien 7. Les autorités religieuses condamnent fermement toute idée remettant en cause les écrits bibliques. Dans le monde musulman l'idée d'évolution resurgit par intermittence. Au IXe siècle Al-Jahiz défend l'idée que non seulement les espèces évoluent au cours du temps, mais propose aussi une première théorie cherchant à expliquer cette évolution8. Au XIIIe siècle, le philosophe Nasir ad-Din at-Tusi soutient la sélection des meilleurs et l'adaptation des espèces à leur environnement9. Ces écrits se sont heurtés au dogme de la genèse et ont été oubliés pendant des siècles.
A la Renaissance des savants comme Jérôme Cardan10, Giordano Bruno11 et Giulio Cesare Vanini12 remettent en cause le dogmatisme religieux, posent la question de l'origine de la vie, défendent des théories polygéniques voire même l'idée d'un ancêtre commun aux hommes et aux singes. Face à l'inquisition certains le paieront de leur vie13.
Au début du XVIIIe siècle, la paléontologie et la découverte de fossiles de squelettes ne ressemblant à aucun squelette d'animaux vivants 14 ébranlent les idées fixistes. Des savants redécouvrent l'idée d'évolution comme Pierre Louis Moreau de Maupertuis avec son intérêt pour l’hérédité et Georges Louis Leclerc, comte de Buffon, naturaliste passionné qui transforma le Jardin des plantes en un centre de collection et d'étude. Pour concilier ces découvertes avec les textes bibliques, Georges Cuvier expose sa théorie catastrophiste selon laquelle il y aurait eu une succession de créations divines entrecoupées d'extinctions brutales au cours des temps géologiques15. Il admet ainsi que les espèces terrestres n'ont pas toujours été celles observées aujourd'hui, sans pour autant accepter l'évolution des espèces, et que les 6 000 ans estimés jusque là pour l'âge de la Terre sont trop courts pour y intégrer ces extinctions successives16.


Jean-baptiste de Lamarck
La première théorie véritablement scientifique d'une évolution des espèces vivantes est avancée par le naturaliste Jean-Baptiste Lamarck. Après un long travail de classification des espèces et sur la base d'une théorie physique des êtres vivants, Lamarck développe la théorie transformiste. Il considère que les espèces peuvent se transformer selon deux principes :
1. La diversification, ou spécialisation, des êtres vivants en de multiples espèces, sous l'effet des circonstances variées auxquelles ils sont confrontés dans des milieux variés et auxquelles ils s'adaptent en modifiant leur comportement ou leurs organes pour répondre à leurs besoins, généralement désigné par « l'usage et le non-usage » ;
2. la complexification croissante de l'organisation des êtres vivants sous l'effet de la dynamique interne propre à leur métabolisme.
La publication, en 1809, dans Philosophie zoologique, de sa théorie transformiste entraine de virulents débats au sein de l'Académie des sciences car elle entre en contradiction avec les idées en vigueur à l'époque et notamment le fixisme. Mais en fait Lamarck n'avance aucune théorie de l'hérédité (contrairement à ce que fera Darwin en 1868), il se contente de reprendre les idées admises sur ce point depuis Aristote. Malgré les critiques de Cuvier, qui devient son principal opposant, les idées transformistes reçoivent une adhésion croissante à partir de 1825 et rendent les naturalistes plus réceptifs aux théories évolutionnistes17
Charles Darwin publie en 1859 son livre De l'origine des espèces18 où il expose une suite d'observations très détaillées et présente le mécanisme de la sélection naturelle pour expliquer ces observations. Cette théorie, qui entraine ce qu'il appelle "la descendance avec modification" des différentes espèces, considère que, étant donné que tous les individus d'une espèce diffèrent au moins légèrement, et qu'il nait plus d'individus que le milieu ne peut en nourrir, seuls les descendants des individus les mieux adaptés à la "lutte pour la vie", c'est-à-dire à la compétition pour l'appropriation des ressources rares, parviendront à engendrer une descendance (référence précise nécessaire). Les individus ainsi sélectionnés transmettant leurs caractères à leur descendance, les espèces s'adaptent en permanence à leur milieu. Il baptise sélection naturelle cette sélection des individus les mieux adaptés en opposition à la sélection artificielle que pratiquent les agriculteurs, jardiniers et éleveurs; cette dernière étant le socle expérimental empirique sur lequel Darwin s'appuie pour développer sa théorie.
Darwin propose dans son ouvrage de 1868, une théorie qui explique la transmission des caractères acquis qui sera partiellement infirmée par divers études sur l'hérédité. August Weismann, à la fin du XIXe siècle, théorise la séparation stricte entre les cellules germinales (germen) et les cellules corporelles (soma), ce qui interdit la transmission des caractères acquis. La redécouverte des lois de Mendel à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle bouleverse la compréhension des mécanismes de l'hérédité et donne naissance à la génétique. Elle est à l'origine de nouvelles méthodes dans l'étude de l'évolution, comme la génétique des populations.
Dans les années 1940, la Théorie synthétique de l'évolution, fondée entre autres par Theodosius Dobzhansky et Ernst Mayr, nait de l'articulation entre la théorie de la sélection naturelle Darwinienne et de la génétique mendeléienne. La découverte de l'ADN et la biologie moléculaire viennent parachever cet édifice scientifique. Depuis la biologie de l'évolution est intégrée à toutes les disciplines de la biologie et, en parallèle de son développement, contribue aussi bien à retracer l'histoire évolutive du vivant, qu'à trouver des remèdes aux maladies les plus complexes telles que le SIDA ou le cancer. Plus récemment, l'étude de l'évolution profite du développement de l'informatique et des progrès de la biologie moléculaire, notamment du séquençage du génome qui permet le développement de la phylogénie par un apport très important de données.
[modifier] Évolution et espèces
Il existe de nombreuses espèces dans la nature ; les chats, les chiens, les baleines, les souris... tous les mammifères, mais aussi les arbres, les fleurs ou encore les bactéries. Certains types d'espèces, comme les dinosaures ou les mammouths ont disparu de la surface de la Terre. L'évolution est la théorie scientifique qui s'intéresse aux espèces et explique pourquoi elles apparaissent ou disparaissent. La notion d'espèce est importante pour bien comprendre l'évolution. Une espèce est une population dont les individus peuvent se reproduire et engendrer une descendance viable. Ainsi on distingue communément les roses des tulipes, les baleines des dauphins, communément car, à la différence des haricots ou des petit-pois, chacune de ces catégories est en fait un genre (biologie) regroupant de nombreuses espèces.
La science de classification des espèces s'appelle la taxinomie. En observant les différentes espèces on s'aperçoit que certaines sont plus proches les unes des autres; les hommes et les singes, les poules et les pigeons. Il existe différents critères permettant de séparer les espèces. Par exemple on peut distinguer les êtres vivants qui possèdent un squelette osseux, les vertébrés, de ceux qui n'en ont pas, puis distinguer spécifiquement ceux qui allaitent leurs enfants, les mammifères. Faire l'inventaire et la classification de toutes les espèces vivantes est un long travail car on découvre régulièrement de nouvelles espèces et les différences entre deux espèces peuvent être très subtiles.
De la même façon qu'une sœur et un frère se ressemblent et présentent certains des traits de leurs parents, il est possible d'établir des liens de familiarités entre différentes espèces. En étudiant leurs caractéristiques, il est possible de reconstituer l'histoire d'une espèce. Par exemple, les baleines sont des mammifères et non des poissons car elles respirent de l'air avec des poumons et allaitent leurs petits. De plus leur squelette présente des caractéristiques remarquables, en particulier la présence d'os correspondant au bassin (ceinture pelvienne). Ainsi l'étude de leur squelette, qui ressemble très fortement à ceux des quadrupèdes, permet de soutenir que les baleines auraient un mammifère terrestre pour ancêtre19, pour plus de détails voir l'article Histoire évolutive des cétacés20. De plus, au niveau moléculaire toutes les espèces possèdent un code génétique. Plus les espèces sont proches les unes des autres plus leurs codes génétiques sont similaires. L'étude du génome permet donc des analyses très fines de l'évolution, notamment des cétacés21.
[modifier] Arguments en faveur de l'évolution
[modifier] Stratégie de raisonnement
Si on arrive à établir un lien de parenté entre deux espèces différentes, alors cela veut dire qu'une espèce ancestrale s'est transformée en, au moins, une de ces deux espèces. Il y a donc bien eu évolution.
Un lien de parenté entre espèces fossiles ou actuelles peut être mis en évidence par le partage d'au moins un caractère homologue, c'est-à-dire provenant d'un ancêtre. Ces indices de parenté sont décelables au niveau de la morphologie, au niveau moléculaire et parfois même, pour des espèces très proches, au niveau du comportement.
Utilisation des fossiles


Archaefructus liaoningensis le plus ancien reste de fleur connu.
Il est en général impossible d'affirmer qu'une espèce fossile est l'ancêtre d'une espèce actuelle, car il ne sera jamais garanti que l'espèce actuelle ne s'est pas différenciée à partir d'une autre espèce proche, mais qui n'aurait pas été découverte. En effet, la conservation de restes d'espèces éteintes est un événement relativement improbable surtout pour les périodes les plus anciennes. On peut seulement estimer les liens de parenté, avec les autres espèces déjà connues, actuelles ou fossiles. Par exemple le fossile de fleur le plus ancien a été daté de 140 millions d'années. Cet organe est donc apparu sur Terre, il y a au moins 140 millions d'années. Mais d'autres espèces proches, avec des fleurs, existaient aussi certainement à cette époque. Personne n'est capable d'affirmer laquelle de ces espèces est l'ancêtre des plantes à fleur actuelles. On ne cherchera que les relations de parenté, les relations d'ancêtre à descendant ne pouvant jamais être reconstituées.
L'âge d'une espèce fossile, en revanche, indique l'âge minimum d'apparition des caractères qu'elle possède. Il est alors possible de reconstruire l'histoire de l'évolution, en plaçant sur une échelle des temps l'apparition des différents caractères. Les fossiles nous indiquent que l'ordre d'apparition des innovations évolutives est tout à fait en accord avec l'idée d'une évolution, qui dans un schéma général, part de structures simples vers des structures plus complexes. C'est aussi en accord avec une origine aquatique des êtres vivants, puisque les espèces fossiles les plus anciennes vivaient dans l'eau.
[modifier] Indices morphologiques


Squelette de baleine. En c figure le vestige de bassin22.


Les « mains » des Mammifères ont un même plan d'organisation, ce qui traduit une homologie.
les baleines, animaux adaptés à la vie aquatique gardent une trace de leurs ancêtres quadrupèdes par la présence d'os vestigials correspondant au bassin (ceinture pelvienne) ;
Il y a des vestiges de pattes chez certains serpents (boas)23 ;
En observant l'aile d'un oiseau ou d'une chauve-souris, on retrouve aisément la structure osseuse du membre antérieur de tout tétrapode ;
les défenses à croissance continue des éléphants sont en fait homologues des incisives des autres mammifères, dont l'homme ;
les appendices masticateurs des arthropodes sont à l'origine des appendices locomoteurs réduits (il en va de même apparemment pour les Onychophores) ;
les membres des tétrapodes proviennent des nageoires de poissons ;
chez les eucaryotes, la présence d'une double membrane autour des mitochondries et la présence d'un ADN circulaire à l'intérieur de celles-ci trahissent une origine endosymbiotique procaryote. De même, dans le monde végétal, la présence d'une double membrane autour des chloroplastes et la présence d'un ADN circulaire laisse supposer l'origine cyanobactérienne de ces derniers. De surcroît, des chloroplastes à quatre membranes (plastes des chromophytes), sont les témoins d'une endosymbiose secondaire 24
[modifier] Indices moléculaires


ADN animation
Le support de l'information héréditaire est toujours l'ADN pour l'ensemble du vivant ;
Le code génétique, code de correspondance entre l'ADN et les protéines est quasiment le même chez tous les êtres vivants ;
Le séquençage de l'ADN. fait apparaître de nombreuses régions étroitement proches donc apparentées (gènes homologues: paralogues ou orthologues) qui codent des protéines aux fonctions ou structures différentes mais assez proches (exemple : les gènes qui codent les hémoglobines, myoglobines, etc.).
[modifier] Indices comportementaux
Chez certaines espèces de Lacertidés américains du genre Cnemidophorus, ou lézards à queue en fouet, il n'existe plus que des femelles. Ces espèces pratiquent donc une reproduction asexuée. Cependant des simulacres d'accouplements persistent : pour se reproduire une femelle monte sur une autre dans un comportement similaire à celui des espèces sexuées. Ce comportement d'origine hormonale est à mettre en relation avec une origine récente de ces espèces parthénogénétiques25.
[modifier] Exemple d'évolution à échelle de temps humaine : Podarcis siculus


Podarcis siculus. Des lézards des ruines déposés sur l'île de Prod Mrcaru en 1971 ont évolué en 36 ans de façon à disposer d'un nouvel organe de digestion absent chez l'espèce d'origine : les valves cæcales.
Introduit en 1971 par l'équipe du professeur Eviatar Nevo sur l'île dalmate de Prod Mrcaru en mer Adriatique, le lézard des ruines (Podarcis siculus) y a été abandonné à lui-même durant plus de trois décennies, l'accès à l'île ayant été interdit par les autorités yougoslaves, puis par les conflits liés à l'éclatement de ce pays. En 2004, une équipe scientifique dirigée par Duncan Irschick et Anthony Herrel put revenir sur l'île et découvrit que Podarcis siculus avait évolué en 36 ans, soit environ trente générations, de façon très significative. Le lézard a grandi, sa mâchoire est devenue plus puissante, et surtout il a changé de régime alimentaire : d'insectivore il est devenu herbivore, et des valves cæcales sont apparues au niveau des intestins, ce qui lui permet de digérer les herbes... Cette découverte confirme, s'il en était encore besoin, que l'évolution n'est pas une théorie parmi d'autres, mais un phénomène biologique concrètement observable, et pas seulement chez les virus, les bactéries ou les espèces domestiquées26.
[modifier] Méthodes d'étude de l'évolution
[modifier] Systématique
Si l'on veut retranscrire les concepts en systématique, il faut considérer la théorie cladistique, selon laquelle les grades évolutifs (qui induisent une vision de l'évolution aujourd'hui obsolète [réf. nécessaire]) ne sont plus pris en compte, en faveur des clades27.
[modifier] Paléobiologie
Articles détaillés : Paléontologie et Paléogénétique.
La paléobiologie, étude de la vie des temps passés, permet de reconstituer l'histoire des êtres vivants. Cette histoire donne aussi des indices sur les mécanismes évolutifs en jeu dans l'évolution des espèces. La paléontologie s'occupe plus particulièrement des restes fossiles des êtres vivants. La paléogénétique, science récente, s'intéresse au matériel génétique ayant survécu jusqu'à aujourd'hui28. Ces deux approches sont limitées par la dégradation du matériel biologique au cours du temps. Ainsi, les informations issues des restes sont d'autant plus rares que l'être vivant concerné est ancien. De plus, certaines conditions sont plus propices que d'autres à la conservation du matériel biologique. Ainsi, les environnements anoxiques ou très froids entravent la dégradation des restes. Les restes vivants sont donc lacunaires et sont bien souvent insuffisants pour retracer l'histoire évolutive du vivant.
[modifier] Analyse comparative des caractères
Articles détaillés : Génétique évolutive du développement et Phylogénie.
Tous les êtres vivants actuels étant issus d'un même ancêtre commun, ils partagent des caractéristiques héritées de cet ancêtre. L'analyse des ressemblances entre êtres vivants donne de nombreuses informations sur leurs relations de parenté, et permet de retracer l'histoire évolutive des espèces. La phylogénie est la discipline scientifique qui cherche à retracer les relations entre êtres vivants actuels et fossiles à partir de l'analyse comparative des caractères morphologiques, physiologiques ou moléculaires. L'analyse comparative permet de retracer l'histoire évolutive des différents caractères dans les lignées du vivant. L'évolution des caractères ne suit pas nécessairement celle des espèces, certains caractères (dits convergents) peuvent être apparus plusieurs fois de manière indépendante dans différentes lignées.
L'évolution des caractères et des lignées peut être associée à des évènements géologiques ou biologiques marquant l'histoire de la Terre, ce qui permet de proposer des hypothèses sur les mécanismes à l'origine de l'évolution des espèces.
La nature des caractères pouvant être analysés est extrêmement diverse, et il peut s'agir aussi bien de caractères morphologiques (taille, forme ou volume de différentes structures), anatomiques (structure, organisation des organes), tissulaires, cellulaires ou moléculaires (séquences protéiques ou nucléiques). Ces différents caractères apportent des informations diverses et souvent complémentaires. Actuellement, les caractères moléculaires (en particulier les séquences d'ADN) sont privilégiées, du fait de leur universalité, de leur fiabilité et du faible coût des technologies associées. Ils ne peuvent cependant pas être utilisés lors de l'étude de fossiles pour lesquels seuls les caractères morphologiques sont en général informatifs.
[modifier] Génétique des populations
Article détaillé : Génétique des populations.
[modifier] Modélisation
La modélisation en biologie de l'évolution se base sur les mécanismes de l'évolution mis en évidence pour mettre en place des modèles théoriques. Ces modèles peuvent produire des résultats qui dépendent des hypothèses de départ de ce modèle, ces résultats pouvant être comparés à des données réellement observées. On peut ainsi tester la capacité du modèle à refléter la réalité, et, dans une certaine mesure, la validité de la théorie sous-jacente à ce modèle.
Les modèles dépendent souvent de paramètres, lesquels ne peuvent pas toujours être déterminés a priori. La modélisation permet de comparer les résultats du modèle et ceux de la réalité pour de nombreuses valeurs différentes de ces paramètres, et ainsi déterminer quelles sont les combinaisons de paramètres qui permettent au modèle de décrire au mieux la réalité. Ces paramètres correspondent souvent à des paramètres biologiques, et on peut ainsi estimer à partir du modèle certains paramètres biologiques difficiles à mesurer. La justesse de l'estimation de ces paramètres dépend cependant de la validité du modèle, laquelle est parfois difficile à tester.
La modélisation permet enfin de prédire certaines évolutions à venir, en utilisant les données actuelles comme données de départ du modèle.
[modifier] Expérimentation
Article détaillé : Évolution expérimentale.
L'évolution expérimentale est la branche de la biologie qui étudie l'évolution par de réelles expériences, à l'inverse de l'étude comparative des caractères, qui ne fait que regarder l'état actuel des êtres vivants. Les expériences consistent généralement en l'isolement d'une ou plusieurs espèces dans un milieu biologique contrôlé. On laisse alors ces espèces évoluer pendant un certain temps, en appliquant éventuellement des changements contrôlés de conditions environnementales. On compare enfin certaines caractéristiques des espèces avant et après la période d'évolution.
L'évolution expérimentale permet non seulement d'observer l'évolution en cours, mais aussi de vérifier certaines prédictions énoncées dans le cadre de la théorie de l'évolution, et tester l'importance relative de différents mécanismes évolutifs.
L'évolution expérimentale ne peut étudier que des caractères évoluant rapidement, et se limite donc à des organismes se reproduisant rapidement, notamment des virus ou des unicellulaires, mais aussi certains organismes à génération plus longue comme la drosophile ou certains rongeurs.
Un exemple : l'expérience de Luria et Delbrück.
[modifier] Mécanismes de l'évolution
Article détaillé : Théorie synthétique de l'évolution.
[modifier] Évolution des populations


L'évolution des caractères dans les populations: diversité, sélection et transmission
Parce que les individus d'une population possèdent des caractères héritables différents, et que seule une partie de ces individus accède à la reproduction, les caractères les plus adaptés à l'environnement sont préférentiellement conservés par la sélection naturelle. De plus, le hasard de la reproduction sexuée rend partiellement aléatoires les caractères qui seront transmis, par effet de dérive génétique. Ainsi, la proportion des différents caractères d'une population varie d'une génération à l'autre, conduisant à l'évolution des populations.
[modifier] Apparition de nouveaux caractères
Cela se produit par mutation et recombinaison génétique, ou remaniement chromosomique. Mais cela ne se déroule que dans un individu, pas dans l'espèce entière. Il faut, pour que ce nouveau caractère se répande, l'effet de la sélection naturelle et/ou de la dérive génétique.
[modifier] Variabilité des individus au sein des populations
Articles détaillés : Diversité génétique, Mutation et Reproduction sexuée.
La plupart des individus d'une espèce sont uniques et diffèrent les uns des autres. Ces différences sont observables à toutes les échelles, du point de vue morphologique jusqu'à l'échelle moléculaire. Cette diversité des populations a deux origines principales : les individus sont dissemblables parce qu'ils ne possèdent pas la même information génétique et parce qu'ils ont subi des influences environnementales différentes.
La diversité génétique se manifeste par des variations locales de la séquence d'ADN, formant différents variants de la même séquence appelés allèles. Cette variabilité a plusieurs origines. Des allèles peuvent être formés spontanément par mutation de la séquence d'ADN. Par ailleurs, la reproduction sexuée contribue à la diversité génétique des populations de deux manières : d'une part, la recombinaison génétique permet de diversifier les combinaisons d'allèles réunies sur un même chromosome. D'autre part, une partie du génome de chaque parent est sélectionnée aléatoirement pour former un nouvel individu, dont le génome est par conséquent unique.
La diversité issue de l'environnement s'acquiert tout au long de l'histoire de l'individu, depuis la formation des gamètes jusqu'à sa mort. L'environnement étant unique à chaque endroit et à chaque moment, il exerce des effets uniques sur chaque individu, et ce à toutes les échelles, de la morphologie jusqu'à la biologie moléculaire. Ainsi, deux individus possédant la même information génétique (c'est par exemple le cas pour les vrais jumeaux) sont tout de même différents. Ils peuvent notamment avoir une organisation et une expression différente de l'information génétique.
[modifier] Hérédité
Articles détaillés : Hérédité, ADN, Reproduction, Réplication de l'ADN et Épigénétique.
Les êtres vivants sont capables de se reproduire, transmettant ainsi une partie de leurs caractères à leurs descendants. On distingue la reproduction asexuée, ne faisant intervenir qu'un individu, de la reproduction sexuée pendant laquelle deux individus mettent en commun une partie de leur matériel génétique, formant ainsi un individu génétiquement unique.
Les caractères génétiques, c'est-à-dire l'ensemble des séquences d'acide nucléique d'un individu, ne sont pas tous transmis de la même manière. Lors de la reproduction asexuée, qui est une reproduction clonale, l'ensemble des séquences nucléiques sont copiées et l'information génétique contenue chez les deux descendants est alors identique. En revanche, lors de la reproduction sexuée, il arrive fréquemment qu'une partie seulement du matériel génétique soit transmise. Chez les Métazoaires, les chromosomes sont fréquemment associés par paire, et seul un chromosome de chaque paire et de chaque parent est transmis à l'enfant. De plus, si les parents fournissent tous les deux la moitié du contenu nucléaire, le matériel cytoplasmique est souvent fourni par un seul des deux parents (la mère chez les mammifères). Ainsi, le matériel génétique contenu dans les organites semi-autonomes, tels que les chloroplastes et les mitochondries, n'est transmis que par une partie des individus de l'espèce (les femelles chez les mammifères).
[modifier] Transmission des caractères acquis, une hypothèse non totalement rejetée
Article détaillé : Transmission des caractères acquis.
La théorie synthétique de l'évolution, paradigme dominant actuel, se fonde sur un déterminisme génétique intégral et écarte donc toute transmission héréditaire de caractères acquis au cours de la vie de l'individu. Néanmoins de plus en plus de travaux scientifiques remettent en cause ce modèle et rétablissent pour partie l'idée d'une transmission héréditaire de caractères acquis que défendait le lamarckisme29.
Tout d'abord, certains caractères dits épigénétiques concernent la structure et l'organisation des génomes sont transmis par les parents en même temps que les molécules d'acide nucléique elles-mêmes. De plus, la mère fournit l'environnement cytoplasmique de la cellule-oeuf du descendant, et transmet ainsi un certain nombre de caractéristiques cellulaires à l'enfant. Des modifications épigénétiques conservées dans la lignée germinale sont désormais décrites chez plusieurs espèces. Chez les plantes il existe une corrélation entre le niveau d'expression d'un gène et sa méthylation. Pareillement, chez les mammifères nous témoignons de la méthylation d'une séquence transposable qui est insérée à proximité d'un gène particulier. Le degré de méthylation d'un transposon pouvant enfin moduler l'expression du gène dans lequel il s'est inséré30. L'étude de l'épigénétique, longtemps délaissée, connait un grand essor depuis la fin du séquençage de nombreux génomes, dont celui de l'homme.
Ainsi, Une étude de 2009 du MIT affirme mettre en évidence une hérédité de certains caractères acquis chez des rongeurs31. Par ailleurs, l’obésité serait non pas uniquement un effet direct touchant les individus atteints eux-mêmes mais également un effet transgénérationnel. Des données chez l'homme et chez l'animal semblent montrer que les effets d'une sous-alimentation subies par des individus pourraient en effet être transmises aux descendants.
[modifier] Dérive génétique
Article détaillé : dérive génétique.


Simulation informatique de l'évolution de la fréquence d'un allèle neutre au cours du temps dans une population de 10 (en haut) ou 100 individus (en bas). Chaque courbe représente une simulation différente, les différences illustrant l'effet du hasard (dérive génétique). Les fluctuations de la fréquence de l'allèle sont plus importantes lorsque la population est de taille réduite, et la fixation (fréquence égale à 1) ou la perte (fréquence égale à 0) d'un allèle est alors plus rapide.
Lors de la reproduction sexuée, la transmission des caractères (notamment des allèles) comporte une grande part de hasard due à la recombinaison homologue, et au brassage génétique. Ainsi, on observe une variation aléatoire des fréquences alléliques d'une génération à l'autre, appelée dérive génétique. La dérive génétique génère donc une composante aléatoire dans l'évolution des populations. Ainsi, deux populations d'une même espèce n'échangeant pas de matériel génétique vont diverger jusqu'à former, si le temps d'isolement génétique est suffisant, deux espèces différentes. La dérive génétique est donc un des moteurs de la spéciation.
L'effet de la dérive génétique est particulièrement visible lorsqu'un faible nombre d'individus est à l'origine d'une population beaucoup plus nombreuse. C'est le cas lorsque se forme un goulot d'étranglement c'est-à-dire qu'une population est décimée et se reconstitue, ou lorsque quelques individus d'une population migrent pour aller coloniser un nouvel espace et former une nouvelle population (effet fondateur). Lorsqu'un tel évènement se produit, un allèle même faiblement représenté dans la population de départ peut se retrouver en forte proportion dans la population nouvellement formée sous le simple effet d'un hasard dans le tirage des individus à l'origine de la nouvelle population. Inversement, un allèle fortement représenté peut ne pas être tiré, et disparaît de la nouvelle population. Par ailleurs, la formation d'une nouvelle population à partir d'un faible nombre d'individus a pour effet d'augmenter la consanguinité dans la population et augmente le pourcentage d'homozygotie, ce qui fragilise la population.
 Sélection naturelle
Article détaillé : Sélection naturelle.
Dans la très grande majorité des espèces, le nombre de cellules-œufs produit est bien plus grand que le nombre d'individus arrivant à l'âge de la maturité sexuelle et parmi ceux-ci, une partie seulement accède à la reproduction. Ainsi, seule une partie des individus formés se reproduit à la génération suivante. Il existe donc une sélection des individus perpétuant l'espèce, seuls les individus n'étant pas éliminés par les conditions environnementales pouvant se reproduire. Cette sélection a été baptisée sélection naturelle.
Comme il existe une variabilité au sein des espèces, les individus possédant des caractères différents, et qu'une partie de ces caractères sont héréditaires, les caractères permettant à l'individu de survivre et de mieux se reproduire seront préférentiellement transmis à la descendance, par rapport aux autres caractères. Ainsi la proportion des caractères au sein des espèces évolue au cours du temps.
La sélection naturelle peut prendre des formes très variées. La sélection utilitaire est une élimination des individus les moins capables de survivre et les moins féconds, alors que la sélection sexuelle conserve préférentiellement les individus les plus aptes à rencontrer un partenaire sexuel. Bien que ces sélections soient complémentaires, on observe souvent des conflits, chaque forme de sélection pouvant favoriser l'évolution d'un caractère dans un sens différent.
Il est parfois observé une sélection d'individus qui favorisent la survie ou la reproduction d'individus qui leur sont ou non apparentés, comme c'est le cas chez les insectes eusociaux ou lorsqu'un individu se sacrifie pour permettre la survie de son groupe ou de sa descendance. En sociobiologie, ces comportements altruistes s'expliquent notamment par les théories controversées de la sélection de parentèle, de la sélection de groupe et de l'altruisme réciproque. La sélection de parentèle prédit qu'il peut être plus avantageux pour un individu de favoriser beaucoup la reproduction d'un individu apparenté (donc avec lequel il partage des caractères) que de se reproduire un peu ou pas du tout, la sélection de groupe repose sur le même principe mais du point de vue du groupe et pourrait expliquer certains actes chez l'homme comme les guerres ou la xénophobie, l'altruisme réciproque se penche sur les cas d'altruisme entre individus non-apparentés et induit une contribution réciproque dont l'aide donnée en retour peut être différée dans le temps.
Enfin, la sélection artificielle n'est qu'une forme de sélection naturelle exercée par l'homme.
 Conséquences évolutives
 Adaptation des espèces
Articles détaillés : Adaptation et Neutralisme.
En conséquence de la sélection naturelle, les espèces conservent préférentiellement les caractères les plus adaptés à leur environnement, et y sont donc de mieux en mieux adaptées. Les pressions de sélection en jeu dans cette adaptation sont nombreuses et concernent tous les aspects de l'environnement, des contraintes physiques jusqu'aux espèces biologiques interagissantes.
L'adaptation de plusieurs espèces différentes sous l'effet des mêmes pressions environnementales peut conduire à l'apparition répétée et indépendante du même caractère adaptatif chez ces espèces, par un phénomène de convergence évolutive. Par exemple, chez les mammifères les cétacés et les siréniens ont tous deux développé des nageoires, de manière indépendante. L'évolution de ces nageoires montre une adaptation convergente à la vie aquatique.
Cependant, l'effet de la sélection naturelle est réduit par celui de la dérive génétique. Ainsi, un caractère avantageux pourra ne pas être sélectionné à cause de l'inertie donnée par la dérive. De plus, la loi de Dollo (loi sur l'irréversibilité de l'évolution) stipule qu'un caractère perdu ou abandonné au cours de l'évolution ne saurait réapparaître au sein d'une même lignée d'organismes.
 Apparition et disparition des espèces
Articles détaillés : Spéciation et Extinction des espèces.
L'évolution d'une population sous l'effet du hasard et des contraintes environnementales peut aboutir à la disparition de la population et éventuellement de l'espèce à laquelle elle appartient. Inversement, deux populations peuvent s'individualiser au sein d'une même espèce jusqu'à former deux espèces distinctes par un processus nommé spéciation.
 Controverses sur les mécanismes de l'évolution
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L'évolution et ses mécanismes sont encore largement étudiés aujourd'hui, et de nombreux points sur les mécanismes de l'évolution ne sont pas éclaircis. Certaines questions déjà soulevées par Charles Darwin n'ont d'ailleurs toujours pas de réponse certaine.
Une des grandes questions de la théorie de l'évolution est l'origine des rangs taxinomiques supérieurs à celui de l'espèce. En outre, la manière dont est apparue la majorité les 33 embranchements animaux, issus de l'explosion cambrienne, pose encore problème. Ainsi, la théorie gradualiste estime que les changements interviennent de manière progressive au cours de l'évolution, alors que la théorie des équilibres ponctués, formulée par Stephen Jay Gould et Niles Eldredge défend qu'il existe des sauts évolutifs majeurs. Selon cette théorie, le mécanisme d'évolution est tantôt accéléré tantôt ralenti, voire pratiquement nul durant de longues périodes32. Or au Cambrien, les paléontologues s'accordent à reconnaître des changements écologiques majeurs33 qui pourraient selon cette théorie être à l'origine de l'apparition d'organismes appartenant aux clades actuels. De plus l'absence de fossile durant presque 100 millions d'années avant les faunes de Burgess et la rareté des sites fossilifères précambriens suggèrent l'existence de lignées fantômes précédant l'explosion cambrienne. Les formes de vie auxquelles appartiennent les animaux de Burgess n'auraient tout simplement pas été retrouvées à l'état fossile durant de longues périodes34.
La transmission des caractères acquis, complètement délaissée depuis la découverte des lois de l'hérédité, est réactualisée par la découverte des phénomènes épigénétiques. Dès lors, l'importance de cette transmission de caractères non hérités des parents dans l'évolution des espèces doit se poser. Cependant, notre connaissance des mécanismes épigénétiques est encore trop faible pour pouvoir répondre à cette question. En outre, peu d'études sur le rôle de l'épigénétique dans l'évolution ont été réalisées à l'heure actuelle.
Il a été longtemps admis que l'évolution s'accompagnait d'un accroissement de la complexité des êtres vivants. Cependant, cette idée, largement influencée par l'anthropocentrisme, est fortement débattue aujourd'hui35. La complexité n'ayant pas de définition précise à l'heure actuelle, il est difficile de vérifier une éventuelle augmentation de complexité. Par ailleurs, lorsque cette idée est admise, les origines de cette augmentation de complexité sont, elles aussi, source de controverse. En fait, tout cela à déjà été clairement expliqué par Lamarck.
 Histoire évolutive du vivant
L'origine de la Vie se situerait vers - 3,8 milliards d'années. Il s'agissait probablement d'organismes procaryotes unicellulaires. On suppose un ancêtre unique à tous les êtres vivants (LUCA). À partir de cet ancêtre se sont diversifiées les différentes formes de Vie.
Articles détaillés : Histoire évolutive du vivant et Arbre phylogénétique.
 Évolution et sociétés humaines
 Évolution et agriculture
Article détaillé : Sélection artificielle.
L'homme a su très vite utiliser la variabilité des populations à son profit : l'évolution dirigée par l'homme, ou sélection artificielle, à cause de la sélection par les éleveurs et les cultivateurs, se produit depuis des millénaires. Il avait été remarqué depuis longtemps que les animaux d'élevage héritaient, dans une certaine mesure, de caractéristiques de leurs parents et nul n'aurait songé à utiliser ses bêtes les plus malingres pour la reproduction. D'ailleurs, Darwin utilise de nombreuses observations issues de la sélection des plantes et des animaux en agriculture pour étayer ses idées. Ainsi, l'homme peut créer une sélection dite artificielle sur son environnement, volontairement pour des raisons économiques, ou involontairement via la pression de chasse, cueillette ou pêche)36.
[modifier] Évolution et informatique
Article détaillé : Algorithme évolutionniste.
L'efficacité du processus de sélection naturelle a inspiré la création d'algorithmes évolutionnistes (comme les algorithmes génétiques) en informatique. Ces algorithmes heuristiques modélisent plusieurs caractéristiques de l'évolution biologique (en particulier les mutations et les recombinaisons) pour trouver une solution satisfaisante à un problème trop complexe pour être abordé par d'autres méthodes.
 Eugénisme
Articles détaillés : Darwinisme social, eugénisme et évolutionnisme.
La pensée évolutionniste s'est notamment propagée au sein de l'anthropologie évolutionniste au XIXe siècle. Pour les anthropologues de cette époque, l'espèce humaine ne fait qu'une, et donc, chaque société suit la même évolution, qui commence à l'état de « primitif » pour arriver jusqu'au modèle de la civilisation occidentale. Cette théorie a été très fortement remise en question. En effet, elle ne correspond pas à la réalité historique observée (les civilisations suivent des « chemins » divergents, ne poursuivent pas les mêmes « objectifs », et la civilisation occidentale, qui devrait pourtant constituer le stade ultime de l'évolution, continue pourtant à vivre de profondes mutations.) et est douteuse d'un point de vue éthique (considérant la société occidentale comme l'aboutissement ultime de la civilisation). À l'inverse de ce qui était pratiqué jusqu'au milieu du XXe siècle, les approches modernes de l'anthropologie évolutionniste privilégient une méthodologie précise (confrontant des sources multiples, s'inspirant des outils d'analyse quantitative des sciences sociales, tentant de se départir de l'ethnocentrisme) et s'appuie sur des théories plus élaborées que l'évolutionnisme simpliste des débuts. Théories inspirées non seulement par la biologie de l'évolution moderne mais aussi par la modélisation mathématique et informatique et parfois enrichies par les connaissances contemporaines en psychologie.
Psychologie évolutionniste
Article détaillé : Psychologie évolutionniste.
L'application des principes de l'évolution (notamment de concepts comme les caractères adaptatifs, la pression de sélection, etc.) en psychologie a donné naissance à un courant baptisé psychologie évolutionniste. Même si Darwin avait déjà émis l'idée que la sélection naturelle a pu façonner aussi bien des caractères anatomiques que psychologiques, cette discipline s'est véritablement formalisée au début des années 1990 dans le cadre conceptuel des sciences cognitives. Depuis, la psychologie évolutionniste est au centre d'une intense controverse scientifique qui tient à de multiples raisons : difficulté méthodologique à établir une histoire évolutive des comportements qui ne sont pas des objets matériels, résistance intellectuelle à envisager l'esprit humain comme en partie déterminé par l'évolution, utilisation simpliste et abusive des théories évolutionnistes, médiatisation et déformation auprès du grand public des problématiques scientifiques... Dans le milieu scientifique toutefois, la psychologie évolutionniste fait désormais partie des paradigmes scientifiques valides
. Évolution et religions

Critiques de la théorie synthétique de l'évolution
Article détaillé : Historique des critiques des théories de l'évolution.
Elles se répartissent en trois origines, parfois combinées :
Critiques idéologiques.
Critiques religieuses (créationnisme et intelligent design).
Du fait, entre autres, de ses implications sur l'origine de l'humanité, l'évolution a été, et reste toujours, mal comprise et/ou, parfois, mal admise hors de la communauté scientifique. Dans les sociétés occidentales, la théorie de l'évolution se heurte à une vive opposition de la part de certains milieux religieux fondamentalistes, notamment pour son incompatibilité avec une interprétation littérale de la Bible ou du Coran. Ses détracteurs se basent sur des analyses pseudo-scientifiques ou religieuses pour contredire l'idée même d'évolution des espèces ou la théorie de la sélection naturelle.
La théorie évolutionniste est-elle compatible avec la croyance en Dieu ? En fait, Ernst Mayr dit à ce sujet : « Il me semble évident que Darwin a perdu la foi un an sinon deux, avant de formuler sa théorie de la sélection naturelle (sur laquelle il a sans doute travaillé plus de dix ans). Par conséquent, il n'est pas infondé d'avancer que la biologie et l'adhésion à la théorie de la sélection naturelle risquent de vous éloigner de Dieu.37»
Le biologiste Richard Dawkins, dans son ouvrage Pour en finir avec Dieu (2008), pense que la sélection naturelle est « supérieure » à l'« hypothèse de Dieu » qu'il qualifie d'« improbabilité statistique », et défend l'athéisme.
Le biologiste Kenneth R. Miller (en) estime que la pensée évolutionniste n'est pas forcément incompatible avec la foi en un Dieu38. Pour lui les écrits de la Bible sont des métaphores.
L'évolution est encore aujourd'hui rejetée par certains milieux religieux, tenants du créationnisme, surtout protestants et musulmans.
La position de l'Église Catholique sur ce sujet est plus nuancée, tout en maintenant l'innerance de la Bible39, « aujourd’hui, près d’un demi-siècle après la parution de l’Encyclique (Humani generis-1950), de nouvelles connaissances (la) conduisent à reconnaître dans la théorie de l’évolution plus qu’une hypothèse ». Elle déclare que Dieu est le seul créateur, qu'Il a créé le monde par amour, mais que l'esprit ne peut pas être le fruit d'une évolution de la matière40.
 Aspects politiques et judiciaires
Les polémiques ont débordé, depuis les années 1990, le simple cadre du débat public, notamment aux États-Unis.
Dans certains États, les tenants du créationnisme ont essayé de rendre obligatoire son enseignement dans les écoles publiques, en tant que « théorie scientifique concurrente » de celle de l'évolution. Cependant ces mesures ont été déclarés anticonstitutionnelles vis-à-vis du premier amendement sur la liberté d'expression, du fait du caractère religieux de cette théorie. Devant ces tentatives, des scientifiques ont ironiquement demandé à ce que soit aussi enseigné le pastafarisme (qui a été inventé à cette occasion).
Un nouveau concept est apparu dans la mouvance créationniste, baptisé dessein intelligent (« Intelligent Design »), qui affirme que « certaines caractéristiques de l'Univers et du monde vivant sont mieux expliquées par une cause intelligente, plutôt que par des processus aléatoires tels que la sélection naturelle41 ». Cette thèse est présentée comme une théorie appuyée par des travaux scientifiques, et ne nie pas l'existence de tout phénomène évolutif. La justice américaine, s'appuyant sur les travaux scientifiques, a cependant jugé (voir Kitzmiller v. Dover Area School) que cette thèse était de nature religieuse et non scientifique, et que les promoteurs de l’Intelligent Design n'explicitaient pas cette « cause intelligente » afin de contourner le problème juridique et d'échapper au qualificatif religieux. D'autres groupes utilisent les arguments de l’Intelligent Design, avec diverses attributions pour la « cause intelligente », par exemple des extraterrestres

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